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Colombie : des hydrocarbures au progrès





Le 11 Septembre 2014, par Frédéric Blanc

Quatrième économie d’Amérique Latine selon l’OCDE, la Colombie a quintuplé ses flux d’IDE en dix ans et trône désormais à la 11ème place du classement « Best Emerging Markets 2014 » établi par Bloomberg. Loin des clichés véhiculés par des décennies de guérilla, le pays a été propulsé en quelques années au rang de « place to be » sur le continent sud américain.


Un rôle pivot dans les échanges commerciaux

Cathédrale de Medellin (Crédit : Pixabay / Julianza)
Cathédrale de Medellin (Crédit : Pixabay / Julianza)
La Colombie, c’est un taux de croissance qui devrait atteindre 4,58% entre 2014 et 2015 selon les analystes de Bloomberg, lorsque la Banque Centrale établit des prévisions à hauteur de 5%. Les investisseurs internationaux ne sont donc pas insensibles aux perspectives de ce pays, seule économie d’Amérique du Sud à disposer de deux façades maritimes. Le littoral Pacifique d’une part, bien que peu accessible en dehors du port de Buenaventura, et l’ouverture sur la Mer des Caraïbes d’autre part, desservent aisément les grandes agglomérations intérieures telles que Cali, Medellin ou la capitale Bogota juchée à 2600 mètres d’altitude. Le Port de Carthagène, situé à la pointe nord du pays, s’est même hissé au second rang des ports sud-américains.

Les autorités entrevoient depuis plusieurs années l’éventualité de construire une voie ferroviaire interocéanique – autrement appelée « canal à sec » - pour faciliter les échanges entre ses littoraux et s’ouvrir davantage aux échanges atlantiques. De quoi sérieusement concurrencer le Canal de Panama, et pallier le déficit de liaison interocéanique dont la Colombie est amputée depuis l’indépendance du Panama en 1903. Des investisseurs coréens, chinois et russes se seraient déjà portés volontaires pour financer le projet.

Celui-ci est d’ailleurs soutenu par plusieurs pays voisins pour lesquels le commerce maritime ouvrirait de nouvelles perspectives en matière d’échanges. Le Président colombien fraîchement réélu, Juan Manuel Santos, avait en particulier manifesté de l’intérêt pour le projet chinois prévoyant la construction d’une ville nouvelle au sud de Carthagène. En outre, celle-ci pourrait être « dotée d’un centre de production et d’assemblage pour les exportations vers les autres pays d’Amérique Latine et centrale, et vers les Etats-Unis », rapporte Courrier International.

Le montant de la facture pour un tel chantier (2 milliards de dollars) est à la hauteur des ambitions de la Chine, qui prévoirait un plan d’investissement global en Colombie en vue « de se doter d’une voie de transport exclusif qui les rapproche plus facilement de l’Atlantique et leur ouvre des marchés dont l’accès reste pour l’heure compliqué et coûteux », précise encore Courrier International.

La coopération économique pour lutter contre la pauvreté

Outre ces considérations géostratégiques, l’idée d’attirer investisseurs, compagnies et ensembliers étrangers par le biais de contrats de concession, de marchés publics ou de joint-ventures, n’est pas pour déplaire au gouvernement actuel qui doit faire face à un besoin croissant d’investissements et d’infrastructures afin de soutenir son développement économique. Juan Manuel Santos n’a pas non plus perdu de vue qu’il a été (ré-)élu sur sa promesse de résorber la pauvreté, qui touche environ un tiers des Colombiens selon la Banque Mondiale. Or le secteur pétrolier, celui des infrastructures et de la construction réunis enregistrent une croissance annuelle moyenne à deux chiffres. C’est donc une chance à saisir pour l’actuel gouvernement socio-libéral, comme le souligne l’OCDE  : « Ce boom stimule l’investissement étranger, alimente la croissance économique et accroît les recettes publiques ».

