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À l’aube de 2022, quelles tendances et quelles prospectives pour le commerce ?





Le 9 Janvier 2022, par Philippe Cahen

Le futur du commerce s’appuie classiquement sur les faits de l’année, c’est de la tendance, ou sur des sauts dans le futur à partir de signaux faibles, c’est de la prospective. La tendance est pour les années qui viennent, la prospective est pour dans les dix ans.


Image Pixabay
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Les 5 tendances essentielles de 2021
 
2021 a été marqué de nombreuses ruptures et tendances qui vont se poursuivre pendant les années à venir. Le commerce est une matière vivante où chaque journée crée sa nouveauté. Voici 5 tendances qui paraissent importantes parmi les dizaines possibles.

La première rupture est l’explosion en quelques mois du « quick commerce » qui consiste à se faire livrer en 10 à 15 min. Dans le détail, il s’agit d’achats alimentaires, le plus souvent sur une liste réduite de 1 000 à 3 000 références, souvent abritée dans des petits entrepôts, des « dark stores ».

La bataille de 2022 va être violente comme à chaque création de marchés et il restera peu d’acteurs. D’une part, la formule demande à faire vivre l’assortiment, d’autre part les livreurs à vélo demandent rémunération (certaines enseignes optent pour des CDI) ce qui augmente le prix du panier. En attendant, les acteurs traditionnels prennent des participations dans les acteurs de « quick commerce ». Le temps gagné mérite-t-il le prix de livraison ? Là est la question…

La deuxième tendance est le marché de l’occasion, de la réparabilité, dont nous nous sommes fait l’écho dans ces colonnes. Des spécialistes comme Vinted ou Vestiaire Collecte voire Le BonCoin y ont pris une place considérable, les enseignes traditionnelles s’y mettent comme d’ailleurs les industriels avec plus de difficulté, car le réseau physique est un avantage. Ce commerce répond aux demandes environnementales et à l’allongement voulu de la durée de vie des produits (l’indice de réparabilité est mis en place au 1er janvier 2021) et à la soif de consommer moins cher.

Cette rupture est fondamentale et doit perdurer d’autant que la baisse du pouvoir d’achat pousse cette tendance.

La troisième tendance est la proximité. Cette tendance a débuté il y a plusieurs années et a explosé avec le confinement. Son succès est acquis d’autant que le consommateur diminue les magasins visités. La proximité s’impose aussi par des « antennes » de magasins périphériques (Ikea par exemple) qui ouvrent en centre-ville : même sur 200 m², une enseigne peut présenter l’assortiment d’un 5 000 m² ! Reste à définir la proximité : quel est son rayon commercial ?

La quatrième tendance et le numérique au service du commerçant et du consommateur. Que ce soit avec son mobile, son paiement numérique pour le consommateur, ou pour le commerçant par la reconnaissance du client, ses achats, ses hésitations, les données vont se multiplier. L’exploitation de ces données est très riche et de nombreuse start-up s’en sont fait une spécialité qui aide positivement le commerce dans la compréhension de sa clientèle, de son stock, de sa logistique, de sa gestion, etc. La limite est légale et concerne la collecte et l’exploitation des données. La performance ultime dépasse le numérique, car les données sont trop nombreuses et trop conditionnées. La meilleure utilisation se fera par l’intervention humaine qui introduira l’impossible, le rare, le non évident afin de sortir d’une systématique devenue stérile, car commune.

Enfin la cinquième tendance résume plusieurs tendances décrites : le commerce va vendre moins de produits neufs et plus de services. Nous entrons non pas en déconsommation, mais en meilleure consommation. Ainsi la voiture se loue pour bénéficier de son usage et de tous les services qui l’accompagnent. La « vie mensuelle » devient vivante que ce soit pour se déplacer, pour s’habiller, pour manger ou son bien-être. La tendance va se développer encore pendant de longues années.

5 sauts dans le futur

Les sauts dans le futur, à dix ans, sont le fruit de quelques signaux faibles. Loin d’être des tendances, ce sont de véritables ruptures.

Le premier saut est la transformation d’hypermarchés — ou ce qu’il en reste — en magasins populaires ou en grands magasins, les plus souvent en centre urbain, en périphérie pour certains d’entre eux. Ce seront des capteurs de temps. Des grandes surfaces où le plaisir de déambuler est réel. Ne nous trompons pas, l’acte d’achat ou simplement le fait de se balader dans des espaces avec commerce et service, des espaces de vie, est un acte naturel de la vie.

Certains ont timidement commencé la mutation…

Le deuxième saut est le commerce de… silence, de calme. Il s’agit d’une création d’espaces de calme, de respiration, d’odeurs… où l’on peut s’asseoir ou s’allonger, voire somnoler. Ces espaces trouveront leur place par le nombre important de commerces à louer que ce soit dans les centres commerciaux, ou dans les villes. La recherche d’un moment de calme, le vieillissement de la population, sont autant de besoins à satisfaire dans des espaces de commerces où règne la surenchère de bruits, de lumières, de produits. Le silence un commerce ? Oui, lorsqu’il correspond à un véritable service.

Le troisième saut est la livraison qui va métamorphoser le commerce de ville et de centre commercial. Le e-commerce a développé sa facilité par le paiement et par la livraison qui est entrée dans les mœurs. Or le commerce physique doit fournir sa réponse personnalisée. En somme, le commerce physique aura son système de livraisons groupées qui présentera une souplesse intéressante pour le client : faire ses achats les mains dans les poches et être livré à la demande. Pour les entreprises de livreurs, il y a là une facilité de livraisons coordonnées.

Le quatrième saut est lié à l’expansion de l’habitat en villes petites ou moyennes, et zones rurales. Quand bien même, avec un site Internet un indépendant, notamment un artisan peut vendre dans le monde entier, des « grossistes » d’indépendants se développent avec succès comme le site Internet américain Faire, créé en 2017, qui est valorisé 12,4 milliards $. Des points de vente physiques, émanation de ces sites de grossistes, vont se développer pour représenter ces indépendants. Comme d’ailleurs aujourd’hui des « supermarchés » de campagne vendent directement les producteurs de produits alimentaires locaux, car vendre directement seul a un prix élevé.

Le cinquième saut n’est pas directement lié au commerce, mais aura un impact très puissant sur lui. Il s’agit de la voiture autonome. Mercedes atteindra le niveau 3 d’autonomie au premier semestre 2022. L’autonomie de niveau 5 arrivera quelques années plus tard. À Shenzhen comme en Californie les constructeurs — notamment Waymo — sont quasi prêts. Or le monde urbain d’aujourd’hui est construit autour de l’automobile comme véhicule de propriété de l’individu. La voiture autonome est en fait un système de transport collectif d’usage. C’est tout autre. Le commerce devra alors se réinventer. Le système de livraison décrit plus haut sera l’une des réponses de centre-ville. Pour le commerce éclaté, notamment en périphérie, il en sera tout autre.
 
Pour ces cinq tendances et cinq sauts dans le futur, chacun imaginera ce que deviendront les enseignes d’hier et celles qui survivent, ainsi que les pur-players Internet. Certains des premiers sont en voie de disparition, certains des seconds sont en voie d’éclatement. Les survivants, ceux qui mutent inlassablement, traverseront les dix années qui viennent. Mais c’est une autre histoire.
 
Je repars en plongée…

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa


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