En maintenant, contrairement au projet de loi initial, la compétence départementale sur les routes qui ne relèvent ni de la compétence de l’État, ni de celle des communes, la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) du 7 août 2015 a préservé la proximité nécessaire pour définir efficacement les priorités en matière d’infrastructures routières. En même temps, ce revirement du législateur a créé une situation ambiguë en permettant aux régions, qui se sont vues retirer la clause de compétence générale, de ‘contribuer au financement des voies et des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional et sont identifiés par le schéma régional d’aménagement…’ (Art. 19 de la loi NOTRe)
Or, ce sont les régions elles-mêmes qui définissent ces itinéraires d’intérêt régional, au travers des schémas régionaux des infrastructures et des transports dont elles ont la maîtrise, conformément aux dispositions de l’article L1213-2 du code des transports. Le fait que les régions soient ainsi à la fois juge et partie pour pouvoir s’impliquer à nouveau dans les investissements d’infrastructure routière, se complique du fait que le même article du code des transports détermine que la région élabore ce schéma ‘ dans le respect des compétences des départements.’ L’application de l’ensemble de ces dispositions ne représente pas une simplification des compétences. Au contraire, si la législation restait en l’état, elle risquerait de rendre difficile la définition d’une politique cohérente d’adéquation des infrastructures aux besoins de transport sur le périmètre d’une même région, voire de créer des dysfonctionnements entre collectivités.
Alors que les liens tissés au cours des 40 dernières années entre les départements et les régions vont être remis en cause par la réorganisation en 13 grandes régions, les dispositions de l’article 13 III de la loi NOTRe devront donc être rapidement mises à profit pour clarifier un enchevêtrement de compétences et de procédures qui risque sinon de compliquer encore l’imbroglio du « millefeuille institutionnel » français (1).
Or, ce sont les régions elles-mêmes qui définissent ces itinéraires d’intérêt régional, au travers des schémas régionaux des infrastructures et des transports dont elles ont la maîtrise, conformément aux dispositions de l’article L1213-2 du code des transports. Le fait que les régions soient ainsi à la fois juge et partie pour pouvoir s’impliquer à nouveau dans les investissements d’infrastructure routière, se complique du fait que le même article du code des transports détermine que la région élabore ce schéma ‘ dans le respect des compétences des départements.’ L’application de l’ensemble de ces dispositions ne représente pas une simplification des compétences. Au contraire, si la législation restait en l’état, elle risquerait de rendre difficile la définition d’une politique cohérente d’adéquation des infrastructures aux besoins de transport sur le périmètre d’une même région, voire de créer des dysfonctionnements entre collectivités.
Alors que les liens tissés au cours des 40 dernières années entre les départements et les régions vont être remis en cause par la réorganisation en 13 grandes régions, les dispositions de l’article 13 III de la loi NOTRe devront donc être rapidement mises à profit pour clarifier un enchevêtrement de compétences et de procédures qui risque sinon de compliquer encore l’imbroglio du « millefeuille institutionnel » français (1).
Le projet de loi NOTRe envisageait initialement de prolonger et d’étendre cette maîtrise de la région sur les routes et le transport, en proposant de leur confier, conjointement avec les établissements publics de coopération intercommunale, l’intégralité du bloc mobilité et transport, ce qui aurait donc englobé à la fois la direction de la définition du schéma régional, la compétence d’autorité organisatrice de transports, et la responsabilité des infrastructures.
Mais le débat autour de la loi, au Parlement et au sein des associations d’élus, a abouti à un résultat différent. Ainsi, députés et sénateurs ont annulé le transfert des routes départementales aux régions, et maintenu la compétence des départements dans ce domaine. La clause de compétence générale ayant été supprimée par ailleurs par la loi NOTRe aux régions comme aux départements, il s’ensuit que les régions, qui se sont vues cependant transférer l’essentiel de la compétence du transport interurbain, n’ont à l’inverse guère de prise sur les voies et axes routiers et n’ont que le rôle d’organisateurs de l’utilisation de l’infrastructure, sans s’être vues attribuer la maîtrise du réseau.
La modification par touches successives du dispositif, au gré des navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat, n’ayant pas pris pleinement en compte les conséquences de ces hésitations sur la logique d’ensemble, risque fort de rendre encore plus complexe la coopération régions – départements à l’avenir dans le domaine des routes et des transports. La loi NOTRe, telle qu’elle est issue du débat parlementaire, a abouti à une séparation quasi totale entre le gestionnaire d’infrastructure d’une part (le département), et l’autorité en charge de la définition des conditions de son utilisation (la région), qui est en même temps devenue l’autorité organisatrice de transport pour la quasi-totalité du transport collectif.
Cette confusion est d’autant plus préjudiciable pour les collectivités territoriales que la loi NOTRe a introduit un nouvel article L 1611-10 au sein du code général des collectivités territoriales (2), disposant que celles-ci devront assumer à raison de leurs compétences respectives les conséquences financières des condamnations pour manquement susceptibles d’être imposées à la France par la Cour de Justice de l’Union européenne.
Il est au surplus plus que probable que l’introduction d’une exception à la fin de la clause de compétence générale permettant dans certains cas aux régions de ‘contribuer au financement des voies et axes routiers’ (article 19 de la loi NOTRe, insérant un nouvel article L 111-1 dans le code de la voirie routière) aura quelque mal à fonctionner de façon efficace, tant l’articulation départements – région est rendue difficile par des procédures aux exigences et objectifs contradictoires.
