Depuis le 1er août, les commerces, mais aussi les musées et toute structure en contact avec le public, ne sont plus obligés de délivrer des tickets (de caisse ou de carte bancaire) lors d’un achat. Le client doit les demander, ou, s’il utilise une caisse automatique, appuyer sur la bonne touche au bon moment, pour les obtenir. Une mesure repoussée à plusieurs reprises, sous un curieux prétexte : en période d’inflation, les clients vérifiant de plus près leur note auraient eu besoin d’un peu de répit. C’est ainsi que le gouvernement est passé du 1er janvier, au 1er avril, puis au 1er août comme date butoir. Il faut croire que, désormais, les clients se sentent moins concernés par le coût de la vie et vérifient moins leurs achats ! Cette affaire de ticket de caisse est en fait une longue suite d’hypocrisies.
Au départ, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, AGEC, de 2020 a prévu de supprimer les tickets de caisse pour des raisons écologiques. Soit. Il s’imprime en France, chaque année, 12,5 milliards de ces tickets, ils utilisent des tonnes de papier, de l’encre, de l’eau, du pétrole. La plupart finissent à la poubelle ou se décomposent dans le sol. En les supprimant, le sujet est apparemment clos. Sauf que leurs remplaçants, mail, SMS, QR code, ne sont pas neutres écologiquement, par leur transmission électronique et leurs stockages dans les centres de données. S’il n’y avait que cela.
Les législateurs, et toutes les associations qui les ont aidés n’ont pas tenu compte de l’avis des consommateurs. Or, depuis des années, ou des décennies, bref depuis que les consommateurs sont organisés en mouvements, ils préconisent de préparer une liste de course, pour ne pas se laisser trop vite séduire par les offres en vogue, de bien récupérer son ticket de caisse et de vérifier s’il correspond aux achats effectués. Tout un chacun peut le constater, passées les caisses, nombre de clients vérifient leur note. Avec un intérêt immédiat, bien voir si les produits achetés correspondent aux produits payés, avec les promotions et réductions prévues. Et un intérêt ultérieur, garder sa note pour pouvoir le cas échéant contester avec une preuve. Sages précautions. Le consommateur aura également la possibilité, une fois rentré chez lui, de faire tranquillement ses comptes.
La suppression du ticket de caisse va donc à l’encontre des consommateurs, de leurs intérêts et de la lente éducation qu’ils ont élaborée face au commerce moderne. Ils ne sont évidemment pas contre l’écologie, au contraire. Mais, si la grande distribution veut se soucier d’écologie, elle a une marge de progression, que l’on qualifiera d’élevée : choix des produits, respect des producteurs, emballages, transports, etc..
La grande distribution se défend en plaidant que, si le ticket papier est supprimé, il peut ou pourra bientôt, être envoyé par mail, SMS ou QR code. Exact. C’est déjà le cas et de manière assez simple quand on fait un seul ou quelques achats dans la distribution spécialisée, électroménager, article de sport, livres. Mais dans la grande distribution, pour des achats d’épicerie où la liste peut être longue, le procédé d’envoi par mail est encore inenvisageable, il faudrait demander l’adresse au client, l’enregistrer, etc. Patiente, la distribution y travaille, elle opère une mutation d’envergure pour faire passer sa relation client par des moyens numériques. Les cartes de fidélité évoluent déjà, mais progressivement du mode carton au mode en ligne, les promotions et prospectus aussi. Des start-ups s’en mêlent, élaborant des solutions nouvelles, comme Belliv, Limpidius, Zerosix, Yavin qui se félicitent ouvertement des perspectives annoncées par la suppression des tickets de caisse !
La grande distribution devrait donc profiter de la suppression des tickets, pour embrigader le client de manière numérique, plus fortement qu’actuellement. Un effet pervers de la loi ! Progressivement, la distribution veut faire basculer sa clientèle vers une relation dématérialisée favorisant un ciblage commercial plus précis que le contact de masse et aléatoire qu’elle pratique depuis toujours. Sous l’œil vigilant de la CNIL qui a mis en garde les commerçants : « Si vous décidez de proposer l’envoi dématérialisé du ticket, les solutions à privilégier sont celles qui nécessitent de collecter le moins de données personnelles. Elles doivent, dans tous les cas, respecter le RGPD et la loi Informatique et Libertés. » Sans oublier que les tickets de caisse devront rester utilisables pour les millions de clients mal à l’aise avec le numérique. La perspective est claire pour la distribution, mais le chantier immense.
