Journal de l'économie

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Présidentielles : Economie, le grand tabou !





Le 24 Mai 2022, par Bernard Landais

« Dans cette campagne présidentielle, une question a battu les records d’ignorance et d’impopularité : l’économie. Les candidats qui ont largement perdu étaient peut-être ceux qui semblaient les mieux placés pour l’aborder mais ils n’ont pas osé et ils n’ont pas eu tort […] ». Auteur de « Réagir au déclin ; une économie politique pour la droite française » (VA Éditions), le spécialiste en politique économique Bernard Landais nous explique l’étonnant silence sur l’économie lors des élections.


Dans cette campagne présidentielle, une question a battu les records d’ignorance et d’impopularité : l’économie. Les candidats qui ont largement perdu étaient peut-être ceux qui semblaient les mieux placés pour l’aborder mais ils n’ont pas osé et ils n’ont pas eu tort : leur défaite aurait été encore plus cruelle. Les trois vainqueurs au contraire avaient toutes les bonnes raisons de ne pas en parler ou plus exactement de l’aborder faussement sous le vocable plus médiatiquement correct de « social », c’est-à-dire sous l’angle de la répartition.

Le président Macron a été soutenu massivement par les retraités qui comme chacun sait perçoivent une retraite « par répartition » et qui ont été épargnés par la crise économique liée au Covid 19. Les riches habitants des villes sont également assez « relaxe » ayant en outre profité de l’enrichissement procuré par la spéculation immobilière, l’une des rares façons d’épargner avec profit pour les particuliers (riches). Les uns et les autres pensent que cela va durer comme ça ad vitam aeternam. Le président sortant bénéficiait aussi des largesses monétaires de la Banque Centrale Européenne pour combler les énormes trous de son budget. Certains en ont profité et lui en savent gré, sans plus se préoccuper de ce qu’il adviendra plus tard de la dette publique. Les électeurs privilégiés de ce « groupe Macron » sont disposés tout au plus à parler d’économie lorsqu’il s’agit des marchés financiers et de la gestion et du marketing notamment.

Du côté des deux extrêmes, même accent exclusif sur la répartition, même clientèle habituée à croire que c’est l’État qui a la main sur l’économique et le social. Même population qui se croit défavorisée par la mauvaise volonté des gouvernements alors qu’elle ne l’est que par l’épuisement de notre économie nationale. Cette catégorie n’a pas entendu que le niveau de vie ne peut se maintenir et progresser durablement dans un pays déjà développé que si la production à forte valeur ajoutée progresse. On ne lui a pas dit non plus que notre appareil productif français dépend de plus en plus de décisions qui se prennent en dehors de l’Hexagone, faute de volonté nationale.
 
Ainsi, le trio de tête du premier tour, rassemblant sur leurs noms plus des trois-quarts de l’électorat, n’avait aucun intérêt à « lever le lièvre économique » et ne parla que du « social » avec assez de trémolos dans la voix pour faire l’effet attendu. Ce fut une stratégie gagnante pour l’élection mais pas pour l’économie française. Les dindons de cette farce sont une nouvelle fois les actifs et les classes moyennes à qui seront demandés les impôts supplémentaires.
 
Car évidemment, rien n’est réglé par le silence et l’absence de débat. Les problèmes conjoncturels deviennent redoutables : inflation, ralentissement de la reprise d’après Covid qui fait qu’à l’heure actuelle c’est à peine si le PIB français a rejoint son niveau de fin 2019. La dette publique s’accroît à grande vitesse, en pourcentage d’un PIB stagnant, avec la menace d’une crise de la dette souveraine. Les taux d’intérêt et les impôts vont certainement augmenter fortement.
 
Plus grave, la maladie chronique de l’économie française est l’incapacité à accroître la production rentable qui nous permettrait de participer avec profit à la mondialisation : pas assez d’investissements, pas assez de compétences, pas assez d’entreprises innovantes, pas assez de capital humain. Sans doute assez d’élan encore pour maintenir un emploi de services et limiter un peu le chômage mais bien trop peu pour que l’économie française joue dans la cour des grands et fasse progresser les salaires réels de long terme.
 
Alors, débattre de l’économie ou pas ? En l’état actuel de l’opinion et des intérêts politiques, il vaut mieux ne pas poser la question. Toujours la politique de l’autruche …


 



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