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Le luxe est-il l’avenir de la voiture électrique ?





Le 30 Octobre 2013, par

La diffusion de la voiture électrique se fait en douceur, c’est le moins que l’on puisse dire. Néanmoins, nous sommes en train de vivre les premières années de maturité d’un marché sur lequel s’est déjà exercée une forme de sélection naturelle. Associée désormais au luxe aux Etats-Unis, c’est peut-être par la porte du haut de gamme que la voiture électrique va finalement réussir son entrée.


La française et monégasque Fetish de Venturi, première sportive 100% électrique 2 places au monde (crédit : Venturi.fr)
La française et monégasque Fetish de Venturi, première sportive 100% électrique 2 places au monde (crédit : Venturi.fr)
Une histoire mouvementée

L’histoire de la voiture électrique est presque aussi ancienne que celle de l’électricité : il y a bien longtemps que des ingénieurs inventifs, les « bricoleurs géniaux » des révolutions industrielles, ont pensé à utiliser l’électricité comme source d’énergie pour la locomotion. L’américain William Morrison a ainsi conçu la première voiture électrique de série en…1891. D’une puissance de 4cv, elle pouvait atteindre 30 km/h pour une autonomie de quelques kilomètres. Au début du 20ème siècle, lors des premières années de diffusion en masse de l’automobile, voitures électriques et thermiques se côtoient presque en nombres identiques (mais sur un parc global de quelques milliers de véhicules). Rapidement pourtant, la voiture électrique disparait en raison de son coût élevé et de ses faibles performances. L’ère des moteurs thermiques débute, et en dehors de quelques projets expérimentaux sur la base de technologies insuffisamment éprouvées et n’ayant pas solutionné les principaux défauts des véhicules électriques (Buick Skylark et EV1 de General Motors, Vanguard-Sebring CitiCar,…) il faut attendre la fin du 20ème siècle pour revoir apparaitre en grande série cette technologie.

Les difficultés du 100% électrique

Les premiers véritables véhicules électriques apparaitront à la fin des années 1990. Sauf qu’il s’agit en fait de voitures hybrides, qui combinent moteur électrique et moteur thermique selon une architecture et un fonctionnement qui peuvent être différents selon les marques et les modèles. En effet, la motorisation électrique peut prendre la forme d'une énergie d’appoint ou constituer la propulsion principale, un moteur thermique de faible cylindrée servant dans ce cas à recharger les batteries. Tous les modèles intermédiaires entre ces deux configurations sont également possibles. L’hybride est elle-même une idée ancienne, comme en atteste la conception de l’hybride Lohner-Porsche en 1900, dont le design a d’ailleurs inspiré celui des Rover lunaire des missions Apollo. L’hybride est une réponse technique imparfaite au problème récurrent de l’électrique : aucune réponse satisfaisante n'a encore été trouvée concernant l'autonomie. Il ne s’agit pas uniquement de la capacité de la batterie, mais aussi de la disponibilité d’un réseau de rechargement, à l’image des stations-services. Avec au mieux, en moyenne 200 km, d’autonomie pour les modèles grand public actuellement commercialisés, il n’y a pas de quoi encore envisager véritablement une escapade le week-end. Or pour se développer, la voiture électrique aura besoin de conquérir une autre clientèle que l’écolo urbain.

En faire un produit de luxe

Il faut bien l’avouer, les Bluecars d’Autolib’ ont beau rencontré un certain succès, les petites voitures grises ne font pas vraiment frémir d’envie à leur passage, malgré la patte de feu le designer italien Pininfarina. Suivant une logique assez basique de marketing, pour vendre un produit, il faut pourtant trouver un moyen de susciter l’envie, à défaut du besoin, et vendre un peu de rêve. Or, sur ce créneau, la voiture électrique a des arguments. Au-delà des seules contraintes d’autonomie, qui trouveront un jour leur solution avec les progrès continus du stockage d’énergie, la voiture électrique possède des caractéristiques difficiles à égaler pour une voiture classique, comme une puissance potentiellement considérable immédiatement disponible : le constructeur monégasque Venturi vient bien de sortir un modèle de 3000 CV, la VBB-3, avec pour cible des pointes de vitesse à 600 km/h, après un précédent record à près de 500 km/h sur un autre modèle. Exit la poussive Koenigsegg Agera R à moteur thermique et son fade record à 442km/h.

En automobile, la diffusion des innovations se fait généralement par descente de gamme, les modèles luxueux ou sportifs proposant en premier (de manière assez logique) les innovations destinées à se retrouver plus tard sur des produits grand public. Le succès de Tesla Motors aux Etats-Unis, dont le cours de l’action a quadruplé en quelques mois, est là pour illustrer le potentiel de la voiture électrique en tant que voitures de sport. En Europe, BMW s’est également engouffré sur ce créneau, avec l'i3 puis l'i8 bientôt commercialisées (même si l’i8 est en fait une hybride). Tesla comme BMW essaie d’étendre leurs gammes électriques du domaine des super sportives vers celui, limitrophe, des berlines de luxe. Une suite logique qui pourrait permettre à terme la démocratisation de technologies pour l’instant trop coûteuses pour être commercialisées sur des berlines d’entrée de gamme.

Malgré la prometteuse Zoé, il ne serait pas évident pour les constructeurs hexagonaux, généralistes par essence (à plus d’un titre), de trouver leur place sur ce créneau, sauf à investir massivement en R&D et à produire la rupture technologique que la fée électricité et les consommateurs appellent de leurs vœux. Puisque certains envisagent de ressusciter l’emblématique marque Alpine, pourquoi ne pas envisager alors une Alpine Supercar électrique ?


Grégoire Moreau
Journaliste et blogueur, je me suis fait avec le temps une spécialité des questions techniques et... En savoir plus sur cet auteur


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