Journal de l'économie

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« Appel à la guérilla mondiale »





Le 2 Mai 2019, par La Rédaction

Nicolas Hazard est diplômé d'HEC et titulaire du master ès affaires publiques de Sciences-Po Paris 7. Il organise l'évènement Impact, le « Davos » de l’entrepreneuriat social à l’Hôtel de Ville de Paris. Il a été élu en 2015 « Young Global Leader » par le World Economic Forum, il est lauréat du prix Montgolfier (comité des Arts économiques).


« Appel à la guérilla mondiale »
Nicolas Hazard, vous êtes un brillant entrepreneur qui a longtemps côtoyé les politiques, vous venez de publier le livre « Appel à la guérilla mondiale ». Dans quel contexte s’inscrit-il et pourquoi estimez-vous ce livre nécessaire ?
 
Ce livre m’est apparu comme une évidence, encore plus le jour où Nicolas Hulot a décidé de jeter l’éponge et quitter le gouvernement. Je me suis dit : si même une personnalité comme lui se sent pieds et poings liés, que peut-on attendre des États et des institutions internationales ? Pendant ce temps-là, 7 millions de personnes meurent chaque année dans le monde à cause de la pollution et nous aurons bientôt davantage de plastique dans les océans que de poissons. Pas la peine de rabâcher les éternels mêmes constats catastrophiques – ce n’est pas le propos de mon livre. Mon propos est de dire que le terme de transition nous tue à petit feu, par l’inertie qu’elle induit. Et par son incitation permanente à remettre à demain ce que nous aurions dû faire hier. Il est aussi de dire que nous n’avons rien à attendre de ceux qui nous dirigent, que les solutions pour changer de paradigme sont déjà là, à portée de main, et que c’est leurs porteurs, celles et ceux que je nomme les guérilleros d’une nécessaire guérilla mondiale, qu’il faut soutenir et encourager partout là où ils sont. Nous avons besoin d’une radicalité nouvelle, pacifique, mais déterminée.
 
Si vous deviez exprimer en quelques mots la conviction que vous portez dans ces pages, que diriez-vous ?
 
Que la stratégie des petits pas ne mène à rien, ou à pas grand-chose. Voguer de grandes déclarations en grande déclaration n’a pour résultat qu’un attentisme généralisé. Comme sur le Titanic, le bateau coule pendant que l’orchestre continue gaiement à jouer, en l’occurrence l’air de la transition, comme si de rien n’était. Je refuse d’être pris entre le catastrophisme et l’attentisme généralisés. Mon propos est de montrer que le changement de paradigme en matière environnemental et social passe par le fait d’actionner deux leviers : des mesures radicales en matière économique, fiscale, sociale et institutionnelle d’une part. Et d’autre part, une guérilla mondiale. Autrement dit, structurer pacifiquement des poches de résistance pour inventer le monde de demain, dont le nombre croissant permettra à terme d’inverser le rapport de force et de changer la donne. Une révolution du local au global, menée par des guérilleros, des porteurs de solutions concrètes qui ne demandent qu’à changer d’échelle.
 
Quel apport particulier/regard différent, estimez-vous apporter au débat « fin du monde, fin du mois » ?
 
Fin du monde, fin du mois, même combat ! Aujourd’hui vous avez un mouvement comme celui des gilets jaunes qui demande plus de justice sociale et fiscale. Un mouvement qui est symptomatique d’une vraie colère autour du recul ou de la stagnation du pouvoir d’achat, mais aussi d’un ras-le-bol de l’augmentation des inégalités et qui vit la question écologique comme une injustice de plus, car vue sous l’angle fiscal. Une écologie punitive plutôt que positive. Personne n’a expliqué que plus d’écologie c’était plus de justice et moins d’inégalités. Rien n’a été fait dans ce sens. Il faut construire une politique qui change les règles du jeu, qui prenne davantage en compte les aides à la transition écologique pour ceux qui en ont réellement besoin, tout en mettant en place un système de fiscalité sur les pratiques polluantes envers les entreprises et les États… Il faut changer le système capitaliste dans lequel nous sommes. Par exemple, arrêter de culpabiliser nos concitoyens parce qu’ils ne font pas pipi dans la douche, mais contraindre l’industrie et les acteurs de l’agriculture productiviste, respectivement consommateurs de 20 % et 70 % de l’eau disponible, à changer leurs pratiques.
 
Pensez-vous que ce débat sera central dans le contexte des élections européennes qui s’ouvrent ?
 
Je ne suis pas sûr. Il faudrait déjà que les élections européennes arrivent à intéresser nos concitoyens, et je n’ai pas l’impression que ce soit vraiment le cas. L’Europe est le cadre idéal pour mener une part de la guérilla mondiale que j’appelle de mes vœux, mais pas au sens politique du terme. Je crois davantage à une union des guérilleros européens pour faire de l’Europe l’acteur numéro un dans le monde dans la réduction des inégalités et la révolution écologique. 
 
Quel regard portez-vous sur la capacité des politiques à faire changer les choses ?
 
Dans le registre étatique et international, je l’ai dit, je n’y crois plus, comme beaucoup de citoyens. Cependant, au niveau local, beaucoup de choses peuvent être faites. Des personnalités politiques fortement ancrées localement – souvent des femmes d’ailleurs – arrivent à bouger les lignes. Je pense à Anne Hidalgo à Paris, à Carole Delga en Occitanie ou encore Alain Juppé à Bordeaux. Je pense aussi à la maire Marie-Claire Uchan qui se démène pour son magnifique village de Saint-Bertrand-de-Comminges, face aux défis immenses que doit affronter le monde rural. Eux aussi mènent leur guérilla pour faire de leur territoire le début d’un monde meilleur.




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