Journal de l'économie

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Fusions acquisitions et la clause d’earn out






Le terme anglo-saxon d’« earn-out » recouvre un concept que l’on peut rapprocher de celui de « complément de prix ». Les clauses d'earn-out sont apparues pour la première fois en Grande-Bretagne dans les années 80. Leur utilisation est devenue fréquente (1) dans les contrats d'acquisition de sociétés, notamment en raison des succès de montages d'acquisition utilisant l'effet de levier de l'endettement (2) . Cette clause connaît même un regain d’intérêt, en raison du contexte de crise mondiale (3) qui rend plus incertaine la progression des résultats de l’entreprise.


Illustration: IngImage
Illustration: IngImage
La clause d’earn out permet un compromis entre des intérêts souvent antagonistes. Le repreneur se veut prudent et tend à douter de la valeur de la cible. Le cédant entend vendre sa société au meilleur prix. Cette clause donne ainsi la possibilité à l’acquéreur, de mieux apprécier l’évaluation de l’entreprise, en se basant sur l’activité et les performances réelles futures de l’entité cible. Elle prévoit en effet qu’une partie du prix de la cible dépende des résultats à venir, évitant ainsi au cédant de surestimer la capacité de sa société à générer des bénéfices.

L’earn out est un mécanisme particulier de paiement de la cible qui a été notamment conçu pour les situations, où la présence du dirigeant-actionnaire de la cible est indispensable pendant quelques mois ou quelques années, après l’acquisition pour que l’opération réussisse. Dans un montage de type earn out, la rémunération du cédant comporte de ce fait deux volets, une dimension fixe (prix plancher) et l’autre variable, calculée en fonction des résultats observés au cours des mois ou années qui suivent la transaction. Ce mécanisme est principalement adapté au cas où le vendeur demeure à la tête de la cible après la transaction. La présence d’une partie variable vise ainsi à limiter les risques d’opportunisme, en l’intéressant aux résultats futurs de la cible. Ce mécanisme permet aussi à l’acquéreur d’étaler le rachat de l’entreprise dans le temps, en ne versant que la partie fixe du prix de cession, le montant de la partie variable étant lié au niveau de performances atteint. Pour le vendeur, l’intérêt de cette démarche dépend principalement des performances à venir de l’entreprise.

Le principal problème d’un earn out consiste à déterminer la formule de calcul de la partie variable du prix de vente de la cible qui repose sur trois paramètres : les indicateurs de performance, les modalités de calcul et la durée d’estimation. La durée typique d’un earn out se situe entre un et trois ans, avec un délai moyen de l’ordre de deux ans. Une durée supérieure sort de la logique d'application de cette clause. Le choix des indicateurs de référence porte le plus souvent sur des éléments de performance comptable comme le résultat net ou l’excédent brut d’exploitation. D’autres critères liés à la situation patrimoniale de l’entreprise ou à ses performances d’exploitation peuvent également être retenus.

La mise en œuvre d’un mécanisme d’earn out n’est cependant pas sans risque, que cela soit pour le vendeur ou pour l’acheteur. Les risques sont principalement supportés par le vendeur, qui subit un aléa sans recours sur le prix de vente de la cible tandis que l’acheteur compense en général le paiement d’un prix plus élevé par l’amélioration des performances de l’entreprise achetée. Pour limiter ces risques, il est d’usage d’encadrer la clause d’earn out de précautions particulières notamment lors de la rédaction du protocole d’accord. Parmi les risques qui doivent être gérés au moment de la rédaction du protocole d’accord, on trouve principalement ceux inhérents aux manipulations comptables visant à minimiser les performances de la cible et donc le prix définitif de la transaction. Pour minimiser ces risques, il convient d’encadrer le mode de calcul de l’indicateur (par exemple le résultat net) en précisant les composantes à inclure et à exclure (par exemple les produits et charges qui doivent être exclus du calcul du résultat net). Dans le cas où l’indicateur retenu est fondé sur le flux de trésorerie, il est préférable de préciser la nature des investissements entrant dans la formule de calcul, pour éviter une politique de surinvestissement momentanée qui aurait pour seul objectif de diminuer le prix de vente de la cible. Parmi les autres risques pouvant être minimisés lors de la rédaction du protocole d’accord, on trouve les risques relatifs à la survenance d’événements extérieurs (sinistre), altérant de manière directe la performance de la société cible.

En conclusion, la rédaction de la clause doit être claire, rigoureuse et détaillée, notamment en ce qui concerne les éléments servant de base au calcul du complément de prix, qui doivent être incontestables. Face aux risques encourus (nullité de la vente) pour cause de mésentente ou de complexité administrative, il est de ce fait primordial d’instaurer dès le départ une démarche méthodique et précise qui rassure l’ensemble des parties.

Sources

(1) On constate un recours accru aux clauses d’earn-out dans les fusions-acquisitions européennes (de l’ordre de 20 % des transactions), ce qui témoigne de la confiance des vendeurs dans les résultats futurs. Les clauses d’earn-out ont été particulièrement prisées en Europe du Nord, où leur recours est comparable à celui aux Etats-Unis.

(2) via un holding de reprise, de type LBO (mode de raisonnement fondé sur les flux financiers en avenir incertain).

(3) Meier O., Schier G., Fusions acquisitions : stratégie, finance, management, 5ème Edition, DUNOD, 2016.


Olivier Meier
Olivier Meier est Professeur des Universités, HDR (Classe exceptionnelle), directeur de... En savoir plus sur cet auteur


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