Journal de l'économie

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Patrick Roure : « Pour comprendre l’économie d’une nation, il faut s’intéresser à son enseignement supérieur »





Le 5 Décembre 2013, par La rédaction


La fibre entrepreneuriale des Centraliens semble être particulièrement développée. Comment expliquer cet état d’esprit ?

La vocation de l’école est de former des managers à culture scientifique. Pas par opposition, mais en complément de ce que proposent les écoles de commerce. L’Ecole Centrale a aussi un credo : « leader, entrepreneur, innovateur ». En effet, elle ne développe pas simplement la connaissance en termes de techniques, mais encourage aussi la capacité des futurs diplômés à s’exprimer dans différents types de carrières, grâce à la création de filières. C’est le cas de la filière « création d’entreprise » par exemple. Il s’agit d’une véritable pépinière dans laquelle les étudiants sont invités à exploiter leurs idées et à oser entreprendre, durant leur séjour à l’école, mais également après leur diplôme. Un incubateur, lié à l’Association des Centraliens via son groupement « Business Angels » aide les élèves en ce sens. On est donc loin du stéréotype français de l’ingénieur. Parce que si l’on veut continuer à fournir de la croissance, et donc des emplois et de la richesse à notre pays, il est impossible de rester sur nos acquis. Nous sommes sur des enjeux cruciaux de création et d’entretien d’un momentum : nous inoculons aux étudiants un état d’esprit aujourd’hui indispensable à notre pays, car l’Ecole Centrale a clairement vocation à contribuer à cet essentiel élan national.

Fusions, consolidation, rapprochements… Tout concourt à créer des pôles d’enseignement supérieur de taille critique voués à concurrencer les mastodontes étrangers, et notamment anglo-saxons. L’excellence s’acquiert-elle à ce prix ?

Je suis personnellement admiratif de la foi et de l’ambition qui anime la direction de  l’école Centrale sur le double projet lancé récemment : à la fois une fusion avec la cinquième école française, l’Ecole Supérieure d’Electricité (Supélec), mais aussi et surtout, la création d’un nouveau campus sur le plateau de Saclay sur lequel va s’installer notre école. Celui-ci accueillera aussi en son sein des pôles universitaires d’excellence qui démontreront la complémentarité, bien plus que l’opposition, entre les universités et les grandes écoles d’ingénieur françaises, autant que l’intelligence dans l’harmonisation de ces ensembles. Ce double projet ambitieux, à la fois de fusion et d’ouverture, est enthousiasmant. Il constitue clairement une des raisons pour lesquelles j’ai accepté le poste de Président de l’Association des Centraliens, afin d’en accompagner la transition. C’est une étape primordiale dans le passage de notre Ecole dans la dimension internationale.

Nous allons pouvoir entrer, par le nombre d’étudiants, le nombre de chercheurs et de publications à venir, par la qualité des professeurs que nous allons pouvoir accueillir sur le plateau de jeu mondial de l’enseignement supérieur scientifique. Nous allons pouvoir discuter d’égal à égal avec les leaders mondiaux, en qualité mais aussi et en taille. Il s’agit d’une véritable première. Hervé Biausser, directeur de l’école Centrale et de Supélec, est à la pointe de ce combat. Les étapes qui vont nous mener vers ce grand établissement  vont être franchies progressivement. En la matière, les différents gouvernements, de droite comme de gauche, on  approuvé cette nouvelle voie, cette vision de ce que doit être l’enseignement supérieur scientifique dans notre pays. Les associations d’anciens de Supélec et de Centrale soutiennent activement ce développement et travaillent de plus en plus étroitement ensemble pour que les communautés de diplômés des deux écoles se rapprochent, afin que nos réseaux atteignent la taille critique que l’une ou l’autre n’avait pas forcément dans tel ou tel pays, tel ou tel secteur économique. Nous mettons ici le doigt sur une vision stratégique à long terme, et les associations d’anciens d’élèves pèsent sur ce processus de toutes leurs forces.

L’un des points clés de votre présidence réside dans l’animation des « réseaux d’excellence » et autour du partage de valeurs sportives. Quel objectif concret poursuivez-vous dans le cadre de votre mandat ?

