Journal de l'économie

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​Résidences seniors et résidences services – les limites de la copropriété du copropriétaire.





Le 3 Septembre 2019, par Nicolas Lerègle

Depuis quelques années, si on y fait attention, des articles de presse évoquent les problèmes rencontrés par des copropriétaires de lots situés dans des résidences services qui, au fil du temps et des changements de propriétaires des appartements, proposent de moins en moins les services qui, pourtant, ont justifié, à l’origine, l’achat du bien.


​Résidences seniors et résidences services – les limites de la copropriété du copropriétaire.
Dans le même registre on peut évoquer les copropriétaires d’appartements dans des immeubles de type résidences de tourisme qui s’aperçoivent, au fil des années, que leurs droits de copropriétaire se limitent à suivre les volontés d’un syndic, encadrés qu’ils sont par un bail, souvent commercial, qui les contraint à s’adapter aux souhaits de l’exploitant.

Ces deux situations, sur le papier, différentes, se ressemblent néanmoins. Elles témoignent de la difficulté, dans la durée, de faire des investissements immobiliers « toute chose égale par ailleurs ».

Elles mettent en lumière aussi l’opposition entre le droit de la copropriété codifié il y a plus de 50 ans et des immeubles, découpés et soumis à ce droit et à d’autres, répondant à des besoins spécifiques, ayant une utilité déterminée, une logique d’investissement qui leur est propre et qui arrivent à ne plus cocher les bonnes cases ayant justifié leur acquisition.
Deux questions se posent.

Pour les résidences services elle est de savoir quel mécanisme peut être mis en place pour, gérant les éventuelles transmissions de propriété (volontaire ou du fait de la vie), garantir à ceux qui restent présents et attachés aux services originellement présents et ayant motivé leur achat, le maintien de ceux-ci à qualité et charges constantes et ce jusqu’à ce qu’il n’en ait plus l’usage. En somme d’un point de départ binaire, des résidents seniors assurant une occupation homogène et acceptant les charges idoines liées aux services attendus, beaucoup de ces résidences sont, aujourd’hui, avec deux types d’occupants (ou copropriétaires) ceux, de moins en moins nombreux, qui ont besoin des services à la personne proposés et ceux, plus récents et amenés à devenir les plus nombreux, qui n’en veulent pas et ne souhaitent donc plus les payer.

Pour les résidences de tourisme de type appart-hôtels la question est celle de la combinaison entre un copropriétaire non occupant – sauf parfois de façon ponctuelle via une clause de time-sharing – un syndic qui administre le bien et particulièrement les prestations objets des charges et travaux, et qui curieusement n’est pas toujours du côté des copropriétaires, et un exploitant qui règle un loyer au copropriétaire et s’occupe du remplissage des appartements pour générer des revenus. Nous sommes donc, implicitement, dans un ménage à trois ce qui amène à rechercher lequel est le cocu de l’histoire. La pratique montre que c’est généralement le copropriétaire qui est confronté aux dérapages de son statut. Il lui revient en effet, généralement au titre du bail qu’il a signé, de suivre les demandes de l’exploitant en termes de travaux et prestations ce qui revient mécaniquement à diminuer, année après année, le rendement de son investissement initial.

Derrière ces deux problématiques se niche plusieurs constats :

Le premier est que l’immobilier est une matière mouvante qui suit les tendances et besoins de son temps. En phase avec ceux-ci à un moment il peut aussi se révéler déphasé, pas en lui-même, mais pas la combinaison des évolutions de la société et de la non-anticipation de mécanismes de fluidité qui auraient pourtant été aisés de prévoir et mettre en place.

Le deuxième est que coller à un contrat très évolutif les contraintes de régimes juridiques inappropriés, car trop rigides, ou plus simplement non prévues pour ces cas de figure est souvent un pis-aller qui ne peut que générer des problèmes et des contentieux. La copropriété est un mécanisme donnant le pouvoir aux propriétaires, le bail commercial est un statut, fort en droits pour le locataire, l’alliance des deux est un peu celle de l’huile et du vinaigre, la vinaigrette est éphémère, car instable.

La troisième est l’imagination des professionnels concernés qui, en ce domaine, proposent des contrats entre eux et les copropriétaires truffés de clauses rendant ceux-ci souvent inextricables, aux rendements inexorablement orientés à la baisse, la courbe de leur évolution croisant celle, haussière, des charges d’exploitation (travaux, mise aux normes, etc.) des propriétaires et dont ils ne peuvent se départir. Celui qui se croit gagnant au début se révèle souvent perdant quelques années plus tard.

La quatrième est que ces situations, et médiatisations, ont un impact sur la tenue du marché immobilier des biens concernés voire sur l’existence même de ces marchés. Il appartient aux professionnels, mais aussi aux pouvoirs publics de s’interroger sur ce que la société aurait à gagner à un appauvrissement des offres immobilières spécifiques.

On glose sur le prix du m2 moyen à Paris de 10 000 €, on oublie parfois de rappeler que certains arrondissements de Paris sont composés à plus de 25% de résidences secondaires et que les seuils de rentabilité de nombreux types d’immeubles ne peuvent plus être atteints.
Un marché immobilier actif est celui qui, de l’appartement au site de production, propose tout le panel des usages, commerces, hôtels, établissements de santé, EPHAD, MAPAD, enseignements, locaux culturels et sportifs privés comme publics… il doit donc attirer des investisseurs, pas nécessairement institutionnels, pour se vivifier et se renouveler.

Un marché qui tend à trop se rétracter et à se recentrer sur quelques classes d’actifs, bureaux, logements luxueux, commerces et hôtels et une vision oligopolistique des investisseurs s’approche de celui d’une ville musée/villégiature. Un marché dont les prix entraînent, aujourd’hui comme hier, un exode (rural) de ses habitants surtout si les propriétaires ne se sentent plus maîtres chez eux.


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