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Entretien avec Noam Chomsky : "le marché des relations publiques, une industrie de propagande"





Le 18 Juin 2015, par La Rédaction

Noam CHOMSKY, né le 7 décembre 1928, est un linguiste et philosophe américain, professeur émérite au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il est reconnu dans le domaine scientifique comme étant le fondateur de la linguistique générative. Noam CHOMSKY est en outre mondialement célèbre pour ses prises de position critiques vis-à-vis de la société médiatique. Ses nombreux ouvrages engagés dénoncent une forme de propagande en démocratie dont l’objectif est de maintenir l’ordre établi.


Tom Ipri (CC), Flickr
Tom Ipri (CC), Flickr

Dans votre ouvrage intitulé « La fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie », vous affirmez que les médias servent les intérêts des grandes firmes et que cela est dû - au fond - à la nature intrinsèque du système capitaliste. Votre théorie s’applique-t-elle à tous les pays ou uniquement aux Etats-Unis ?

Les médias ne fonctionnent pas de la même manière dans les régimes autoritaires et démocratiques. En ex URSS ou dans les dictatures du Golfe, ce sont les gouvernements qui contrôlent les médias et non les institutions capitalistes. La propagande y est clairement visible, en conséquence, notre théorie y est peu effective. En occident, en revanche, le système est plus ouvert, plus démocratique, et le pouvoir moins apparent.

ux Etats-Unis, par exemple, le gouvernement ne contrôle pas les médias : il peut les influencer ou encore imposer des limites, mais ce sont les institutions capitalistes, les grandes firmes, à travers de vastes conglomérats, qui prennent les décisions. Le tout s’inscrit dans une relation complexe, intime avec l’Etat, qui finit par incarner un seul et même système : avec des conflits bien entendu, mais toujours dans une perspective et des buts similaires. Cette relation d’intérêts détermine et fixe les limites du débat public, la sélection des informations et la manière dont celles-ci seront diffusées. Les points de vue alternatifs sont tolérés, mais limités. Il en ressort ce qu’Edward S. Herman et moi-même avons nommé une « forme de système de propagande ».

Pensez-vous que les relations publiques aient participé à une certaine harmonisation du débat et des idées au sein de nos sociétés contemporaines ?

Le marché des relations publiques s’est lui-même décrit comme étant une industrie de la propagande. Une industrie née il y a environ un siècle aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, les deux nations les plus démocratiques et libérales au monde. Et ce pour une raison relativement simple : il était devenu impossible de contrôler la population par la force. L’obtention de libertés nouvelles a en effet généré de nouvelles modalités de gouvernance : partis, parlementaires, syndicats, etc. Il convenait en conséquence d’identifier un moyen autre que la violence pour contrôler le public.

C’est que vous appelez la fabrique du consentement…

L’expression « fabrication du consentement » - que nous avons utilisée pour intituler l’ouvrage – traduit l’idée d’un contrôle des attitudes et des opinions. La formule fut initialement inventée par Walter Lippmann (1889-1974), un intellectuel américain, qui s’engagea au côté de progressistes comme Wilson (1856-1924), Roosevelt (1882-1945) ou encore Kennedy (1917-1963).

Lippman soutenait que « la fabrication du consentement » était un art nouveau dans la pratique de la démocratie. Art qu’il défendait avec ferveur, affirmant que le public était composé de gens ignorants et que leurs décisions devaient en conséquence être prises par des hommes responsables et sérieux, des hommes comme lui et son entourage.

Lippman, bien qu’il ne l’ait pas explicitement formulé, pensait que les décisions devaient être prises par les tenants du pouvoir privé. Et c’est précisément de cette idée-là, qu’est née l’industrie des relations publiques dont l’un des fondateurs historiques, Edward Louis Bernays (1891-1995), intitula son premier ouvrage… «propaganda». Voici au fond ce dont il est question lorsque l’on parle de relations publiques : de propagande.


 

Propos extraits de l'interview de Noam Chomsky publiée dans Influentia, paru aux éditions Lavauzelle
 





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