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Développement durable urbain : un enjeu local et légal





Le 16 Octobre 2013, par Stéphane Jacquet

Le développement local durable est un enjeu nouveau pour les collectivités françaises. Il est censé assurer la pérennité de l’équilibre entre le social, l’écologique et l’économique dans les centres urbains. Mais sa mise en œuvre est plus difficile qu’il n’y paraît.


De nos jours, le développement urbain se voit de plus en plus contraint de répondre à des critères de durabilité. À l’échelle des collectivités, cela s’explique par un phénomène qu’il est facile d’observer : la raréfaction des ressources foncières. Dans ce contexte, la durabilité revient à optimiser et à rationaliser leur utilisation. L’enjeu est en effet de faire en sorte qu’elles satisfassent de manière harmonieuse le plus grand nombre de besoins humains, sociaux et économiques, et cela le plus longtemps possible. De nombreux paramètres conditionnent toutefois la réussite d’un tel projet.

Un rapport au temps qui évolue

FreeDigitalPhotos /Suat Eman
FreeDigitalPhotos /Suat Eman
« L’évolution de l’urbanisme passe par la nécessité d’incarner les nouvelles idées, exigences et aspirations des opérations urbaines circonscrites, pour leur donner vie et pour les tester », affirme la géographe Cyria Emelianoff dans les colonnes d’Alternatives Economiques (1). De fait, le développement urbain est contraint de se réinventer constamment pour rester conforme aux attentes de son temps. En ce début de XXIe siècle toutefois, une rupture semble être intervenue en ce sens que la durabilité des projets de développement des collectivités fait désormais partie des considérations directrices là où elle était pour l’essentielle ignorée auparavant.

En effet, comment qualifier autrement que de court-termiste les politiques urbaines déclenchées dans les années 1970 par exemple ? « Cette période marque la concentration de la population française vers les villes », retrace ainsi Frédéric Renaudin, spécialiste du droit de l’urbanisme. Intervient alors d’après lui « la prise de conscience de la persistance d’une crise du logement et la nécessité d’accueillir dans les villes un exode rural croissant ». Les banlieues de Paris, de Lyon, de Marseille changent alors subitement de visage pour accueillir des flux inattendus de population. Le pourtour des métropoles se hérisse alors de tours en béton, avec les conséquences que l’on connaît aujourd’hui sur la vie des quartiers, leur degré de mixité sociale, ou la facilité d’accès aux infrastructures environnantes.

Les débuts français en matière d’urbanisation verticale n’ont pas été une incontestable réussite sur le long terme. Mais l’étalement urbain dont fait l’objet l’ensemble des communes françaises n’est pas non plus une panacée. Une telle politique ne peut en effet se poursuivre indéfiniment sans menacer l’activité agricole et la biodiversité ainsi que l’indique Gabriel Lecat (2). Si bien que plus en plus de communes se résolvent à adapter leur politique de développement urbain aux exigences de soutenabilité. « La commune d’Argenteuil a fait le choix de construire et reconstruire la ville sur elle-même afin de réserver de grands espaces à la nature », lit-on par exemple dans le Guide Méthodologique, « le plus grand d’entre eux est une zone agricole » explique ce document édité par le CETE Méditerranée à l’attention des responsables du développement urbain.

Atteinte à la biodiversité, pression démographique, vetusté des bâtiments, faiblesses de conception des infrastructures, évolutions des modes de vie : nombreux sont les facteurs qui poussent les habitants et leurs gouvernants locaux à remettre aujourd’hui durablement en question l’aspect pratique des cités qu’ils animent. Certes, le fonctionnement d’une ville comme Paris ne sera probablement jamais aussi fluide que celui de cités telles que New York ou Sydney qui ont été modelées dès leurs débuts à l’aune de principes d’urbanisation modernes. Mais fort heureusement, la plupart des communes françaises bénéficient encore d’une plasticité certaine qui leur permet d’évoluer. Un signe encourageant à une époque où, en France, l’urbanisme élargit son horizon pour mieux s’inscrire dans le long terme.

