Journal de l'économie

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« Maîtriser une crise ne consiste pas à minimiser la crise, mais à maximiser la relation de confiance. »





Le 8 Octobre 2019, par Vincent Lamkin


En minimisant a priori les risques liés à l’incendie qui a ravagé le site de Lubrizol à Rouen, l’Exécutif a commis une double faute originelle.
 
La première, en cherchant à rassurer prématurément sur les conséquences de l’événement, est de ne pas prendre la mesure de sa gravité. A fortiori, en fournissant des explications très lacunaires qui ne permettaient pas de rationaliser cette position, contrairement à ce qu’a pu dire, au micro de Jean-Jacques Bourdin, Sibeth Ndiaye, la porte-parole du Gouvernement : « Moi, je serais restée parce que je suis quelqu’un d’un peu rationnel… ». Laquelle n’est pourtant jamais avare de commentaires peu raisonnables. En agissant ainsi, le gouvernement s’expose de facto et prend le risque d’une responsabilité… d’irresponsabilité, s’engageant trop tôt sur les impacts ultimes de la catastrophe. La parole de l’Exécutif, qui bascule dès lors dans une forme d’autodéfense par minimisation (alors qu’il aurait pu se placer sur un autre terrain), n’a plus qu’à s’asseoir sur le banc des pointés du doigt.
 
La deuxième erreur, qui en découle, c’est qu’à vouloir rassurer trop vite, trop grossièrement, on instille le doute et l’on ouvre grand les vannes à ce que l’on peut qualifier de syndrome « Tchernobyl » : la psychose d’une dissimulation massive des conséquences sanitaires et écologiques réelles de la catastrophe.
 
On comprend bien la logique qui préside à une telle approche. Tout pouvoir, qu’il soit politique ou économique, confronté à un événement exceptionnel et grave, qui par sa nature suscite questionnement et inquiétude, prend très souvent ce parti d’en amoindrir ou d’en nier a priori le danger et la portée, avec l’objectif précisément d’éteindre « l’incendie ».
 
Cette double erreur de communication dans la gestion de l’information – indépendamment de toute considération sur la gestion technique de la crise sur le terrain – a pour conséquence immédiate d’amplifier la crise et de rompre la relation de confiance. Or, maîtriser une crise ne consiste pas à minimiser la crise, mais à maximiser la relation de confiance. Toutes choses égales par ailleurs, quand Winston Churchill, face au nazisme, promet aux Anglais du sang, de la sueur et des larmes, il ne minimise pas l’épreuve, mais il place au plus haut le discours de vérité et de confiance.
 
On touche là à un point évidemment sensible dans une société où, en toute chose, par un effet boomerang des progrès humains, la psychose des risques le dispute au principe de précaution. Dans un tel contexte, face à une catastrophe industrielle, difficile d’assumer une parole non définitive ou anxiogène sur les risques auxquels pourrait faire face la population. Il est mal aisé pour tout pouvoir, dans une telle société, de dire qu’il ne sait pas. L’hubris est passée par là…
C’est bien cependant sur ces deux tableaux – la vérité humble et l’action pragmatique – qu’il faut savoir s’engager. Car l’autorité d’une parole et la maturité d’une société se mesurent aussi dans le courage qu’elles assument à partager la vérité et l’incertitude – dès lors qu’elles sont adossées à une ligne d’action clairement tracée. L’inverse – une parole trop sûre, adossée à des informations floues et à une action incertaine – ne présage rien de bon.
 
En assumant une telle position, notamment à l’heure où il cherche à gagner en crédibilité sur le terrain environnemental, l’Exécutif aurait pu préserver un capital confiance, notamment quant aux informations qu’il délivre et aux actions qu’il engage, sans pour autant créer une psychose locale. En faisant cela, il aurait pu aussi mieux neutraliser les attaques et les critiques d’opposants ou de tacticiens politiques qui voient leur intérêt à s’indigner, à demander des explications, une enquête, de la transparence… Bref, à s’engouffrer dans la faute, et, pour le coup, à la maximiser !

Vincent Lamkin
Associé-fondateur de l’agence Comfluence
Co-Président d’Opinion Valley
 




1.Posté par annie le 09/10/2019 16:49 | Alerter
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il y a en effet différents niveaux de politique de prévention des risques professionnels ! : Le niveau du déni est malheureusement assez fréquent ! : voir « Les politiques de sécurité au travail et de prévention des risques professionnels » : http://www.officiel-prevention.com/formation/formation-continue-a-la-securite/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=139&dossid=427

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