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Essilor-Luxottica : le n°1 mondial de l’optique sur la rampe de lancement ?





Le 27 Novembre 2017, par La Rédaction

Depuis janvier 2017, Essilor et Luxottica ont entamé une procédure de rapprochement. Les deux entités, respectivement spécialisées en optique et en montures, doivent en effet fusionner pour permettre l’émergence d’un nouveau champion européen et d’un leader mondial de l’optique-lunetterie. Sous réserve, toutefois, d’un feu vert définitif de Bruxelles.


Crédit: IngImage
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En septembre dernier, Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la politique de concurrence déclarait : « la moitié des Européens portent des lunettes [...] Nous devons donc examiner attentivement si le projet entraînerait une hausse des prix et une diminution du choix pour les opticiens. » Dans la foulée, la Commission européenne déclenchait la procédure d’étude d’impact habituelle. Les questions posées par la Commission Européenne portent notamment sur les implications d’un tel rapprochement en termes de concentration, ainsi qu’en termes de prix. Pour normale que soit cette procédure, elle ne doit pourtant pas faire l’impasse sur les enjeux d’un dossier comme il s’en présente rarement devant les instances bruxelloises.

En effet, d’autres considérations stratégiques pour l’avenir de l’UE s’invitent ici au débat : dans un contexte de vieillissement démographique, la santé visuelle des citoyens européens ne doit en aucun cas devenir une proie facile pour les opérateurs asiatiques et américains. La constitution d’un champion européen, en effet, permettrait d’accroître la compétitivité d’une filière européenne garante de standards de qualité élevés, tout en limitant les fuites de revenus. Une nécessité absolue, même, lorsqu’on sait que les biens médicaux représentent, à eux seuls, un quart du total des dépenses courantes de santé des états membres.

Deux entreprises réellement complémentaires

Ce n’est en effet pas si souvent que deux entreprises du vieux Continent se présentent avec de tels arguments.

A l’inverse de fusions entre égaux ou entre entreprises concurrentes, les synergies attendues devraient déjà avoir peu d’impacts sur l’emploi. Les deux entreprises sont en effet strictement complémentaires sur l’essentiel de la chaîne de valeur : à Essilor les verres et à Luxottica les montures, chacun conservant son réseau de distribution au bénéfice de l’autre désormais. Par contre, ces synergies devraient se traduire par une hausse de la compétitivité-prix du nouvel ensemble : la même qualité pour un prix logiquement inférieur, compte tenu des effets de volume. L’idée principale derrière cette fusion est de se mettre en ordre de bataille pour résister aux assauts de concurrents attirés par les opportunités du marché européen. Si tous ne sont pas au niveau de qualité atteint par exemple par Essilor, la plupart s’est positionnée très agressivement sur le critère prix. Le résultat d’une telle opération va donc permettre de faire émerger un acteur global sur le marché de l’optique, capable de répondre aux problématiques qui lui sont liées : des produits de santé de qualité à un prix maitrisé. Cette fusion sera bien l’occasion de damer le pion à ceux qui lorgnent avec insistance sur le marché européen. Et ils ne sont pas seulement chinois.

Un concurrent pour les GAFA

En dépit des précautions d’usages prises par la Commission Européenne, une telle fusion devrait plutôt rassurer, puisqu’elle garantit l’émergence d’un redoutable concurrent face aux GAFA dans un secteur sensible. En effet, ces derniers se sont, de longue date, positionnées pour se saisir des innovations en rapport avec la santé. La combinaison des deux géants de l’optique et de leurs expertises va de fait permettre de faire croitre leurs capacités d’investissement en nouvelles technologies : impression 3D, lunettes connectées et biotechnologie notamment, trois secteurs sur lesquels les GAFA sont particulièrement offensifs. Les dirigeants d’Essilor et Luxottica ont même déjà annoncé avoir pour priorité les lunettes connectées et le développement de l’offre digitale, de façon à « marquer les territoires ».
 
Si les acteurs précités du numérique prenaient possession du secteur, le risque serait d’encourager la dématérialisation des services apportés aux clients. Or, pour de tels équipements de santé, cela pourrait représenter un véritable préjudice.

La fusion d’Essilor et de Luxottica permettra à l’inverse de consolider la chaîne R&D européenne et de conserver l’avance de l’Europe en matière de qualité des équipements optiques. Cette fusion devrait notamment permettre à la filière européenne de résister à l’offensive des verriers chinois, qui proposent des verres de qualité nettement inférieure mais avec des prix à la mesure. Le gain de compétitivité du nouvel ensemble permettre d’une part de tirer les prix vers le bas, mais aussi de compliquer les tentatives de pénétration du marché avec des produits de moins bonne qualité. Il est en effet bien question ici de produits santé qui doivent non seulement rester accessibles au plus grand nombre, mais aussi rester aux niveaux des standards de qualité européens en la matière. L’optique-lunetterie est aussi un secteur dont les dépenses sont partiellement prises en charge par les Etats, au titre des différents systèmes d’assurances maladie. Tout ce qui peut réduire la facture, pour les citoyens européens comme pour les budgets communautaires, sera bienvenu. L’enjeu est d’autant plus important que le contexte européen en matière de santé visuelle évolue rapidement. 

Répondre aux besoins croissants de la population

Le marché de la santé en générale et celui de la santé visuelle en particulier dans les pays développés risquent en effet de connaître une très forte croissance dans les années à venir : avec le vieillissement de la population, les nouveaux modes de vie et l’omniprésence des écrans, les besoins en correction et protection visuelle sont en effet en constante augmentation. Ces évolutions impliqueront la création de nouveaux verres pour améliorer l’existant et préparer l’optique de demain.

Du côté des clients-patients, les deux entreprises possédant des activités complémentaires, leur fusion permettra d’améliorer la qualité des produits et des services qu’elles fournissent. Par exemple, alors qu’en général, il faut 8 jours à un opticien pour recevoir verres et montures commandés, il pourrait désormais les obtenir en 24 heures, avec toujours la même qualité de service délivrée par l’opticien en magasin. Une offre qui sera donc plus large, permettra aux clients de bénéficier de prix plus attractifs et de meilleurs délais.

Plus important encore, peut-être, les deux dirigeants possèdent la même culture d’entreprise : en plus d’une attention particulière accordée à l’outil industriel et résolument tournée vers le produit, les deux dirigeants portent un intérêt soutenu à leurs relations avec les opticiens. Parmi les ambitions de la future entité Essilor-Luxottica, il y a la volonté de conserver un réseau de distribution physique et, par extension, celle de consolider la place de l’opticien comme professionnel de santé. Ce sont en effet les opticiens qui génèrent la quasi-totalité de leur chiffre d’affaire. Les deux entreprises en cours de rapprochement ont donc tout intérêt à rester des forces motrices sur ce marché très particulier.




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