Disons qu’il s’agit avant tout de promouvoir l’esprit d’équipe. J’ai la conviction que le succès n’est possible qu’ensemble, c’est-à-dire avec toutes les forces de la nation. Pour autant, je n’ai aucunement la prétention de les rassembler ou de les réunir. Il s’agit plutôt du rôle des politiques. Mais force est de constater que l’on trouve partout des gens qui ont envie de faire avancer ce pays, qui veulent le faire sortir de la situation dans laquelle il est aujourd’hui. Nous, Centraliens, par la présence de nos anciens dans tous les secteurs de l’économie, à des niveaux où nous comprenons clairement les mécanismes qui régissent le fonctionnement du monde tel qu’on le connait aujourd’hui, pouvons légitimement proposer des solutions et faire entendre une voix constructive. C’est d’ailleurs ce que nous avons déjà entrepris, à travers notamment plusieurs think tanks, comme celui, focalisé sur l’innovation, dont les résultats ont été repris dans le rapport Lauvergeon. Faire entendre notre voix, dans les temps actuels, étant donnée la légitimité de nos adhérents, est certainement une mission importante de l’association des Centraliens. Pour cela, il faut que l’ensemble des groupements constitués, professionnels, régionaux et internationaux soient mobilisés. Nous nous donnons les moyens de le faire : la journée Solstice par exemple, que nous avons organisée au Sénat en juin dernier, a accueilli via une web conférence internationale,  des centraliens de toute la planète, qui sont venus expliquer ce que signifiait l’innovation dans chacun des pays visités virtuellement. Think tanks, groupements professionnels, groupements régionaux et internationaux: chacune de ces composantes doit être active pour rendre notre voix forte et crédible et pouvoir accueillir et promouvoir au mieux les nouveaux diplômés dans leurs choix professionnels. Cela ne peut fonctionner sans que nous soyons à la fois proactifs et nombreux à nous mobiliser au sein de l’association.

Notre discours commence d’ailleurs à porter ses fruits : contrairement à la grande majorité des autres associations d’anciens élèves, qui vivent une décroissance assez forte de leur nombre d’adhérents depuis quelques années, nous pouvons dire aujourd’hui que notre communauté a cru de près de 30% par rapport à l’année dernière en revenant au niveau d’avant crise. La préoccupation d’être au service de nos membres où qu’ils exercent et quel que soit leur métier, la multiplication des « bénéfices immédiats » de la carte de membre, l’activation des réseaux sociaux, mais également notre nouvelle ambition affichée clairement, ont suscité ce nouvel élan. Notre credo : Base large, grâce au nombre d’adhérent (8000 adhérents sur une population totale de 20 000 centraliens vivants), corps solide, grâce notamment à l’animation des réseaux et des groupements professionnels, voix forte et audible, délivrant un message totalement apolitique mais néanmoins de circonstances, tout cela ayant une seul et unique objectif : répondre aux défis majeurs auxquels notre pays est confronté.

Avez-vous confiance dans l’économie de notre pays ? Le moral des investisseurs et/ou industriels centraliens est-il bon ?

On ne peut pas dire que nous soyons plongés dans un optimisme béat. Qui le serait aujourd’hui ? Les Centraliens sont cependant dans l’action et la réalisation, et nous nous voulons force de proposition. Nous sommes conscients que les solutions existent, mais il faut les mettre en avant : notamment à travers les recommandations des rapports Lauvergeon et Gallois par exemple. Des think tanks, parmi lesquels certains issus de notre communauté, ont aussi exprimé un certain nombre de pistes. Les « face à face de l’industrie », organisés par les anciens Centraliens avec les Supelec et le cabinet Roland Berger, qui ont eu comme premier invité le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, puis Nicolas Dufour, directeur de la BPI, et récemment  Patrick Kron le patron d’Alstom, amènent aussi leur pierre à l’édifice. Mais c’est au politique qu’il incombe de mettre en œuvre ces solutions. Il n’existe pas de fatalité en la matière. En revanche, il faut être conscient de la gravité de la situation et donc de l’urgence de la mise en œuvre des solutions proposées par ces différentes recommandations.

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