Journal de l'économie

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Quand le Parti Communiste se pique de donner des leçons d’économie…





Le 24 Janvier 2014, par

Pierre Laurent, Secrétaire national du Parti communiste français (PCF), s’est risqué, ce matin 24 janvier 2014, à livrer aux auditeurs de France Info son analyse de la situation économique. Dénonçant les revirements des politiques économiques, le PCF tire à boulets rouges sur les projets de la majorité.


(Crédit photo : Jebulon, wikimediacommons.org)
(Crédit photo : Jebulon, wikimediacommons.org)
Le monde de l’entreprise, vu du PCF

Première cible du PCF : Pierre Gattaz et le Pacte de Responsabilité. Pour le PCF, le PS vient de retourner sa veste en acceptant un compromis sur de futurs allègements de charges pour les entreprises. Selon Pierre Laurent : « Nous avons 20 ans de politiques d’exonérations fiscales derrière nous, 250 milliards d’Euros de cadeaux fiscaux et d’exonérations fiscales. […] Les entreprises sont entraînées dans une logique qui vise à privilégier le redressement des marges financières contre la création d’emplois, et voilà où est la source de la crise actuelle. » Les cadeaux faits aux entreprises sont peut-être conséquents, mais pourquoi dans ce cas la France cumule-t-elle une des fiscalités sur les entreprises les plus lourdes d’Europe, tout en accueillant les entreprises les moins rentables de la zone Euro ? Les taux de marges des entreprises françaises sont descendus à 27 %, contre 30 à 40 % chez nos voisins, pour un impôt sur les sociétés à 33,3 %. La France n’est battue sur de dernier que par Malte et la Belgique, à respectivement 35 et 34%. Les versements de dividendes et autres remboursements d’intérêts n’interviennent qu’après. Le problème ne vient donc pas uniquement de la rémunération du capital.

Il est par contre exact d’avancer qu’en cas d’allègements de charges, les entreprises vont commencer par restaurer leurs marges financières. Mais cela ne s’oppose pas à la création d’emplois ; il s’agit d’un préalable nécessaire. Pour investir ou recruter, compte tenu de la frilosité des banques, les entreprises se doivent de disposer de marges de manœuvres financières. Et la reconstitution de ces marges, sérieusement entamées par la crise, prendra du temps. La réduction des charges est pour le gouvernement une manière d’accélérer la manœuvre.

De son côté, le PCF semble n’expliquer cette tentative de diminution des charges sociales que par une baisse des coûts salariaux : « La baisse des coûts salariaux, c’est du dumping social, on tire tout le monde vers le bas ». En l’état actuel, le projet du gouvernement, comme les souhaits du Medef, ne porte pas sur une baisse des salaires, mais sur une révision de la fiscalité sur les entreprises. Dans ces conditions, accuser la France de tentative de dumping social est un raccourci plutôt rapide.

Le retour de cette « finance », à l’origine de tous les maux

Comme François Hollande en son temps, avant le brutal retour du principe de réalité, le PCF a conservé deux grands ennemis : les patrons et la « finance ». Cette dernière désigne de manière imprécise à la fois les actionnaires, les banques, les fonds de pensions, ceux qui financent les retraites, pour lesquels se bat le PCF, et tous ceux qui rachètent la dette de la France, et entretiennent le train de vie de l’État. Désignée à la vindicte populaire, cette finance a des limites et un rôle apparemment mal définis. Mais nous n’en saurons pas plus à ce sujet, le PCF se garde bien d’être plus précis.
Par contre, le PCF s’est trouvé un leitmotiv de mécontentement : les dividendes versés aux actionnaires. Ces dernières, qui viennent rémunérer un investissement et/ou la propriété d’une partie de l’entreprise, seraient pour lui la première chose à encadrer et à limiter. Une vision cohérente avec l’idée que se fait le PCF de la propriété, mais aussi la meilleure manière de faire fuir les investisseurs qui se risquent encore à introduire des capitaux en France.

« Oui à la dépense publique ! »

Pour le PCF, on peut simultanément être un ennemi de la finance et privilégier l’endettement comme mode de financement de l’État : « Le gouvernement dit qu’il veut réduire et écraser la dépense publique. Nous nous pensons exactement le contraire. […] Nous ne soutenons absolument pas le gouvernement sur le principe de 50 milliards d’économies sur le budget de l’État d’ici 2017. En dégradant l’investissement public et les dépenses publiques, on va affaiblir la demande nationale. » Pierre Laurent n’a pas forcément tort, mais on pourrait trouver surprenant de voir le PCF passer du marxisme au keynésianisme aussi vite. Néanmoins la question se posera fatalement un jour au PCF : qui paie et comment ? Si le Medef et les entreprises de manière générale sont contre, c’est peut être que le ratio coût/opportunité de l’endettement de l’État dans l’économie n’est pas aussi favorable qu’énoncé.

Les politiques d’austérité sont malgré ce détail clairement mises en cause : « Toute l’Europe est dans la récession avec ces politiques. » Mais le PCF oublie un point : les cures d’austérité et les réformes menées par les autres États européens leur font retrouver aujourd’hui le chemin de la croissance et de l’emploi. La France, non. L’économie du monde et de l’Europe semble redémarrer, sauf pour un pays qui peine à trouver le courage de mener les réformes nécessaires. La question des responsables de ces blocages institutionnels reste posée.

Mais le PCF a tout de même quelques moments de lucidité. Conscient du problème de la dette, bien qu’il envisage de l’alourdir, il avance : « Pour s’attaquer à la dette, il faut s’attaquer à une politique qui ne crée pas suffisamment de richesses. Il y a un problème de production nationale. » Le constat est juste, mais les solutions évoquées plus haut laissent planer le doute sur les capacités du PCF à répondre à ce défi. Tant que le PCF verra notre société au travers du prisme déformant d’une « lutte des classes » plus idéologique que réelle, il ne sera ni crédible, ni audible sur le plan économique.



Grégoire Moreau
Journaliste et blogueur, je me suis fait avec le temps une spécialité des questions techniques et... En savoir plus sur cet auteur


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