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TwentyTwo Real Estate: "agilité et rigueur face au risque" (Daniel Rigny)





Le 2 Juillet 2020, par La Rédaction

Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, certains avancent qu’on n’investira plus jamais comme avant. D’autres prédisent un bouleversement à venir du marché immobilier, depuis que les Français ont découvert qu’on pouvait « vivre ailleurs en travaillant autrement ». Autant de métamorphoses auxquelles les gérants de fonds immobiliers devront (peut-être) un jour s’adapter. L’un d’entre eux, TwentyTwo Real Estate, joue la partition du pragmatisme agile comme l’explique son dirigeant et fondateur Daniel Rigny.


A quoi ressemble la vie d’un gérant de fonds d’investissement immobilier en phase de turbulences économiques comme celle que nous traversons ?

D’une crise résulte toujours une dépréciation de la valeur des actifs, qu’ils soient cotés ou non. Il faut donc immédiatement se concentrer sur la gestion des impacts négatifs et réévaluer ses priorités, créer une liste d’actions critiques pour minimiser ces impacts négatifs et reporter à plus tard les actions non essentielles. La première réaction en situation de crise est donc de gérer l’existant. Une fois les zones de risques maîtrisées et le portefeuille d’actifs sous contrôle, on peut réévaluer le nouvel environnement, comprendre comment il va influencer le marché et comment en tirer parti en se repositionnant à l’investissement. 

Daniel Rigny, TwentyTwo Real Estate
Daniel Rigny, TwentyTwo Real Estate

Quelles sont les conséquences de la crise sur la performance de vos véhicules d'investissement à moyen-long terme ?

Nous gérons aujourd’hui 4 milliards d’euros d’actifs. Nos actifs sous gestion sont répartis entre des mandats dédiés et deux familles de véhicules d’investissement qui regroupent de nombreux investisseurs institutionnels et privés. 

Le premier véhicule d’investissement est une foncière de logements à loyer abordable (PowerHouse Habitat) qui a un profil de risque faible, car elle est investie dans la classe d’actifs immobiliers la plus résiliente en France. En effet, le logement abordable est caractérisé par une faible élasticité des prix et nos locataires sont solvables – et solvabilisés – par les dispositifs du gouvernement français pour protéger l’emploi et les salaires. Cette classe d’actifs sera donc peu impactée par la crise actuelle. Nous poursuivons nos investissements dans ce secteur dans lequel le besoin d’investissement pour développer et rénover des logements est considérable et où les véhicules d’investissement à capitaux privés, comme notre foncière, ont un rôle important à jouer. 

 La deuxième famille de véhicules met en œuvre une stratégie « value-add » (à valeur ajoutée). Ces véhicules ont des profils de rendement et de risque plus élevés. Ils investissent typiquement dans des opérations de repositionnement d’actifs immobiliers impliquant rénovations et relocations. Là encore, nous sommes bien positionnés puisque nous avons accéléré en 2018 et 2019 la cession des actifs des véhicules existants. Nous étions dans un cycle haussier naturel et la création de valeur sur les actifs en gestion était très avancée. Ces véhicules représentaient historiquement 1,7 milliard d’actifs, nous n’avons plus aujourd’hui que 100 millions investis dans deux projets de bureaux dans la première couronne de Paris. Pendant le confinement, nous avons d’ailleurs réalisé la belle performance de conclure un bail de 3000m2 de bureaux destinés accueillir le siège de Hyundai en France dans l’un des immeubles qui est aujourd’hui loué à plus de 90%.

Peut-on considérer l'immobilier comme une classe d'actifs parmi les plus résilientes aujourd'hui ?

Tout dépend de quels actifs immobiliers il s’agit. Il faut tenir compte d’une double équation.

La première partie de l’équation est la demande locative, qui dépend de la localisation du bien, de ses caractéristiques physiques, des offres d’immeubles concurrents, des services  proposés aux locataires, des impératifs économiques des entreprises locataires, et des facteurs sociologiques et technologiques comme le développement du télétravail pour le bureau, ou de l’e-commerce pour le commerce et la logistique. 

La deuxième partie de l’équation est le coût des capitaux, en dette et en fonds propres, qui financent l’immobilier. Les périodes d’incertitude ou de crise entrainent un retrait des capitaux et une augmentation des primes de risque. Il en résulte une augmentation du coût du capital qui mécaniquement entraine une baisse de la valeur des biens immobiliers.

