Journal de l'économie

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Retailers, Wake Up!





Le 23 Février 2016, par

Mes derniers « benmarks shopping » à la recherche de concepts, marques ou produits innovants me laissent sur ma faim et soulèvent une question : où est passée la créativité, ce moteur puissant du business qui enchante le consommateur, lui donne l’envie de découvrir, de consommer « LA » Nouveauté ?


Les mots clés du retail :

- Uniformisation : tous les shoppings malls qu’ils soient à Chicago, Istanbul ou Shangaï se ressemblent au plan de l’architecture, du service, de l’offre de marques.
- Banalisation : des collections basiques et souvent ressemblantes, les mêmes matériaux et coloris utilisés pour les boutiques.
- Omni-canalisation : tous les distributeurs veulent toucher les consommateurs par les nouveaux canaux : drive, click&collect, e-commerce, mobile … et multiplient les tentatives sans toujours comprendre ce qu’ils font.
 
Internet et l’essor du e-commerce ont gelé les énergies, l’intelligence et l’innovation, déplaçant l’esprit entrepreneurial vers la nouvelle économie et non plus sur les bonnes vieilles boutiques (le mortar).

En effet, le numérique échappe bien souvent aux « vieilles institutions » trop sclérosées pour entrer dans une dynamique de remise en question permanente, de structuration des équipes et répartition des responsabilités très nouvelles, alors même que d’une part les générations Y et Z qui aiment le retail pour y travailler ou comme consommateurs ne conçoivent plus une réussite commerciale … qu’en ligne, d’autre part, des investissements considérables sont indispensables (logistique, système d’information, site, gestion clients, data base …). Le constat est sévère, mais …
 
Dans la dernière décennie peu de nouveaux concepts successfulls sont nés. Quel est le Nespresso de la mode, l’Apple de l’accessoire, l’Amazon du bijou ou l’Uber de la décoration ? Malgré quelques « success stories » qui demandent confirmation : Maje, Sandro, Claudie Pierlot, Kooples, Michaël Kors ou Tory Birch …, seuls les métiers de bouche et dans une moindre mesure l’hôtellerie connaissent une vague de réhabilitations et de nouvelles ouvertures sans précédent (palaces pour les nouveaux riches asiatiques, moyen orientaux et russes, Art’ Hôtels, Boutique’ Hôtels).

Ces derniers semblent prioriser l’intelligence créative afin de réaliser des lieux « habités », originaux, parfaitement ciblés, ou le mix service / qualité des produits et de la cuisine / magie du lieu et de la décoration / atmosphère « vraie » font adhérer massivement les clientèles cibles.

Ober Mamma, East Mamma (et bientôt un nouveau concept de 800 m2 sur le même thème), Eataly, Miss Kö, Maison Plisson … dynamisent ces métiers avec l’émergence quotidienne de nouveaux « lounge bar », « finger food », « food truck », ou lieux crées autour d’un produit (Popellini, L’éclair de Génie, Michalak …). Il y a également des expériences « omnicanal » réussies : John Levis, Burberry

Mais une sorte de fuite en avant face à l’omnicanal considéré comme une figure imposée, un relais de croissance avéré que la plupart ne savent pas comment aborder, et qui devient presque un « effet de mode de communication » ou un « rattrapage » déjà tardif plutôt qu’une réelle conviction structurante pour l’avenir des sociétés.

Car c’est d’un nouveau métier dont il s’agit avec de vrais spécialistes et non une « réorientation » de personnel autrefois spécialiste du commerce traditionnel. Un nouveau métier drivé par les meilleurs experts du numérique, des équipes logistiques « multicanal », des gestionnaires et activateurs pointus de la data clients, des acheteurs et merchandiseurs spécifiques, une politique d’animation particulière, un système d’information pluri-disciplinaire et des investissements … très importants.
 
La réussite du passage au numérique et plus précisément au commerce illusoirement virtuel, est un chemin semé d’embûches même avec les meilleurs spécialistes. Est-ce à dire que le magasin traditionnel est mort ou condamné à devenir un lieu de showrooming ? Non, mais…
 
A force de répéter de façon sérielle les mêmes clichés, la plupart des distributeurs ont oublié de les mettre en pratique à marche forcée et de façon personnelle et innovante : 
  • Service : on en est encore à admirer les USA ou le Japon, pays dans lesquels les vendeurs sont aimables et accueillants. La belle affaire ! N’est-ce pas le « préalable » à toute relation commerciale ? N’est-ce pas un chantier prioritaire que d’avoir une force de vente (qui soit réellement une force !) conviviale, experte, fidélisante et donc respectée. Le vendeur d’aujourd’hui ne risque-t-il pas de devenir l’O.S. (ouvrier spécialisé) du XXIème siècle si l’on n’y prend pas garde ?
 
  • Merchandising : discipline reine aux USA (comme le marketing dont il n’est que l’un des branches), souvent parent pauvre en France. Des marques ou concepts font parfois la différence d’abord parce que le merchandising est puissant et capte la clientèle (ce qui est aussi un risque s’il n’y a que ce point qui est différenciant) : Abercrombie&Fitch, Urban Outfitters, Victoria’s Secret, Anthropologie ou Ralph Lauren en sont (ou en ont été) de brillants exemples. Et que dire de cette boutique de Los Angeles qui change ses vitrines et l’ordonnancement de son magasin tous les jours (ou plutôt toutes les nuits !).
 
  • Evènementiel : l’exemple le plus évident est Disney qui pourrait se contenter de ses attractions dans les parcs mais multiplie les animations, parades, feux d’artifice, expositions thématiques pour rendre différente et enchanteresse chaque visite et revisite du consommateur.
 
Faire vivre une expérience marquante, surprenante, étonnante, inattendue à ses clients. Quel bel acte de foi ! Mais qui y arrive réellement ? De même que toutes les directions d’entreprise ont élargi leur comex avec l’arrivée d’un « Mr. Numérique », ne serait-il pas temps que le directeur de magasin soit secondé non par un financier que l’on trouve maintenant dans toutes les strates de l’organigramme mais par un directeur de l’évènementiel chargé de donner au quotidien de la vie au magasin, de l’énergie aux équipes et de l’envie aux clients. 
 
Le chantier est prioritaire et le retail doit se réinventer d’urgence. Ce n’est pas d’un simple lifting dont il s’agit mais d’un travail de fond, en remettant en cause les acquis et en se projetant résolument dans le futur. Regarder vers les Etats-Unis est toujours riche d’enseignement, tant ce pays vit généralement les transformations et mutations avec quelques années d’avance.
Et ce que l’on voit dans le retail n’est pas réjouissant :
  • des grands magasins qui n’enchantent plus depuis des années;
  • des centres commerciaux qui ferment ou sont en perdition;
  • des boutiques peu différenciantes dont les loyers deviennent insupportables...
 
Finalement, dans un monde caractérisé par « l’imprédictibilité », seuls les visionnaires pourront résister. Et en économie comme en politique, ces talents-là sont rares !


Michel Roulleau
Michel Roulleau est Président de Michel Roulleau SAS. Ancien directeur général adjoint du groupe... En savoir plus sur cet auteur


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