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Pierre Fayard : « Les petites économies momentanées peuvent se transformer en désastre »





Le 28 Avril 2014, par La Rédaction

Pierre Fayard, est professeur à l’Institut d’Administration des Entreprises de l’Université de Poitiers. Auteur prolifique dans les champs de la stratégie et de la communication, il a notamment reçu le Prix 2011 « Stratégie d’entreprise » de la DCF (fédération des Dirigeants Commerciaux de France) pour son livre intitulé Comprendre et appliquer Sun Tzu – 36 Stratagèmes de sagesse en action. Son dernier ouvrage, La Force du Paradoxe – En faire une stratégie ?(1), co-écrit avec Éric Blondeau, s’inspire également de la culture stratégique chinoise. Pierre Fayard s’en explique dans cette interview.


La Force du Paradoxe est votre premier livre rédigé à quatre mains, pourriez-vous nous en dire plus sur sa genèse ?


Pierre Fayard : « Les petites économies momentanées peuvent se transformer en désastre »
Pierre Fayard : J’avais identifié cette force du paradoxe dans la culture stratégique chinoise, et nourrissais l’idée d’en faire la matière d’un livre à partir des 36 stratagèmes traditionnels chinois. À l’issue d’une rencontre avec Éric Blondeau lors d’une formation au Ministère des Affaires Étrangères, nous avions projet d’écrire un livre ensemble au vu de nos convergences et convictions partagées. À mon retour de huit années d’expatriation en Amérique du Sud, je lui ai proposé ce thème qui résonnait beaucoup avec sa très riche expérience de coach dans des situations extrêmes, et il a dit banco.

Comment avez-vous procédé ?

L’une des clefs de cet aboutissement, est que nous avons travaillé sans plan, en totales confiance et liberté quant aux partis pris dans une ambiance très créative, type brain storming permanent. Nous nous sommes lancés dans l’écriture avec la volonté de produire un livre utile qui prenne le contrepied de comportements spontanés qui desservent plus qu’ils ne servent, et tout cela avec humour. Surtout, ouvrir des perspectives très opérationnelles pour la vie de chacun. Pendant ce processus d’un an, nous nous sommes rencontrés brièvement à trois reprises, mais systématiquement en visioconférence au moins une fois par semaine. Chacun avait alternativement la main sur les chapitres pour que le résultat soit une fusion unifiée d’approches et de styles.

Précisément, les partis pris de ce livre ne sont guère habituels. Vous avez choisi « d’écrire des histoires » plutôt que de vous lancer dans la théorie, pourquoi ?

Parce ce qu’elles durent plus longtemps, et par souci de légèreté aussi. Une histoire, quand elle fait mouche, le lecteur l’incorpore et en poursuit l’écriture avec ses propres mots. C’est plus interactif. En invitant dans des fictions, ce livre procède par suggestions. Son principe est de donner à réfléchir en offrant une trame sympathique et amicale aux lecteurs. En retour, bon nombre d’entre eux se disent interpelés et prennent possession des histoires. Avec Éric Blondeau, nous avons agi comme des guides de voyage en traçant des cartes, avec commentaires, que chacun peut emprunter à sa manière. Parfois, la fin de l’intrigue reste en blanc car le monde est ouvert, à chacun de conclure comme il l’entend. Ça et là dans le texte, le lecteur a rendez-vous avec des « pauses GPS » qui font le point à partir d’une vision globale, satellite, sur la situation. Une « morale stratégique » intervient en fin de chapitre, suivie d’une batterie de questions « pour faire du paradoxe une stratégie », et non pas le subir.

Vous voyez dans le paradoxe un moteur, une force de transformation qui enferme, ou qui libère. Sans jeux de mots, n’est-ce pas un peu… paradoxal ?

Si l’on considère que la vie doit être linéaire et entièrement prévisible, sans opposition ni contradiction, et qu’il suffit de dire ou de vouloir pour avoir, oui, il s’agit d’un paradoxe. Mais dans le monde dans lequel nous vivons, tout et son contraire cohabitent. Que cela plaise ou non, il est vain de se révolter contre. Quand on s’installe dans le confort douillet des habitudes en pensant que, par nécessité décrétée, tout va, et tout doit bien aller, on oublie la part d’ombre qui se venge à la longue. À refuser de voir l’ensemble de la réalité dans sa diversité, à exiger de la lobotomiser pour satisfaire et célébrer l’incommensurable beauté aveuglante de son ego, de son petit moi-je, on ne fait que nourrir, et amplifier ce qu’on refuse de reconnaître sous prétexte que ça gêne ! Et ces petites économies momentanées peuvent se transformer en désastres.

La faute nous en reviendrait donc ? Devrions-nous nous en prendre qu’à nous-mêmes selon vous ?

Il est des exemples tragiques, dramatiques une fois solidement ancrés faute d’avoir regardé assez tôt la réalité en face. Pourquoi tant de bonnes intentions, et des augures si favorables finissent par accoucher de leur contraire ? Pourquoi le printemps arabe se transforme en hiver, et la religion musulmane, sans aucun doute la plus tolérante de ses consœurs monothéistes, enfante une caricature inverse ? Où sont les graines qu’on a refusé de voir, qu’on a déclaré illégitimes et interdites parce que trop dérangeantes ? Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres, la vie quotidienne, comme celle des affaires, en témoigne tout autant. Alors, pourquoi ? Parce que l’on oublie, par facilités ou paresse, que la vie est complexe. La faute à ce faux frère d’ego qui nous encense mais nous abuse, au « moi-je » dont les décrets et les exigences se réclament intemporels et plus réels que la réalité elle-même dans sa richesse et sa diversité. Rien moins ! Obsessions, illusions et peurs constituent un terreau de prédilection pour des paradoxes qui emprisonnent et sapent les capacités d’action positive.



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