Il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces paramètres qui varient en fonction des classes d’actifs. Ainsi le logement abordable est aujourd’hui résilient car la demande locative reste inférieure à l’offre et le coût du capital se maintient en raison de la faible élasticité des prix. En revanche, pour les actifs tertiaires et commerciaux, les impacts de la crise actuelle peuvent être potentiellement forts. Lors des crises financières et économiques de 2009 et 2012 certains immeubles, même bien placés, ont perdus 50% de leur valeur.

Maintenant que la vie reprend un cours normal, entrevoyez-vous la possibilité d’une normalisation rapide de la situation économique dans le tertiaire ?

Non, au contraire nous estimons n’être qu’au début du cycle économique. La crise sanitaire entraine une perte économique qui ne peut être compensée par l’intervention des Etats et des banques centrales. Retrouver le niveau d’activité économique « pre-Covid » prendra du temps. La crise sanitaire est d’ailleurs loin d’être terminée. Le confinement a permis de maitriser l’épidémie en Europe mais elle continue de se développer fortement dans d’autres régions. Comme on le sait l’économie globale est interconnectée et ce virus se propage facilement !

Outre son impact direct sur l’économie, la crise sanitaire a des impacts structurels sur les usages. Nous nous questionnons aujourd’hui sur le télétravail et sur le renforcement de l’e-commerce. Enfin à cela s’ajoutent les marchés des capitaux qui restent volatils et qui se retirent des classes d’actifs les plus risquées. Nous nous attendons donc à voir un impact significatif sur les niveaux locatifs des bureaux et sur leur valeur, et un impact fort sur ceux des commerces, des biens d’hôtellerie et de loisirs. 

Le modèle d'investisseur-opérateur de TwentyTwo Real Estate est très spécifique. Quelle est votre stratégie pour générer du rendement dans cette période d'incertitude ?

Nous nous concentrons sur des actifs qui nécessitent une gestion active ou un repositionnement. C’est là que réside la force de notre modèle d’investisseur-opérateur. 

Nous allons par exemple nous intéresser à des immeubles de bureaux partiellement vacants ou soumis à un état locatif à court terme, ou à des immeubles qui ont besoin de travaux ou d’adaptations. Ce travail vise à offrir des immeubles correspondant aux attentes des locataires en termes de confort, de services et d’efficacité énergétique afin de sécuriser des baux plus longs. 

Dans un contexte d’incertitude économique, l’augmentation du coût du capital sera d’autant plus forte sur ces actifs dont l’occupation n’est pas stabilisée.  Notre objectif sera d’investir à des prix inférieurs à ceux pratiqués il y a six mois dans des biens de qualité ayant de bons fondamentaux à long terme, mais nécessitant ce travail de repositionnement. Une fois ces biens repositionnés, ils correspondent généralement aux attentes d’investisseurs à long terme. Dans un environnement où les taux vont probablement rester très bas, la recherche de rendements longs sécurisés sera d’autant plus forte.

Quelle posture allez-vous privilégier au cours des prochains mois ? L'audace ou la patience ?

Nos investissements ne résultent pas de décisions audacieuses mais d’une analyse rigoureuse des paramètres qui peuvent impacter la valeur des immeubles intégrant l’ensemble des données et des expériences dont nous disposons. Nous évaluons systématiquement les risques et le rendement potentiel qui peut résulter de notre travail de création de valeur. Nous sommes patients en toutes circonstances et très réactifs et agiles lorsqu’il s’agit de céder des actifs matures ou saisir les opportunités d’investissement que nous jugeons pertinentes. 

Quel est votre point de vue d’investisseur sur la situation macroéconomique ? Si vous deviez retenir une bonne raison de rester optimiste quant à l’évolution de la situation, laquelle serait-elle ?

La plus importante selon moi a été la réaction de l’Europe. En coordination avec les États membres, la Banque Centrale Européenne s’est manifestée très tôt grâce à un plan d’achat de 750 milliards d’euros pour soutenir le marché obligataire afin d’écarter les scénarios de rupture de liquidités au sein des entreprises. 
Mais l’Europe souhaite encore aller plus loin. Fin mai, elle a annoncé la volonté de doubler son intervention avec un plan de relance de 750 milliards d’euros supplémentaire dont 500 millions d’euros sous forme de subventions financés par une dette mutualisée. La mise en place d’une dette fédérale qui a connu de nombreuses résistances par le passé pourrait être le « moment hamiltonien » de l’Europe qui permettrait de créer une Europe plus intégrée et plus solidaire afin de faire face aux nombreux défis économiques. 




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