La loi AGEC qui entraîne cette suppression des tickets de caisse est pourtant pétrie de bonnes intentions et de mesures judicieuses, comme la suppression des couverts en plastique ou la lutte contre l’obsolescence programmée. Mais, elle a négligé le point de vue des associations de consommateurs, forts de dizaines d’années d’expérience et proches de toutes les catégories sociales. Une douzaine de ces associations ont protesté contre la mesure. En vain. L’argument écologique, mal étayé comme nous venons de le voir, l’emporte sur tout. Comme si l’écologie paralysait toute réflexion critique.
Au départ, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, AGEC, de 2020 a prévu de supprimer les tickets de caisse pour des raisons écologiques. Soit. Il s’imprime en France, chaque année, 12,5 milliards de ces tickets, ils utilisent des tonnes de papier, de l’encre, de l’eau, du pétrole. La plupart finissent à la poubelle ou se décomposent dans le sol. En les supprimant, le sujet est apparemment clos. Sauf que leurs remplaçants, mail, SMS, QR code, ne sont pas neutres écologiquement, par leur transmission électronique et leurs stockages dans les centres de données. S’il n’y avait que cela.
Les législateurs, et toutes les associations qui les ont aidés n’ont pas tenu compte de l’avis des consommateurs. Or, depuis des années, ou des décennies, bref depuis que les consommateurs sont organisés en mouvements, ils préconisent de préparer une liste de course, pour ne pas se laisser trop vite séduire par les offres en vogue, de bien récupérer son ticket de caisse et de vérifier s’il correspond aux achats effectués. Tout un chacun peut le constater, passées les caisses, nombre de clients vérifient leur note. Avec un intérêt immédiat, bien voir si les produits achetés correspondent aux produits payés, avec les promotions et réductions prévues. Et un intérêt ultérieur, garder sa note pour pouvoir le cas échéant contester avec une preuve. Sages précautions. Le consommateur aura également la possibilité, une fois rentré chez lui, de faire tranquillement ses comptes.
La suppression du ticket de caisse va donc à l’encontre des consommateurs, de leurs intérêts et de la lente éducation qu’ils ont élaborée face au commerce moderne. Ils ne sont évidemment pas contre l’écologie, au contraire. Mais, si la grande distribution veut se soucier d’écologie, elle a une marge de progression, que l’on qualifiera d’élevée : choix des produits, respect des producteurs, emballages, transports, etc..
La grande distribution se défend en plaidant que, si le ticket papier est supprimé, il peut ou pourra bientôt, être envoyé par mail, SMS ou QR code. Exact. C’est déjà le cas et de manière assez simple quand on fait un seul ou quelques achats dans la distribution spécialisée, électroménager, article de sport, livres. Mais dans la grande distribution, pour des achats d’épicerie où la liste peut être longue, le procédé d’envoi par mail est encore inenvisageable, il faudrait demander l’adresse au client, l’enregistrer, etc. Patiente, la distribution y travaille, elle opère une mutation d’envergure pour faire passer sa relation client par des moyens numériques. Les cartes de fidélité évoluent déjà, mais progressivement du mode carton au mode en ligne, les promotions et prospectus aussi. Des start-ups s’en mêlent, élaborant des solutions nouvelles, comme Belliv, Limpidius, Zerosix, Yavin qui se félicitent ouvertement des perspectives annoncées par la suppression des tickets de caisse !
La grande distribution devrait donc profiter de la suppression des tickets, pour embrigader le client de manière numérique, plus fortement qu’actuellement. Un effet pervers de la loi ! Progressivement, la distribution veut faire basculer sa clientèle vers une relation dématérialisée favorisant un ciblage commercial plus précis que le contact de masse et aléatoire qu’elle pratique depuis toujours. Sous l’œil vigilant de la CNIL qui a mis en garde les commerçants : « Si vous décidez de proposer l’envoi dématérialisé du ticket, les solutions à privilégier sont celles qui nécessitent de collecter le moins de données personnelles. Elles doivent, dans tous les cas, respecter le RGPD et la loi Informatique et Libertés. » Sans oublier que les tickets de caisse devront rester utilisables pour les millions de clients mal à l’aise avec le numérique. La perspective est claire pour la distribution, mais le chantier immense.
La loi AGEC qui entraîne cette suppression des tickets de caisse est pourtant pétrie de bonnes intentions et de mesures judicieuses, comme la suppression des couverts en plastique ou la lutte contre l’obsolescence programmée. Mais, elle a négligé le point de vue des associations de consommateurs, forts de dizaines d’années d’expérience et proches de toutes les catégories sociales. Une douzaine de ces associations ont protesté contre la mesure. En vain. L’argument écologique, mal étayé comme nous venons de le voir, l’emporte sur tout. Comme si l’écologie paralysait toute réflexion critique.
Didier Barathon est l'auteur de "Exclusion numérique" paru chez VA Éditions.