Journal de l'économie

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Orgueil et préjugés… et zombies





Le 3 Mai 2021, par Nicolas Lerègle

Saurons-nous trouver la martingale qui pourra nous épargner le terrorisme ? À cette question la réponse est tout sauf évidente tant ce phénomène est changeant.


Image Pixabay
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Bien sûr il y aura toujours des actes de terrorisme privilégiant la tuerie de masse, mais les moyens requis pour de telles actions sont de plus en plus difficiles à réunir. Rien par contre n’est plus simple que de se munir d’un couteau acheté dans la grande surface de voisinage, de se procurer des bouteilles de gaz ou de prendre tout simplement le volant de sa voiture.

Il y a eu au cours des dernières années un glissement progressif d’un terrorisme de commando aguerri et déterminé à des actions individuelles relevant de l’artisanat dans les moyens et de l’opportunisme dans le passage à l’acte. Nulle volonté d’amoindrir l’attaque dont a été victime Stéphanie Montfermé à Rambouillet, mais celle-ci n’était pas plus visée que celui qui aurait été à sa place au même endroit et à la même heure. À cet instant, ce qui comptait pour l’assassin était juste de tuer un policier pour ce qu’il représentait et de marquer ainsi les esprits.

Modus operandi simple s’il en est, il en devient dès lors difficile à prévoir pour ceux qui ont cette responsabilité. Aux traditionnels moyens de renseignement et d’investigation, il faut intégrer une dimension temporelle complexe à cerner, le temps extrêmement rapide de radicalisation d’un individu. Temps qui aujourd’hui se compte en jours pour ne pas dire en heures, très éloigné de ce qui était de mise en termes d’endoctrinement pour les terroristes politiques des années 70/80 (action directe, brigade rouge, bande à Baader…). Heureux temps en somme, qui permettait de mieux cerner ces groupuscules et de mettre un terme à leurs activités.

Il faut aujourd’hui se résoudre à vivre avec un terrorisme latent et souterrain.
On pourrait aussi dire un terrorisme immédiat, opportuniste et de faible intensité.
Toutes ces caractéristiques en font une menace sourde pour notre société et déstabilisante, car émanant d’elle-même.

Tempêter contre l’immigration clandestine, l’islamophobie, invoquer une tolérance zéro et une plus grande sévérité des tribunaux comme le font les politiques est strictement vain. Une réalité s’impose, sur ce sujet tout a été dit et tout a été fait, les lois existent et au fond rien ne sert de réécrire des textes en les faisant passer pour neufs.

Modifier un texte est simple, changer des mentalités et des habitudes, des arrangements internationaux, des conséquences de l’Histoire c’est beaucoup plus compliqué. Entre les petits accommodements locaux et les accords internationaux, l’espace existe pour le déploiement d’un fondamentalisme dévoyé, présenté comme une réponse aux maux de la société.

Maintenant de quels moyens un pays démocratique, ce point est essentiel, dispose pour s’y opposer, non pas sur le terrain unique de la sanction a posteriori, mais celui de la prévention a priori ?

Au fond la réponse est simple, le pays dispose des moyens qu’il est disposé à y mettre et ce « quel qu’en soit le coût » pour reprendre une formule consacrée.
Non seulement les budgets des forces de sécurité doivent être augmentés, mais aussi ceux des services de renseignement afin qu’ils puissent exercer leurs missions de façon efficace.

Que cela puisse inquiéter est normal. Un vieux réflexe bien ancré fait craindre des abus de pouvoir comme cela a pu se passer. Et, effectivement, le risque existe et, comme en amour, la confiance n’exclut pas le contrôle, qui lui aussi devra se voir doter de moyens en rapport pour préserver nos valeurs sociétales.
Sans un tel effort financier, technologique et surtout humain – difficile à chiffrer convenons-en – nous aurons toujours un temps de retard.

Et que chiffres montrent que les attentats prévenus sont plus nombreux que ceux effectifs, peu importe, ce qu’on ignore ne fait pas mal, ce sont ces derniers qui marquent les esprits et font trembler l’opinion.

Toute attaque qualifiée de terroriste, par leur basse intensité et individualisation, contribue à créer une résignation dans la population, mais aussi une volonté que cela cesse.

Jamais l’équilibre en sécurité et liberté n’aura été aussi fragile. À une tribune de militaires désœuvrés a répondu des forces politiques racoleuses. Il ne faut pas minorer la portée de cet événement comme le succès de Zemmour ou la ligne éditoriale presque caricaturale de CNews, ils sont aussi le reflet de notre société. Miroir déformant ou pas, peu importe.

Entre la réalité et la falsification, on a pu se rendre compte que la frontière s’était singulièrement rétrécie.

Réseaux sociaux et peurs primales font de ce siècle pourtant de progrès et de richesse un monde perçu comme hostile.
À la crainte issue de la pandémie actuelle s’est ajouté un ensemble composite fait de terrorisme, de complotisme, de violence conjugale, de fragilité économique.
Il ne faut pas se leurrer un tel cocktail est détonnant. Toute étincelle supplémentaire peut amener à des choix électoraux qui pourraient se révéler préjudiciables. Entre les extrêmes de gauche, de droite ou religieux, ce ne peut être qu’une course à l’échalote. Surtout que l’idée de « front républicain » a elle aussi du plomb dans l’aile. Et pourtant là aussi l’Histoire a montré que le choix de la femme ou de l’homme « fort » ou « providentiel » n’a jamais été la solution.
Reste ce dilemme de la quête d’une solution respectant l’équilibre attendu entre sécurité et liberté. Reste aussi ce rêve digne de Minority Report à savoir prévoir les attaques avant qu’elles ne se produisent. Et sa limite qui est de ne pas sombrer dans l’uchronie de 1984. Restons français et ne devenons pas Chinois en somme.

Ce dilemme trouvera sa solution dans des moyens mis à disposition des services concernés, mais aussi des villes où se concentrent les foyers de radicalisation.
On ne doit rien s’interdire, de la sanction d’élus, de tous bords, trop conciliants à la fermeture de lieux de culte ou d’éducation en dehors des règles admises.
Ne pas se voiler la face quant aux conditions d’emprisonnement qui peuvent être des déclencheurs de radicalisation et trouver des solutions adéquates. Tout en veillant au respect des droits de personnes soupçonnées, celles condamnées doivent pouvoir être isolées et rendues sans influence. Respecter les lois en vigueur devrait être suffisant dès lors que leur application n’est pas amoindrie de mesures atténuant leur force.

Entre deux maux il faut choisir le moindre et que cet effort soit collectif.
Maintenant cela passe par la définition d’une ligne politique claire privilégiant plus l’intérêt général que les calculs électoraux partisans.

« Orgueil et préjugés… et zombies » ce titre d’un film récent (2016) symbolise bien l’état de notre société, la fierté d’être ce que nous sommes en tant que pays riche, la facilité déconcertante des solutions proposées répétitives ou fondées souvent sur de fausses réalités démagogiques et des zombies, djihadistes esseulés ou non et complotistes violents de tous poils qui perturbent l’harmonie espérée de nos sociétés et contre lesquels il faut se battre en maintenant notre mode de vie.

Il y a des combats moins motivants.
 



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