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Présidentielle 2017 : Flavien Kulawik (KLB Group) en faveur d’une campagne placée sous le signe du pragmatisme

« Jugeons les candidats à leur capacité d’implémenter leur programme »





Le 3 Octobre 2016, par La Rédaction

Les Français veulent rénover la démocratie. C’est, en substance, le message qu’ils ont adressé à la classe politique toute entière à travers un récente enquête de l’Observatoire de la démocratie Vivavoice (*). Au fondement de cet élan, on observe un certain fatalisme chez des électeurs qui, las de voter pour des programmes dont ils déplorent l’inapplication, réclament désormais un contrôle « participatif » de la vie de nos institutions. Flavien Kulawik, PDG du leader de l’implémentation KLB Group, détaille pour nous les pistes à explorer par les candidats à l’élection présidentielle de 2017 en vue de restaurer le climat de confiance entre les citoyens et leurs dirigeants politiques.


Flavien Kulawik est co-fondateur et PDG de KLB Group
Flavien Kulawik est co-fondateur et PDG de KLB Group

Dans notre pays, la classe politique subit dans son ensemble une défiance majeure des électeurs. Comment l’expliquez-vous ?

C’est particulièrement vrai au moment des élections présidentielles. Notre système électoral, au même titre que la « tabloïdisation » de la politique, aboutissent à ce que les campagnes électorales se focalisent sur les personnes plutôt que sur les compétences de leurs équipes. Cette « institutionnalisation » de la classe politique obère de surcroît les chances d’accès au pouvoir de candidats nouveaux, qui ne soient pas des professionnels de la politique ayant passé des décennies à arpenter leur parti.
 
La défiance vient essentiellement de l’incapacité chronique de nos politiques à implémenter leur programme. Les échecs répétés pour diminuer le chômage et l’augmentation incessante de la pression fiscale expliquent pourquoi les électeurs ont sans cesse l’impression que les politiques au pouvoir n’ont pas appliqué leurs promesses électorales. Rétablir la confiance avec un tel contexte est un immense défi et c’est pour cette raison que nous avons besoin d’un tiers de confiance reconnu par tous, qui mesure l’efficacité de l’action gouvernementale de manière objective. 

D’ailleurs, l’implémentation des programmes est encore aujourd’hui la grande absente des débats. Doit-on y voir un manque de professionnalisme ou de pragmatisme de la classe politique ?

Les politiques ont du mal à comprendre et à accepter la réalité du terrain. Une part du problème vient du manque de diversité de nos politiques en termes d’expérience professionnelle. Peu d’entre eux viennent du monde de l’entreprise par exemple. Une autre difficulté réside dans le manque de préparation des candidats. Au Royaume-Uni, l’opposition est organisée en shadow cabinet, composé de responsables de dossiers qui connaissent leurs sujets pour être mieux préparés en arrivant aux affaires. Et surtout, c’est la méthode qui est à réinventer. Les politiques ont tendance à ignorer les difficultés d’implémentation, qui les intéressent peu. Alors que c’est précisément sur la méthode qu’ils devraient chercher à se différencier. Ils doivent passer d’un pragmatisme d’alliances politiques à un pragmatisme de meneurs de transformation. Car quelque soit le niveau de préparation, l’implémentation provoque des conséquences imprévues, des déplacements d’objectifs et des modifications des conceptions initiales. Du coup, le séquencement des réformes est très important. Les expérimentations restent par exemple trop marginales. Et bien sûr l’évaluation de l’impact effectif est essentielle pour que le politique enrichisse sa réflexion et ses décisions d’un retour d’expérience du terrain pertinent et salvateur.

Comme dans le privé, les décideurs publics fraîchement élus sont tous confrontés à l’épreuve des 100 jours. D’où le recours aux stratégies d’ordonnance afin d’offrir rapidement des gages à l’opinion. Quel regard portez-vous sur ce modus operandi ?

L’idée des ordonnances est intéressante car elle permettrait d’éviter les écueils politiques comme les batailles d’amendements pour faire passer les lois. Par contre elles n’apportent aucune réponse sur l’implémentation des réformes. Dans un délai de 100 jours, je pense que la priorité est d’avoir partagé la vision, la stratégie, les grands objectifs et surtout la méthode d’élaboration et d’implémentation des politiques, en mobilisant les parties prenantes et en clarifiant les gouvernances. En particulier, la méthode d’évaluation de la performance de l’action gouvernementale et des réformes est fondamentale. Il faut se mettre d’accord non seulement sur le constat de départ et les objectifs, mais aussi sur la façon dont on va évaluer la performance d’une politique. Faire quelques « quick wins » permettant de résoudre des problèmes concrets avec des lois simples à implémenter peut contribuer à restaurer un climat de confiance favorable. Mais sur les grands sujets comme la réforme du travail, ou de l’Education Nationale, les études d’impact demandent du temps et devraient systématiquement intégrer un volet implémentation. Voter trop rapidement de mauvaises mesures oblige à des rétropédalages qui nuisent à la crédibilité des politiques. Le gouvernement sortant en a fait les frais sur plusieurs lois. 

Entre stagnation et croissance molle, l’une des questions centrales du prochain quinquennat sera de parvenir à dégager des marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour mener à bien les réformes requises. La puissance publique a-t-elle une culture suffisante de l’optimisation budgétaire ?