Une croissance portée par les hydrocarbures

La croissance colombienne est en grande partie soutenue par l’exploitation du pétrole (+40% entre 2009 et 2011) et ne devrait pas s’essouffler de sitôt. En effet, le sous-sol colombien regorge également d’huile de schiste et les projets de prospection se succèdent. En 2013 par exemple, ce sont le canadien Canacol Energy et l’américain ConocoPhilips qui s’unissaient pour lancer la prospection sur les huiles de schiste dans le bassin Magdalena.

Devenue troisième producteur de pétrole du continent, la Colombie a franchi l’année dernière le seuil symbolique du million de barils par jour. Signe de la vigueur du secteur dans le pays, la compagnie pétrolière d’état, Ecopetrol, vise à elle seule un objectif de production de 1,3 million de barils à l’horizon 2020. Son président, Javier Gutierrez, n’hésite d’ailleurs pas à qualifier l’industrie pétrolière de « locomotive de l’économie » colombienne, celle-ci affichant une croissance de 6% par an dans le pays.

Le gouvernement actuel perçoit bien évidemment les vertus économiques des concessions offertes aux quelques 130 compagnies pétrolières installées dans le pays. Au total, précise l’Agence nationale des hydrocarbures, ce sont 5,5 milliards de dollars qui ont été investis dans ce domaine en 2012. Un an auparavant, le ministre de la Défense de l’époque - Rodrigo Rivera - avait notamment annoncé de nouvelles mesures destinées à assurer la sécurité des opérateurs présents dans le pays. La stabilité institutionnelle et fiscale n’est pas en reste, puisque l’actuel ministre des finances Mauricio Cardenas est en poste depuis 2012. Tout concourt aujourd’hui à séduire les entreprises et les investisseurs étrangers. 

France-Colombie, le voyage de noces ?

En 2013, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius se rendait en Colombie à l’issue d’une tournée en Amérique Latine, avec la ferme intention de consolider les relations économiques, culturelles et politiques entre les deux pays. Il faut dire que la lune de miel « francolombienne » n’en est pas à son premier jour. Interrogé par Le Figaro, le président Santos admet lui-même volontiers que « La France est le premier employeur étranger en Colombie ». On estime en effet qu’une centaine d’entreprises françaises (dont Thalès, Saint-Gobain, Alcatel, Casino ou Renault) génèrent à elles seules plus de 90.000 emplois directs et 200.000 emplois indirects.

En mai dernier, c’est le champion international de l’eau, Veolia, qui signait un contrat avec Ecopetrol pour la construction d’un dispositif de traitement des eaux produites par l’extraction pétrolière au sud-est de Bogota. Mais pour Patrick Couzinet, directeur commercial de Veolia Water Technologies, la Colombie n’est pas pour autant un terrain conquis d’avance : « Les liens économiques entre la Colombie et la France sont solides. En revanche, la concurrence est rude entre les grands opérateurs internationaux et la sélection repose essentiellement sur l’excellence opérationnelle des candidats en lice ». En effet le pays, en dépit d’une croissance portée par le secteur pétrolier, a bien conscience des ravages sociaux et environnementaux que peut générer le modèle de développement économique de « l’industrie industrialisante » telle qu’elle est pratiquée en Chine. « Le déploiement de technologies peu énergivores permettant de minimiser l’empreinte hydrique de l’activité pétrolière, ainsi que leur fiabilité dans le temps long, ont été des critères de choix discriminants », ajoute ainsi Patrick Couzinet.

Ses performances ne font donc pas occulter à la Colombie que le développement économique, au XXIème siècle, doit être synonyme de « progrès » au moins autant que de « croissance ». C’est en tout cas ce que laisse penser cet autre exemple d’entreprise française, Sodexo, qui s’est vue décerner en décembre dernier le Prix Portafolio dans la catégorie « Responsabilité Sociale » par la mairie de Medellin. Cela démontre que la Colombie du XXIème siècle est résolument disposée à faire du business, mais pas n’importe comment.   




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