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Une ethnologie actualisée du patronat





Le 17 Octobre 2013, par

Les fantasmes sont nombreux au sujet du pouvoir qu’exercent réellement les organisations patronales au sein de notre société. Un ouvrage sociologique en dresse un portrait distancié et lève le voile sur un mode de fonctionnement moins obscur et, en fin de compte, plus humain qu’il n’y paraît.


Une ethnologie actualisée du patronat
S’il fallait retenir une bonne raison de lire cet ouvrage, ce serait celle qui nous amène à comprendre combien « le truisme d’un patronat tout-puissant assimilé à l’organisation le représentant (…), n’a d’égal que l’ignorance que l’on peut avoir empiriquement de sa structuration et de son fonctionnement ».

Son auteur, le politiste Michel Offerlé, n’en est pas à son coup d’essai. Ancien Professeur de l’IEP de Paris qu’il a quitté en 1996 pour rejoindre l’ENS, l’expert en sociologie des organisations revient d’une incursion en terre patronale. Et plus précisément, du MEDEF, dont il retrace méticuleusement l’histoire très récente sous un angle sociologique.
Son ouvrage, parmi d’innombrables mérites, a notamment celui de nous donner le recul nécessaire à la compréhension du fonctionnement réel des organisations patronales, et de leur influence dans notre quotidien tant elles ont su s’ériger en contrepoids démocratique.

Mais ce poids est également à nuancer, dans la mesure où la représentation patronale est un univers très concurrentiel, voire darwiniste à certains égards. Bien que l’environnement médiatique du « patronat » soit à la fois réducteur et trusté par deux mastodontes – le MEDEF et la CGPME -, la représentation patronale est aussi un écosystème extrêmement dense où se côtoient des organisations plus confidentielles, parfois discrètes, mais non moins représentatives d’une certaine frange du patronat français. Le "patronat" n’est pas ce monopole supposé, ou du moins fantasmé, du MEDEF. 

C’est aussi un univers dont la marche est dictée par la coopétition entre organisations patronales, car il faut régulièrement savoir s’exprimer d’une seule voix, au-delà des individualités fortes, de la course aux adhérents, des divergences d’intérêts.  
   
Cet univers de la représentation patronale relève du champ politique, au sens noble du terme, quand bien-même il s’est progressivement mué en machine de guerre des idées. En effet, une organisation patronale est aussi une assemblée démocratique où, parfois, s’affrontent des visions de l’avenir, s’expriment des rivalités personnelles, se télescopent des systèmes de valeurs… Bref, une organisation patronale se mue parfois en village gaulois, à l’image de la plupart de nos institutions.

Souvent accusées d’opacité, elles ont peut-être un tort : celui de communiquer trop peu envers le grand public. Les organisations patronales ne peuvent être réduites à leur rôle de lobby. Elles siègent -est-il besoin de le rappeler ! - aux côtés des syndicats de salariés, dans les structures paritaires chargées de piloter nos dispositifs de formation professionnelle et notre système de protection sociale. Non, le patronat n’est pas juste l’une des deux extrémités de cet antagonisme caricatural entre les syndicats de salariés et le club très fermé des hauts dirigeants.

La lecture du livre d’Offerlé, Les Patrons des Patrons, dessine les contours d’un écosystème banalement humain, moins secret que l’imaginaire collectif veut bien le laisser paraître. Pour autant, c’est un récit passionnant.  




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