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Taxi contre VTC : La protection d’un monopole avant tout ?





Le 13 Janvier 2014, par

La guerre que les taxis ont déclaré aux véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC) connait une nouvelle bataille ce lundi 13 janvier 2014. Or, ce n’est pas tant une concurrence déloyale qui semble être la cause de ce courroux que la simple existence d’une concurrence, venant menacer les équilibres financiers du secteur.


(Crédit : Frank S. Malawski)
(Crédit : Frank S. Malawski)
Concurrence déloyale ou abus de position dominante ?

Les VTC sont sans conteste devenus les bouc-émissaires d’une profession qui peine à se réformer depuis des années. Rappelant sans ambiguïté certaines pratiques mafieuses, quelques grévistes se seraient d’ailleurs autorisés à manifester violemment leur mécontentement auprès des VTC, ainsi qu’auprès de taxis non-grévistes lors de la journée d’action du 13 janvier.

Tous les chauffeurs de taxis ne sont naturellement pas des vandales, mais la relative indifférence dont fait preuve la profession à l’égard de ces violences pose question. Aucune condamnation officielle de la part des syndicats n’a pour l’instant été relevée contre des pratiques pourtant dangereuses. Si la grève est un droit, elle semble aussi être un devoir pour certains.
 
Peut-on reprocher à des étrangers, pris un otage par une grève à laquelle ils n'entendent rien de préférer du coup les VTC aux taxis, pour des questions de propreté des véhicules, de prix et de qualité de services ? Ce sont pourtant bien là des reproches fréquemment faits aux taxis, mais passés sous silence plus souvent encore. Certes, il n’est pas possible de nier les difficultés du métier de taxi, et des conséquences sur la santé des professionnels de la conduite urbaine. Entre des horaires à géométrie variable, des clients parfois difficiles, surtout aux heures de sorties de soirées, et un coût d’entrée sur la marché particulièrement élevé, la vie de taxi n’est pas rose. Peut-être est-ce d’ailleurs la raison qui pousse les taxis à camper avec autant de pugnacité sur leurs positions. Néanmoins, pour accepter de payer 240 000 euros la licence de taxi à Paris, aussi appelée « autorisation de stationnement », c’est que le métier doit tout de même être rentable, même si les chauffeurs n’en sont pas forcément les bénéficiaires.

L’obscur marché parallèle des licences

Alors que la profession invoque la précarisation de sa profession, on s’interroge sur le fait qu’une « autorisation de stationnement » puisse se vendre et donc s’acheter plusieurs centaines de milliers d’euros sur les bourses d’échanges. Une somme considérable, sachant que c’est un document qui est, à la base, délivré gratuitement par les mairies ou la préfecture de police à Paris.

Mais les listes d’attentes sont longues, et le nombre de taxis autorisés à exercer est une constante (Environ 18 000 à Paris). Alors il est légalement tout à fait possible d’acheter une licence auprès d’un chauffeur de taxi qui prend sa retraite. Pour certains, cette licence constitue l’essentiel de leur capital-retraite, mais des ententes illégales sur les prix de revente ont déjà été constatés dans toute la France en 2006 puis à nouveau en 2010, en 2011 par le DGCCRF.

Ce n’est pas tant une dégradation du service rendu, les pertes d’emplois (elles pourraient être compensées par des créations dans les entreprises de VTC) ou une précarisation du métier que les taxis craignent. Ce ne sont pas non plus les petites infractions des VTC aux règles (prise de passagers à la volée, utilisation des voies de bus…) qui provoquent les foudres des taxis. Eux-mêmes refusent illégalement (sauf exceptions) mais régulièrement des courses qu’ils jugent peu rentables, leur préférant les plus rémunératrices courses vers les aéroports parisiens.

Par contre, les sociétés de taxis ont toutes les raisons de craindre la perte financière sur le prix de la licence induite par l’ouverture à la concurrence. Comment espérer réaliser une plus-value sur le prix d’une licence achetée à prix d’or s’il suffit d’être auto-entrepreneur pour devenir VTC ? Ces sociétés paniquent actuellement à l’idée que le système d’achat et de revente qu’elles ont eux-mêmes instauré ne supporte pas l’existence d’une concurrence : les prix des licences ne peuvent rester élevés que si l’offre de transport reste rare.

En conséquence, les sociétés de taxis n’ont qu’une seule priorité : contraindre au maximum toute offre nouvelle et donc entraver toute possibilité de concurrence, pour maintenir le prix de la licence à son cours actuel. Leurs peurs des sociétés de taxis sont légitimes et compréhensibles, mais l’accusation de concurrence déloyale qui en résulte n’est pas crédible. Et si l’avenir de ces taxis, qui ont passé une vie à rembourser un investissement de départ important, doit être pris en compte, il n’est pas certain que les usagers soient aussi sensibles à leur volonté de préserver ce, qu’en d’autres circonstances, on appellerait une « rente de situation ». Car l’offre de taxis parait ridiculement basse aux yeux de nombre de franciliens. Cette situation de blocage ne sera donc pas tenable encore très longtemps. Et la remise à plat qui s’impose pour cette activité ne saurait se résumer à une dérégulation brutale, qui engendrerait des pertes financières insupportables pour nombre de sociétés de taxis et de chauffeurs indépendants.


Grégoire Moreau
Journaliste et blogueur, je me suis fait avec le temps une spécialité des questions techniques et... En savoir plus sur cet auteur


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