Payet, G. (2021), Marmaille de la République, Les confessions d'un préfet. VA Editions, Pages 11-14
"Dès l’âge de neuf ans, j’ai décidé que préfet je serai. Rêve de marmaille, projet un peu fou d’ado, défi d’étudiant, et la concrétisation en deux temps avec la réussite au concours d’entrée à l’École Nationale d’Administration en 1977, puis la nomination comme préfet de la Haute-Corse en 2005, à cinquante-deux ans, après un début de carrière déjà bien rempli.
« C’est cool la vie de préfet » m’a déclaré une jeune adjointe au maire d’une commune des Vosges, lors d’une cérémonie de remise de médailles de la Jeunesse et des Sports, en découvrant les ors des salons de la préfecture et une vie faite à ses yeux de représentation et de signature de parapheurs. Cool, le métier peut l’être.
[…]
Mais le métier est aussi exigeant, éprouvant, nerveusement et même physiquement. Par construction, le représentant de l’État dans un territoire est le bouc émissaire idéal, celui qu’on « immole » dans un rite d’expiation collective. Dormez tranquilles braves gens, le gouvernement veille sur vous. Le responsable de la tragédie que le pays vient de vivre a été trouvé. Et le gouvernement en a tiré toutes les conséquences. J’ai échappé à cette fin tragique, en précisant que dans notre fonction publique la mort n’est que fictive, et la victime, maintenue sauf faute particulièrement grave dans son grade avec sa rémunération, a un sort encore enviable aux yeux de l’immense majorité de nos concitoyens.
Ce métier m’a amené à gérer des crises majeures ou des dossiers aussi difficiles que sensibles. Il m’a confronté plus d’une fois à des drames, des morts tragiques. On se force souvent dans ces circonstances à garder sa dignité parce qu’on représente l’État, parce qu’on doit prononcer un discours, parce qu’on est sous l’œil des caméras et le regard des élus. Mais je ne pouvais retenir mes larmes dans cette chambre d’hôpital avec ce père, cette mère, ce frère originaires de Moselle et venus passer leurs vacances en Haute-Corse, département dont j’avais la charge, et pleurant une fille, une sœur, tuée par un forcené à l’été 2006. Larmes discrètes, y compris dans la voiture sous le regard des policiers chargés de ma protection, mais je pleurais sans retenue une fois rentré à la préfecture.
Ce métier m’a permis d’approcher et d’intégrer cercles du pouvoir et arcanes de la politique ou de la haute administration française. Investi pleinement dans l’action, j’ai toujours gardé une capacité de recul et un regard critique sur ce que je vivais.
[…]
Volontiers provocateur, j’ai maintes fois opposé à des collaborateurs que « le droit est un instrument au service d’une politique ». La formule me permettait de rappeler à ceux qui avaient développé un culte de la procédure ou de la formalité, au détriment du culte du résultat, la finalité des règles qu’ils disaient appliquer avec tant de conscience professionnelle.
[…]
J’ai voulu partager les analyses et réflexions forgées au fil de confrontations à des dysfonctionnements de l’État ou à des situations choquantes. Parfois abruptes, ces réflexions comme les propositions qui en sont issues n’engagent que moi.
Ce livre est aussi l’occasion de rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagné et soutenu dans ce parcours.
[…]
À ces élus et responsables économiques et associatifs dont le contact m’a tant appris.
À ces journalistes avec lesquels j’ai toujours entretenu une relation confiante, en veillant à leur accès à l’information et en n’hésitant pas à user régulièrement du « off » sans jamais avoir eu à m’en plaindre, qu’il s’agisse des médias locaux avec lesquels les relations étaient quotidiennes ou des médias nationaux."
"Dès l’âge de neuf ans, j’ai décidé que préfet je serai. Rêve de marmaille, projet un peu fou d’ado, défi d’étudiant, et la concrétisation en deux temps avec la réussite au concours d’entrée à l’École Nationale d’Administration en 1977, puis la nomination comme préfet de la Haute-Corse en 2005, à cinquante-deux ans, après un début de carrière déjà bien rempli.
« C’est cool la vie de préfet » m’a déclaré une jeune adjointe au maire d’une commune des Vosges, lors d’une cérémonie de remise de médailles de la Jeunesse et des Sports, en découvrant les ors des salons de la préfecture et une vie faite à ses yeux de représentation et de signature de parapheurs. Cool, le métier peut l’être.
[…]
Mais le métier est aussi exigeant, éprouvant, nerveusement et même physiquement. Par construction, le représentant de l’État dans un territoire est le bouc émissaire idéal, celui qu’on « immole » dans un rite d’expiation collective. Dormez tranquilles braves gens, le gouvernement veille sur vous. Le responsable de la tragédie que le pays vient de vivre a été trouvé. Et le gouvernement en a tiré toutes les conséquences. J’ai échappé à cette fin tragique, en précisant que dans notre fonction publique la mort n’est que fictive, et la victime, maintenue sauf faute particulièrement grave dans son grade avec sa rémunération, a un sort encore enviable aux yeux de l’immense majorité de nos concitoyens.
Ce métier m’a amené à gérer des crises majeures ou des dossiers aussi difficiles que sensibles. Il m’a confronté plus d’une fois à des drames, des morts tragiques. On se force souvent dans ces circonstances à garder sa dignité parce qu’on représente l’État, parce qu’on doit prononcer un discours, parce qu’on est sous l’œil des caméras et le regard des élus. Mais je ne pouvais retenir mes larmes dans cette chambre d’hôpital avec ce père, cette mère, ce frère originaires de Moselle et venus passer leurs vacances en Haute-Corse, département dont j’avais la charge, et pleurant une fille, une sœur, tuée par un forcené à l’été 2006. Larmes discrètes, y compris dans la voiture sous le regard des policiers chargés de ma protection, mais je pleurais sans retenue une fois rentré à la préfecture.
Ce métier m’a permis d’approcher et d’intégrer cercles du pouvoir et arcanes de la politique ou de la haute administration française. Investi pleinement dans l’action, j’ai toujours gardé une capacité de recul et un regard critique sur ce que je vivais.
[…]
Volontiers provocateur, j’ai maintes fois opposé à des collaborateurs que « le droit est un instrument au service d’une politique ». La formule me permettait de rappeler à ceux qui avaient développé un culte de la procédure ou de la formalité, au détriment du culte du résultat, la finalité des règles qu’ils disaient appliquer avec tant de conscience professionnelle.
[…]
J’ai voulu partager les analyses et réflexions forgées au fil de confrontations à des dysfonctionnements de l’État ou à des situations choquantes. Parfois abruptes, ces réflexions comme les propositions qui en sont issues n’engagent que moi.
Ce livre est aussi l’occasion de rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagné et soutenu dans ce parcours.
[…]
À ces élus et responsables économiques et associatifs dont le contact m’a tant appris.
À ces journalistes avec lesquels j’ai toujours entretenu une relation confiante, en veillant à leur accès à l’information et en n’hésitant pas à user régulièrement du « off » sans jamais avoir eu à m’en plaindre, qu’il s’agisse des médias locaux avec lesquels les relations étaient quotidiennes ou des médias nationaux."