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Gilets jaunes : Paris battu par les flots, mais ne sombre pas





Le 11 Décembre 2018, par Alexandre Demaille

La révolte des Gilets jaunes, qui a provoqué le chaos à Paris ce samedi, s’inscrit dans la lignée des nombreux soulèvements survenus dans la capitale depuis des siècles. Dans cette chronique, Alexandre Demaille, auteur du livre « Fluctuat Nec Mergitur, les Parisiens toujours debout dans l’adversité », nous explique comment la ville et ses habitants ont toujours vécu ce type d’évènements.


Ce samedi 8 décembre à Paris, des milliers de Gilets jaunes faisaient face à la plus importante mobilisation des forces de l’ordre depuis Mai 68. Et ce n’est pas la seule ressemblance entre 2018 et 1968 : les barricades édifiées, les pavés lancés sur les policiers, la forte popularité du mouvement... Si la grogne d’aujourd’hui semble plus hostile que le vent d’émancipation qui soufflait il y a 50 ans, le constat est le même : Paris est encore le théâtre d’une révolte violente.
 
Ce Paris, pourtant embourgeoisé progressivement depuis la disparition du marché des Halles en 1971, et que certains décrivent comme une ville de touristes et de bobos, surprend à nouveau le monde. Chaque samedi, depuis bientôt un mois, arpenter ses boulevards devient dangereux. Une partie des habitants, à grand renfort de manifestants provenant des régions et de banlieue, laissent éclater avec violence leur hostilité contre le président.
 
Une telle colère a déjà été observée à des dizaines de reprises dans l’histoire de la capitale. Par exemple, lors des émeutes contre Philippe le Bel en 1302, après une hausse des loyers. Plus tard en 1588, pendant la « journée des barricades » contre Henri III. Une nouvelle fois, lors de la Fronde contre Louis XIV en 1649. Puis durant les révolutions de 1789 (prise de la Bastille), 1792 (attaque des Tuileries par les sans-culottes), 1830 (les « Trois Glorieuses »), 1848 (abolition de la monarchie) ou encore pendant la Commune de 1871. La plupart du temps, une hausse de taxes ou une injustice sociale est à l’origine de la révolte, et bien souvent, des provinciaux prennent part aux affrontements dans les rues parisiennes. Lorsque l’insurrection aboutit, un changement politique majeur s’accomplit. Lorsqu’elle est maîtrisée, cela ne fait parfois que reporter la fureur de quelques mois...
 
Au-delà des revendications des Gilets jaunes et des dérives violentes de leurs mobilisations, il faut prendre conscience qu’à travers cette protestation, Paris reste fidèle à son histoire et à sa devise, Fluctuat Nec Mergitur : « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas ». Cette phrase, qui fait référence au navire du blason de Paris, signifie que les Parisiennes et Parisiens sont toujours restés debout, malgré toutes les adversités rencontrées dans leur histoire. Encore endeuillée par les attaques terroristes qu’elle a subies, Paris vit une nouvelle épreuve, celle de manifestants exaspérés (dont de nombreux Franciliens) auxquels se sont mélangés des casseurs incivilisés. Leurs dégâts sont nombreux dans les rues, plusieurs quartiers sont touchés : cette semaine, Paris a la gueule de bois.
 
Mais les temps troublés que nous vivons et ces successions d’évènements imprévisibles font partie de l’ADN de cette ville. Le volcan parisien ne reste jamais éteint bien longtemps, il se réveille périodiquement, telle une ville qui bat sans cesse la mesure. Paris et ses habitants s’en remettent toujours, car ils en ont vu d’autres. Ils savent, au fond d’eux, que les révoltes sont aussi la contrepartie du statut de capitale de la ville : régulièrement, les institutions attirent la colère et attisent le feu en son sein. C’est le prix à payer du prestige de la « Ville Lumière ». Paris est encore battu par les flots, mais ne sombre jamais.
 
Alexandre Demaille, auteur du livre « Fluctuat Nec Mergitur, les Parisiens toujours debout dans l’adversité  », VA Éditions, 2018.




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