Journal de l'économie

Envoyer à un ami
Version imprimable

Yves Laisné : "La dissolution-confusion, solution supérieure à la liquidation amiable"





Le 11 Mars 2019, par La Rédaction

Mécanisme juridique destiné à pallier des difficultés conjoncturelles, la dissolution-confusion est un outil juridique permettant de se « défaire », au moins temporairement, du passif d’une société, prompt à la mener en liquidation. Un outil décisif, bien que méconnu, dans la sauvegarde des sociétés y ayant eu recours. Explications avec Yves Laisné, ancien universitaire, l’expert français de la question.


Pouvez-vous commencer par expliquer ce que sont la dissolution-confusion, aussi appelée dissolution par confusion de patrimoine, et la Transmission Universelle de Patrimoine (TUP) ?

Yves Laisné : Il faut distinguer la dissolution confusion (DC) de la Transmission Universelle de patrimoine (TUP). La DC est souvent désignée sous le nom d’un de ses effets qui est la TUP. Elle est également désignée de la sorte parce que c’est plus simple à dire que « dissolution–confusion ».
 
En fait, elle a deux effets. Le premier de ces effets est la TUP, qui signifie que le patrimoine de la confondue va vers la confondante. Cela s’apparente à une fusion de ce point de vue : une société disparait et son patrimoine (actif et passif) est transféré à la société qui l’absorbe. L’autre effet, c’est la disparition de la personnalité morale de la confondue.
 
Dans le langage courant, c’est devenu synonyme, mais si on veut être précis juridiquement parlant, il faut préciser que la DC est l’opération juridique, la TUP est un des deux effets, et la disparition de la personnalité morale est l’autre effet. 
JDE / Fotolia
JDE / Fotolia

Ces deux effets interviennent lors des opérations de fusion ?

Ces deux effets sont indissociables l’un de l’autre et chacun des deux a son importance. Précisément, la DC est une opération juridique dans laquelle une société qui détient 100 % du capital d’une autre, quelle que soit la forme de la société qui détient (qui va devenir la confondante), procède à la dissolution de la filiale qu’elle détient à 100 %. Elle décide donc de la dissoudre et de la confondre en son sein. Celle qui disparait s’appelle alors la confondue. 

Quelle est l’origine légale de cette disposition ?

Cette opération est une particularité du droit français, et dans des modalités légèrement différentes, du droit luxembourgeois. Dans le droit français, cela a été une transposition assez élargie d’une directive européenne sur les fusions transfrontalières et plus généralement sur les fusions de sociétés, qui a été intégré en 1988 dans l’article 1844-5 du Code Civil. Comme il s’agit d’un article du code civil sur les sociétés - point intéressant de la DC par rapport à la fusion - cela porte sur toutes les catégories de sociétés : peut être confondue ou confondante n’importe quelle société, même s’il y a quelques exceptions de détail, comme les sociétés d’exercice professionnel. Cela va si loin que l’on pourrait considérer qu’une DC pourrait s’appliquer entre associations loi 1901. Cela peut également fonctionner pour des sociétés civiles, ce qui n’est théoriquement pas le cas pour la fusion, telle qu’elle est organisée par le code de commerce. 

Dans quelles situations cette procédure est-elle applicable ?

Cela s’applique lors des cessions ou transmissions de société en bonne santé. Mais cela peut s’appliquer également à des sociétés en difficultés qui ont encore un fonds de commerce viable. Sauf que dans ce cas, au lieu d’avoir un maitre de l’affaire vendeur et un maitre de l’affaire acheteur, nous avons généralement la même personne des deux côtés, avec la plupart du temps des personnes interposées. Ce sont là les deux cas principaux dans lesquels la DC est utilisée.
 
Mais il existe bien d’autres hypothèses : cas de société simple coquille, successions… Par exemple, dans le cas où une personne veut arrêter une affaire, elle peut passer par la liquidation amiable. Sauf que cette dernière est considérée comme un enfer juridique, parce que le liquidateur amiable a énormément de responsabilités. Si par exemple, il oublie, même de bonne foi, un élément du passif, il est personnellement responsable de ce passif oublié. Il faut ajouter en plus que la radiation du RCS ne fait pas disparaitre la personne morale : la liquidation amiable permet, dans un délai d’un an à compter de la radiation, à tout créancier d’entamer une procédure de liquidation judiciaire, au préjudice du liquidateur.
 
Autre problème : l’administration a un délai de reprise de trois ans à compter de la radiation. La liquidation amiable ne met pas le maitre d’affaire à l’abri des difficultés qui peuvent suivre cette liquidation. Dans le cadre de la DC, la radiation de la société est radicale et définitive. La DC, notamment transfrontalière, est de ce point de vue une solution très supérieure à la liquidation amiable. Et la DC est applicable quel que soit l’état de santé de l’entreprise.

Comment cela se déroule-t-il concrètement ?

On peut prendre l’exemple du chef d’entreprise qui part en retraite, et veut se défaire de sa société et récupérer de l’argent en ne vendant que le fonds de commerce. La DC est un mode de transmission d’entreprise en réalité. Elle est particulièrement adaptée dans deux cas principaux : la vente « splittée » d’entreprises et les sauvetages d’entreprises en difficultés. Ces dernières se font souvent d’ailleurs, techniquement, via une vente splittée. La vente splittée d’entreprises est utilisée lorsque l’entreprise fait l’objet d’une vente double.
 
Techniquement, cela commence au niveau d’une société qui détient une activité, autrement dit un fonds de commerce. Le maitre de l’affaire, qui peut être différent du mandataire social, est la personne avec qui nous traitons, car c’est la personne qui détient le capital directement ou indirectement. Le plus souvent, nous traitons avec des PME, qui ont un maitre d’affaires qui veut céder une société. Cette dernière porte une entreprise et donc un fonds de commerce, c’est-à-dire un ensemble d’éléments de rattachement d’une clientèle. Le point de départ est donc une entreprise qui comporte un fonds de commerce, détenu par une structure juridique nommée société. A ce moment, le vendeur, le maitre de l’affaire peut décider de vendre sa société comprenant le fonds de commerce avec les parts sociales ou les actions, et à partir de là, il a tout vendu. Mais il peut également décider de garder la société, tout en faisant en sorte que la société vende le fonds de commerce. Dans ce cas l’acheteur n’achète que l’activité, et il n’achète pas le passé de la société.




Nouveau commentaire :
Twitter

Le JDE promeut la liberté d'expression, dans le respect des personnes et des opinions. La rédaction du JDE se réserve le droit de supprimer, sans préavis, tout commentaire à caractère insultant, diffamatoire, péremptoire, ou commercial.

France | International | Mémoire des familles, généalogie, héraldique | Entreprises | Management | Lifestyle | Blogs de la rédaction | Divers | Native Advertising | Juris | Art & Culture | Prospective | Immobilier, Achats et Ethique des affaires | Intelligence et sécurité économique - "Les carnets de Vauban"



Les entretiens du JDE

Tarek El Kahodi, président de l'ONG LIFE : "L’environnement est un sujet humanitaire quand on parle d’accès à l’eau" (2/2)

Tarek El Kahodi, président de l'ONG LIFE : "Il faut savoir prendre de la hauteur pour être réellement efficace dans des situations d’urgence" (1/2)

Jean-Marie Baron : "Le fils du Gouverneur"

Les irrégularisables

Les régularisables

Aude de Kerros : "L'Art caché enfin dévoilé"

Robert Salmon : « Voyages insolites en contrées spirituelles »

Antoine Arjakovsky : "Pour sortir de la guerre"











Rss
Twitter
Facebook