Journal de l'économie

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Jamais l’entreprise n’a eu un besoin aussi urgent de prospective





Le 13 Avril 2020, par Philippe Cahen

Imaginons le TGV. Lancé à 360km/h. Même à 500 km/h. Arrêt d’urgence. En quelques kilomètres. Stop. Il est un peu abîmé. Pas trop en réalité. On le répare. A minimum. Il redémarre. Se relance. Il lui faut des dizaines de km pour retrouver les 500 km/h. Avec une angoisse : est-il suffisamment réparé ? Peut-on le réparer en roulant ? Son arrêt peut-il se reproduire ?


Photo Pixabay
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C’est ce que nous vivons.

C’est un rêve éveillé. Un cauchemar vécu. Un film de science-fiction dont nous ne maitrisons pas le scénario qui se réécrit chaque jour.
Pour l’entreprise, c’est la même chose. Pas pour toutes les entreprises d’ailleurs. Certaines ne se sont pas arrêtées. Au contraire, elles vont encore plus vites. Elles embauchent. A l’inverse, d’autres sont en arrêt total. Arrêt cher. Long. Mortel. D’autres encore, naviguent à vue, ne savent pas ce qui va advenir.
Prenons donc un cas moyen. Si le moyen existe…
L’entreprise se trouve confrontée à 4 temps :

  1.  Pendant la crise du Covid-19

C’est le spectacle du confinement. Exceptionnel. Dont on ne connait pas la durée. Avec des clients, qu’ils soient entreprises ou consommateurs, qui sont transformés, un tiers en télétravail, en tiers sur le terrain, un tiers à l’arrêt. Comme avec une patte en l’air : attendant le jour d’après. C’est de la gestion du présent, ce n’est pas de la prospective. C’est sans doute jusqu'à courant mai, début juin.

 2.  Le déconfinement

C’est un temps flou. Que sera le déconfinement : quand, quelle durée, où, qui, … Comment vont réagir les clients, entreprises ou consommateurs. En Chine, le déconfinement a créé un premier temps de sidération : comment sortir, qui voir, qui ne pas voir, où aller, où ne pas aller, consommer oui, mais quoi, mais où, … L’entreprise se retrouve en assistance psychologique de ses salariés, de ses clients.

Elle materne, ne brusque pas. On est dans la sortie du cauchemar et le retour à une sorte de vie réelle avec la crainte permanente de l’autre, de la rechute. C’est sans doute pour fin mai, juin, pendant 4 à 6 semaines tout en sachant que les plages de vacances sont des lieux de rassemblements à hauts risques comme les événements sportifs et les festivals de musique. Les frontières seront fermées. Et dès lors, il va falloir assumer au jour le jour les mois de « vacances » qui seront pour beaucoup des mois de reprise de travail.

  3.   Le relancement

Le relancement, c’est le temps de fin de confinement, la tentative de reprise d’un temps normal. C’est quoi d’ailleurs ce temps normal après ce choc social, économique, organisationnel, psychologique, etc.
Va-ton vivre un rattrapage de ce qui n’a pas été consommé, ou au contraire une soif débordante de consommation, ou encore un basculement dans une nouvelle consommation. Ces trois scénarios sont envisageables autant pour les entreprises que pour les consommateurs.

Ce temps doit être préparé par l’entreprise dès maintenant. Il faut sortir de la tendance, ne pas imaginer que ce temps sera la simple suite du temps d’avant, d’avant mars 2020. Ce sera un temps autre qu’il faut préparer rapidement. Plusieurs scénarios sont à construire, dépendant de chaque marché, de chaque entreprise, afin de ne pas se laisser surprendre, des scénarios très larges. C’est de la pure prospective : de quoi demain (le relancement) peut-il être fait. Ce temps peut durer de 6 mois à 2 ans.

   4.  L’après Covid-19, le nouveau temps

L’après Covid-19 est un cas idéal de prospective. Nous serons en fin d’été, en début d’automne. L’économie aura été atrophiée après 6 mois de profonde « maladie ». Elle devra se reconstruire. 6 mois de nos jours, c’est beaucoup. En 6 mois nous aurons changé. Tout ce qui touche à la technologie aura bougé, tout ce qui touche à l’environnement aura été perçu différemment, tout ce qui touche à la ville aura changé de perception, tout ce qui touche à la santé aura pris une importance et une hiérarchie nouvelle. Le choc psychologique marquera les individus, mais pour combien de temps.

Quel sera le choc social. Entre les solastalgiques et les résilients, comment se gèrera une entreprise, et au-delà que seront ces consommateurs. Comment reparler des retraites, du chômage, du logement. Comment les frontières vont-elles se rouvrir. Comment vont reprendre le tourisme, la culture et le divertissement, la restauration, etc. et chaque marché a un impact sur le reste.

L’après Covid-19 c’est la prospective de l’Etat (voir le CNR, Conseil National de la Réinvention) et la prospective de l’entreprise et de son marché. Le propre de la prospective est d’émettre des scénarios de futurs. Chaque marché a ses scénarios. Voire chaque entreprise a les siens. L’enjeu est de ne pas se laisser surprendre. Être prêt. Et c’est dès aujourd’hui qu’il faut construire les scénarios, des scénarios extrêmes, impensables. Car le propre de cette époque est d’être bousculée, contradictoire.

Par ailleurs, la prospective est un formidable outil pour ressouder des équipes malmenées par le confinement. Voir loin, c’est déjà s’échapper du quotidien. La prospective n’est pas aujourd’hui l’affaire de longues études durant des mois, c’est au contraire  émettre rapidement des options de futurs. C’est le choix de ces options qui prend du temps. Et pour mettre l’entreprise en prêt à marcher, on ne dispose que de deux mois.

En conclusion

En général, les entreprises gèrent le présent plutôt qu’elles ne préparent le futur. Elles sont tête et corps dans le présent. Cette crise est historique par son danger humain et son confinement obligatoire, l‘arrêt d’activité. C’est donc un temps unique pour réfléchir à son futur, avoir la tête dans le futur. D’autant que le futur ne sera pas la continuité du passé. Chaque entreprise est en devoir d’imaginer, de préparer son futur. Dans 6 ou 10 mois, il sera trop tard pour regretter. De chaque crise naissent les leaders de demain, à défaut d’en être un, au moins l’entreprise ne doit pas entrer dans le cimetière d’une époque révolue, celle qui se termine avec 2020.

Je repars en plongée …

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles  », éd. Kawa
 


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