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Nicolas Mundschau : « La rémunération est un levier de valorisation bien réducteur en comparaison des attentes des jeunes talents »





Le 11 Mars 2014, par La Rédaction

Nicolas Mundschau est Senior Human Resources Business Partner au sein d’Airbus Defence & Space. Au cours de son expérience chez Siemens puis chez E.ON, après une formation aux Etats-Unis et en Finlande, il a été l’un des témoins privilégiés de la démocratisation récente des politiques de gestion des talents dans les grandes entreprises, en particulier multinationales. Nicolas Mundschau a donc entrepris de répertorier et d’expliquer dans un ouvrage* les meilleures pratiques en la matière. Il nous livre ici quelques subtilités de cet aspect des RH bien souvent confidentiel.


La notion de talent recouvre une dimension très subjective quel que soit le champ dans lequel elle est considérée. Quelle définition retenez-vous de cette notion dans votre ouvrage ?


Nicolas Mundschau: En effet, depuis la publication de « The War for Talents », qui popularise le terme dans la littérature du management au début des années 2000, aucune définition n’a vraiment fait consensus. La principale difficulté vient du fait que celle-ci doit à la fois être suffisamment précise pour circonscrire son objet et suffisamment large pour recouvrer les différentes formes d’expression du talent. Je définis pour ma part le talent comme la capacité à mobi­liser des ressources rares personnelles – des qualités et des compé­tences –, et collectives – comme son réseau ou sa capacité d'entraînement – pour aller plus vite et plus loin que les autres, renouveler les paradigmes, avec un impact important pour l'organisation.

Comment détecte-t-on le talent quand on est recruteur ?

L’approche la plus courante consiste à s’appuyer sur la performance passée d’un salarié. Cette approche apparait toutefois limitative : en effet, si la performance passée, qu’elle soit bonne ou mauvaise, constitue un indicateur intéressant, elle ne peut présager à elle seule la performance à venir. Partant de ce constat,  je me suis particulièrement intéressé à la façon dont les organisations recrutent les jeunes diplômés, là où il est indispensable de s’appuyer sur d’autres indicateurs de talent. J’ai constaté que les critères et méthodes de détection du talent peuvent et doivent s’adapter aux besoins et contraintes de l’organisation. L’un des chapitres de mon livre Recruter les jeunes talents : attirer, sélectionner, fidéliser apporte un aperçu des pratiques d’entreprises et solutions possibles en la matière.

Le profil de la recrue de talent est-il adapté à tous les niveaux hiérarchiques d’une entreprise ? Peut-on tout faire faire à un talent ?

On peut potentiellement tout faire faire à un talent. De plus en plus d’entreprises le démontrent en mettant en place des programmes destinés aux jeunes talents qui les exposent à une succession de missions ou « rotations » de natures différentes. Les jeunes talents sont ainsi invités à travailler au sein d’une fonction différente de celle à laquelle ils se sont préparés pendant leurs études, en complément de mobilités géographiques ou organisationnelles. Au-delà de la réponse à des besoins opérationnels, ces programmes présentent un double intérêt : confirmer le talent en l’exposant à une succession de challenges professionnels d’une part, et favoriser son développement en lui permettant d’acquérir rapidement de l’expérience, d’élargir son réseau et sa connaissance de l’organisation.

Malgré les espoirs qu’il suscite, le jeune talent doit faire ses preuves dans l’organisation. Comment challenge-t-on ce type de profil ?

Cela peut se faire tout d’abord au travers des « rotations » des programmes que nous venons d’évoquer. De façon alternative ou complémentaire, certaines entreprises demandent à leurs jeunes talents de contribuer à des projets transverses, visibles par le management, qui représentent également d’excellents moyens de s’exposer et de se développer.

Comment valorise-t-on le talent sans forcément « le gâter » ?

Pour beaucoup valorisation rime avec rémunération. Pourtant, cette approche apparait bien réductrice comparée à la diversité des leviers à la disposition du management… et à la varieté des attentes des talents ! Afin d’apporter la réponse la mieux adaptée à cette question, il convient de prendre le temps de connaître le talent et de comprendre les ressorts de sa motivation, de manière à lui apporter les signes de valorisation auxquels il sera le plus sensible. De plus, pour conserver un climat sain, l’organisation doit considérer et démontrer par les faits que l’identification d’un « talent » ne constitue pas une situation acquise : la démonstration du talent doit ainsi être renouvelée régulièrement, aussi bien du point de vue des résultats que du comportement.

Comment les entreprises cultivent-elles et développent-elles les compétences de leurs talents en interne ?

Les leviers les plus souvent mis en œuvre incluent la mobilité géographique, organisationnelle et fonctionnelle, mais aussi la formation, et notamment des parcours dédiés aux talents et « marketés » comme tels, le mentoring et la participation à des projets, à des conférences ou rencontres avec le haut management.  Parmis les démarches émergeantes on peut citer la participation à des groupes de réflexion (« think tanks »), mais aussi le « peer mentoring » qui aménage le concept initial du mentoring en créant une relation de co développement entre personnes d’un même niveau de responsabilité.

Quels sont les grands principes d’une stratégie de gestion des talents ?

La stratégie de gestion des talents est une déclinaison de la stratégie globale de l’organisation. Pour la définir, il convient ainsi d’analyser les besoins de l’organisation de façon qualitative et quantitative, en fonction de l’évolution prévisionnelle de ses activités et de sa situation actuelle. Une fois le besoin en talents connu et agréé, il s’agit ensuite d’attirer le public ainsi ciblé, ce qui nécessite un travail de connaissance de l’organisation et de consolidation d’une proposition de valeur employeur authentique. La mise en place d’outils et de méthodes de sélection professionnels est alors clef pour assurer le choix le plus pertinent parmi les candidats. Enfin, des actions de fidélisation permettent de sécuriser l’investissement effectué par l’employeur.

*MUNDSCHAU, N., Recruter les jeunes talents : attirer, sélectionner, fidéliser, L’Harmattan, Collection Entreprises & Management, 2013.




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