Un développement urbain tourné vers l’avenir

Les carences de l’urbanisme d’hier sont désormais bien identifiées. Ainsi pour Aymeric Poujol, fiscaliste et spécialiste en stratégies foncières, cela ne fait aucun doute : « il sera nécessaire de valoriser les constructions actuelles, éventuellement en remplaçant les structures obsolètes ». « Il ne faut non pas reconstruire à l’identique, mais reconstruire différemment », poursuit-il, « ces bâtiments pourraient être renouvelés avec des bâtiments plus intelligents et répondant aux demandes pour plus de commerces, plus de logements, plus de bureaux ». Accroître l’utilité de surfaces insuffisamment valorisées jusque là est à vrai dire devenu l’une des principales préoccupations des collectivités locales françaises.

D’ailleurs, certaines communes donnent l’exemple en matière d’urbanisme durable. A cet égard, le succès d’Issy-les-Moulineaux revient en partie à son maire, André Santini qui a durablement façonné le paysage urbain de la ville en s’efforçant d’accueillir des habitations et des locaux d’affaires et de commerce de façon la plus équilibrée possible. Son dernier projet en date ? Le quartier du fort d’Issy : « Le projet a connu deux présidents de la République, quatre Premiers ministres et trois ministres de la Défense », commente le maire isséen dans les colonnes du Nouvel Observateur. Mais le résultat est à la hauteur de la patience de l’équipe municipale. Le fort d’Issy est désormais « une cité numérique et durable », à l’usage des particuliers et des professionnels. A peine inauguré, le quartier doit accueillir « 25% de logements sociaux », une multitude de commerce, et déjà la commune entend ériger« trois tours de bureaux de 160 à 180 mètres » supplémentaires.

Le concept d’éco-quartier, en plein essor, s’impose d’ailleurs comme un élément de réponse décisif à ces impératifs d’optimisation de l’espace disponible. Sur le plateau de Millevaches, l’éco-quartier du Four à pain s’affiche ainsi ambitieusement comme participant d’un urbanisme « sur mesure, adapté aux réalités locales ». Fruit d’une initiative citoyenne, le projet d’éco-quartier a permis de satisfaire mieux qu’aucun autre les attentes des habitants du village de Faux-la-Montagne dont certains souffraient jusqu’à très récemment de « l’inadéquation entre l’offre (logements vétustes, voire insalubres, trop petits ou trop grands) et la demande (logements récents, performants énergétiquement) ».

Reste alors à traduire ces solutions dans les faits pour déployer à fond l’urbanisme durable invoqué par les localités. La tâche n’est pas aisée, ne serait-ce qu’en raison de la contrainte légale. « Nous faisons face à un problème de stabilité du droit », expliquait par exemple le sénateur Pierre Jarlier, vice-président de l’association des maires de France, à l’occasion d’une conférence tenue à l’Université de Caen Basse-Normandie. « Depuis l’année 2000 et le vote de la loi SRU, […] le code de l’urbanisme évolue pratiquement tous les ans ». Une tendance accentuée par l’introduction des exigences du Grenelle de l’environnement, et les chamboulements constants de la fiscalité. « La loi de révision des valeurs locatives s’est faite sans concertation aucune avec les principaux acteurs du secteurs, c’est-à-dire les contribuables, leurs conseils, les collectivités et l’administration », commentait par exemple Aymeric Poujol, suite à l’annonce en septembre 2013 de la volonté du gouvernement d’actualiser les données de bases pour le calcul des taxes foncières et d’habitation. Mener à bien un projet urbain n’a ainsi jamais été aussi compliqué pour les communes. Redonner le pouvoir de l’initiative aux localités en simplifiant le droit : c’est donc peut-être là que réside aussi la clé d’un urbanisme plus performant aujourd’hui.
 
(1) C. EMELIANOFF, entretien par A. LOUBIERE, « A quoi servent les éco-quartiers ? » in Alternatives économiques, Hors-Série N°39, juin 2009.
(2) G. LECAT, Analyse économie de la planification urbaine, Thèse sous la direction de Jean Cavailhès, juin 2006.




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