Clairement, non. Il y a un déficit de compétences de gestion et de culture économique. Certes l’Europe les pousse à limiter les déficits structurels après trente années de fuite en avant, mais on n’y est pas encore ! Il n’y a pas d’autres solutions que de diminuer les dépenses publiques, et la part de l’Etat dans l’économie, ce qui passe par une diminution de la masse salariale au sens large (fonctionnaires, contractuels et prestataires), en ne remplaçant pas les départs à la retraite et en réorganisant les équipes pour ne pas dégrader les services. Une telle réforme demande du courage et de la détermination, et beaucoup d’explications et d’efforts de conduite du changement.
 
Par ailleurs, la Cour des Comptes produit des rapports remarquables mais totalement inutiles. Faisons comme au Royaume-Uni, où un rapport du National Audit Office ne peut pas être ignoré. Les politiques et les administrations publiques doivent implémenter leurs recommandations, ou bien se justifier au Parlement s’ils ne le font pas. Simple, responsabilisant, et efficace !

Selon vous, l’exécutif en France -tous bords politiques confondus- doit adopter une posture plus « agile » pour mener à bien ses projets de long terme tout en palliant les aléas conjoncturels. Quelles sont les clés de cette posture ?

La clé est de transformer les administrations pour les rendre plus souples et plus efficientes. Cela prendra du temps et nécessitera de poser sur la table des sujets irritants comme le statut des fonctionnaires, la rémunération et la promotion au mérite, et surtout l’augmentation de la polyvalence pour pouvoir mutualiser des équipes sur des projets ou des centres de services partagés. L’administration doit pouvoir être mobilisée plus rapidement sur les projets, ce qui nécessite de simplifier les structures et de réduire leur complexité pour éviter que celle-ci devienne un moyen d’affirmer leur pouvoir et leur autonomie vis-à-vis des politiques. Il faut casser les silos et les baronnies, et passer d’une logique d’organisation hyper pyramidale et spécialisée, à des organisations de réseau plurifonctionnelles.

Pour autant, le secteur public est réputé difficile à réformer. Pour vous qui intervenez depuis de nombreuses années auprès d’organismes centraux, de collectivités territoriales et d’entreprises publiques, y’a-t-il une approche « publique » de l’implémentation ?

Il faut tenir compte de la complexité des projets publics grâce à une vision systémique, une administration ne se gère pas exactement comme une entreprise, les enjeux sont différents. Mais les acteurs publics peuvent malgré tout s’inspirer de certaines pratiques héritées du monde de l’entreprise. En outre, une approche sectorielle de l’implémentation permet de tenir compte des spécificités et des contraintes de chaque entité (énergie, ferroviaire, etc.).

Jusqu’à présent, les acteurs publics ont essentiellement fait appel à KLB Group dans le cadre de leur fonction achat. Quelles sont les autres aspects de l’implémentation que vous pourriez déployer dans le secteur public ?

Nous avons déjà beaucoup à faire dans les achats ! Implémenter des solutions achats opérationnelles pour optimiser le coût total des dépenses publiques externes pourrait générer des milliards d’euros d’économies si elles étaient bien déployées, en particulier pour les dépenses d’investissement et de sous-traitance. KLB Group pourrait jouer un rôle bien plus significatif que les quelques projets d’optimisation et de professionnalisation des achats publics que nous menons pour des collectivités territoriales ou des opérateurs publics. Nous pouvons par exemple accompagner la création de centres de services achat, et même les opérer. L’enjeu n’est pas de mutualiser les volumes d’achats pour proposer des produits catalogues, comme le fait l’Ugap. L’enjeu est de mutualiser les expertises pour remettre en cause, optimiser, et piloter les dépenses avec le bon niveau d’adaptation aux spécificités locales. Au delà des achats, nous pouvons aider les structures publiques à réinventer leurs chaînes de valeur et à implémenter des centres de services maximisant leur contribution et leur efficience. Il faut choisir le bon périmètre et la bonne maille de mutualisation, pour augmenter le niveau de service et l’agilité, au lieu d’empiler les couches de gouvernance.

Toutes ces « recettes » de la performance sont-elles compatibles avec la gestion en bon père de famille qu’exige la fonction d’élu de la République ?

Bien sûr. Toute organisation publique cherche à maximiser son efficience, c’est-à-dire la valeur créée pour les « clients citoyens » pour un coût de fonctionnement donné. Les spécificités sont du secteur sont nombreuses. En particulier le droit du secteur public est très exigeant et ralentit la vitesse de conduite des changements par rapport au secteur privé. Cela pousse à être d’autant plus intelligent dans l’implémentation ! L’innovation frugale, c’est-à-dire faire « mieux avec moins », est un gage d’efficacité de l’action publique. 

Y’a-t-il un modèle de gouvernance politique dans le monde qui vous semble plus mature et plus efficient que les autres ?

Nous devons inventer notre propre modèle de gouvernance en capitalisant sur nos forces et en nous inspirant de ce qui marche bien ailleurs. Les talents de notre administration sont immenses, mais elle doit opérer une profonde transformation pour s’organiser en lignes de services citoyens. Le digital est une opportunité fantastique pour catalyser cette transformation. Elle pose aussi des questions de gouvernance en ouvrant de nouvelles possibilités de démocratie participative pour impliquer les citoyens, les entreprises, et les instances représentatives dans cette transformation. Nous avons sans doute à nous inspirer des américains pour mobiliser notre administration, et des britanniques pour évaluer la performance des politiques. Et nous avons aussi un chantier constitutionnel. Le modèle présidentiel de la Vème République s’essouffle et génère des couches de bureaucratie supplémentaires, le Président ayant tendance à s’entourer de conseillers qui constituent notre shadow cabinet à la française. Un modèle parlementaire emprunt de pragmatisme et centré davantage sur une équipe que sur un homme espéré providentiel me semble être plus moderne. 

* Observatoire de la démocratie édition 2016, Vivavoice
 




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