Ecoutez ici le podcast sur la première mission Apollo-Soyouz
Peut-on affirmer aujourd’hui que l’espace représente un enjeu stratégique de premier plan ?
L’arrivée de SpaceX a non seulement bousculé les acteurs historiques dans leurs modèles d’exploitation, mais les états ont découvert que ce territoire ne leur était plus réservé. Nous sommes aujourd’hui donc une compétition entre nations, états et acteurs commerciaux privés. L’enjeu stratégique est de taille pour tous, mais cette guerre s’exerce à travers la technologie, l’innovation et la capacité de nuisance ou de destruction pour garder sa puissance économique, nationale et militaire. La course est donc ouverte entre les grands fournisseurs d’internet et les États. On assiste à une multitude de lancements de satellites et à l’arrivée des nanosatellites. Des constellations de satellites montrent l’empressement des États à s’équiper et à occuper ou conquérir une position de puissance spatiale. C’est donc un enjeu prioritaire pour la sauvegarde de la souveraineté d’un pays pour préserver notamment ses activités militaires très impliquées dans l’exploitation des informations issues de l’espace. Les télécommunications et l’accès à internet s’inscrivent également dans les intérêts stratégiques de cet enjeu prioritaire.
Tous les pays ont compris que la lutte allait être forte et complexe. Cela s’observe aussi par l’augmentation des budgets consacrés au spatial et s’affirme par la création de commandements de l’espace. La France a clairement déclaré sa volonté politique d’intégrer non seulement l’espace comme un enjeu stratégique, mais aussi comme un des éléments composant sa souveraineté.
La véritable guerre économique va-t-elle être celle les cyberattaques ? Risque-t-on une 3e guerre mondiale ?
Il est vrai que l’omniprésence des services terrestres liés aux nombreuses capacités satellitaires, les activités militaires, les enjeux de télécommunications et l’internet sont des cibles de déstabilisation ou de neutralisation que les États vont devoir protéger. Le défi technologique des nations va être de protéger toutes ces « data » (informations) qui transitent entre l’espace et leur réception. Ces échanges vont inévitablement augmenter et deviendront de plus en plus importants. Aucun retour en arrière n’est possible, donc la protection des réseaux et celle des flux d’informations sont au centre des enjeux nationaux. Les cyberattaques s’inscrivent comme des « armes » qui permettent un accès direct pour réaliser une action de nuisance ou de destruction, mais c’est également un moyen d’espionnage. Ainsi la possibilité de cyberattaques spatiales se décompose en plusieurs degrés d’attaques, mais complexifie les paramètres pour les satellites. Leurs fonctions sont ainsi augmentées afin de remplir leurs missions initiales, mais doivent pouvoir se protéger, se défendre et savoir si on les espionne. Pour le moment, on peut considérer que toutes ces fonctions nouvelles ne sont pas encore accessibles à tous les États engagés dans l’espace, mais il est certain que nous sommes lancés vers une guerre du cyber. On mesurera donc la résilience d’un pays par sa capacité à défendre sa souveraineté par la robustesse de ses réseaux informatiques face aux cyberattaques. Je pense que nous sommes qu’au début d’un important cycle qui ne va pas cesser d’évoluer, rendant plus complexe la protection de nos systèmes.
Comment l’Europe, et plus particulièrement la France, font-elles face à l’émergence de nouvelles puissances spatiales privées ?
Est-il légitime de craindre la privatisation de l’accès à l’espace ?
Aujourd’hui les GAFA se trouvent confrontés à une très forte concurrence entre eux, compte tenu de leurs extensions colossales dans les domaines de la télécommunication et leurs contenus. Il est probable que certains s’affaiblissent dans cette guerre de territoire, voire disparaissent. La réglementation de l’espace par de nouveaux traités internationaux entre États cadrera, je l’espère, l’expansion sans limites jusqu’à présent de ces acteurs privés surpuissants.