Le nouvel article L 111-1 du code de la voirie routière précité donne en effet la possibilité aux régions de cofinancer des voies et axes routiers ‘qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional et sont identifiés par le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.’
Or, l’article L 1213-2 du code des transports, qui détermine les conditions d’élaboration du schéma régional des infrastructures et des transports, lequel constitue désormais le volet transports intégré au sein du schéma régional d'aménagement, dispose que ce schéma de transports est élaboré par la région, ‘en association avec l'État, dans le respect des compétences des départements.’
Les départements ayant conservé seuls la compétence sur les routes, il en ressort que l’articulation entre l’élaboration des différents plans n’est pas en cohérence avec les compétences de chacune des collectivités territoriales, et devra faire l’objet d’une clarification et d’une simplification.
Le schéma régional des infrastructures et des transports relevant de la compétence régionale, il permet simultanément à la région de définir les portions du réseau qui constituent des itinéraires d’intérêt régional, et par là même de s’inviter dans le financement de la modernisation et de l’entretien du réseau, dans le respect des compétences des départements. Il s’ensuit une suite circulaire de définitions relativement contradictoires de compétences et d’exclusions, qui risque de rendre le financement et la gestion du réseau routier difficile, institutionnellement comme en pratique.
Ainsi, s’il est désormais clair que les départements demeurent seuls responsables de l’entretien et de l’amélioration des infrastructures routières, les conditions d’éventuels partenariats départements – région pour le cofinancement de voies et d’axes sont pour l’essentiel à redéfinir, ce qui est d’autant plus complexe que la réorganisation des régions en 13 grands pôles risque de briser les liens qui s’étaient tissés depuis plus de 40 ans entre départements et régions, notamment pour ceux des départements rattachés à une nouvelle ‘capitale régionale’ qu’ils connaissent mal.
L’un des instruments juridiques qui doit permettre de définir un cadre efficace et viable à ces nouvelles relations réside dans la possibilité pour le gouvernement de procéder par ordonnances aux coordinations nécessaires entre schémas régionaux, tel que prévu au III de l’article 13 de la loi NOTRe, dispositif intégré au projet de loi en première lecture par l’Assemblée nationale.
Plusieurs voies peuvent être envisagées, qui toutes devront donner aux élus un cadre clair pour conduire leurs relations, et éviter l’écueil de reposer exclusivement sur la bonne volonté des instances locales pour résoudre par la concertation les ambiguïtés nées de l’empilement législatif. S’il est probable que les régions n’interviendront que rarement dans la définition des priorités relevant du simple entretien du réseau, à l’inverse les départements voudront éviter de se voir imposer des dépenses de modernisation ou d’extension des infrastructures par un schéma auquel ils ne souscriraient pas.
Les intérêts respectifs pourront être difficiles à concilier. Les régions, nouvelles autorités responsables, sauf de rares exceptions, de l’ensemble des transports collectifs interurbains, voudront être en mesure d’élaborer le volet infrastructures du schéma régional, en fonction des objectifs de qualité de services et de desserte.
À l’inverse, les départements pourront faire valoir que leur budget consacré aux voiries ne pourra être impacté par les orientations du schéma régional sans qu’ils soient impliqués dans la prise de décision. La recherche de l’unanimité sera d’autant plus difficile que trois des 13 nouvelles régions englobent une douzaine de départements, et l’adoption d’un schéma régional prescriptif en matière d’infrastructures risque de rester sans réelle portée en cas d’absence de consensus, du fait de l’absence de hiérarchie entre niveaux de collectivités territoriales.
Avec la loi NOTRe, le gouvernement et le législateur ont voulu simplifier le millefeuille institutionnel français, au moment où ils regroupaient les régions en ensembles plus vastes.
L’objectif était peut-être trop ambitieux ou l’approche trop indécise.
Pourtant une clarification dans le domaine des infrastructures routières et du transport peut naître finalement de ce texte, à condition que l’articulation dans ces domaines entre départements – régions – communes et leurs groupements (et désormais des métropoles) soit clairement déterminée et que les incohérences soient supprimées.
La préparation des ordonnances prévues pour harmoniser les schémas régionaux, afin que désormais ils s’imbriquent plutôt qu’ils ne s’enchevêtrent, peut représenter un cadre d’une discussion plus large entre l’État, les collectivités territoriales et leurs associations, pour l’avenir du réseau routier et son adéquation aux nouveaux besoins en matière de transport interurbain.
[1] Le III de l’article 13 de la loi NOTRe a confié au gouvernement le soin de procéder par ordonnances aux coordinations rendues nécessaires par l’absorption au sein du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires du schéma régional de l’intermodalité, et de celui des infrastructures et des transports,
[2] Article 112 de la loi NOTRe.
Avocat au barreau de Paris, Franck Boulin exerce au sein de la société d'avocats MORAY & Associés, membre du réseau d'avocats EUROLAW. Ancien conseiller juridique de la Commission des Affaires Européennes du Bundestag allemand à Berlin, et de la Commission des Affaires Économiques de l'Assemblée nationale française à Paris, il pratique la veille juridique (gestion prévisionnelle des risques juridiques, lobbying), le droit économique et le droit fiscal.
Il suit les procédures d'élaboration de la norme de droit européen et national. Il a conduit à Varsovie, pour le compte de l'Union européenne, le soutien au Parlement polonais dans sa transposition du droit communautaire en droit interne, préalablement à l'accession de la Pologne à l'UE.