Pierre Gattaz va trop loin pour le gouvernement. Lundi soir, lors d’une conférence de presse à Londres, Emmanuel Macron a déclaré que la proposition de Pierre Gattaz, de supprimer définitivement l’ISF, était une provocation supplémentaire. Et qu’il était hors de question que le gouvernement aille dans le sens du président du Medef.
Le ministre de l’Economie va plus même plus loin, sous-entendant que Pierre Gattaz raconterait même n’importe quoi, sans se soucier des conséquences que cela pourrait avoir. « Lorsqu’on est responsable syndical ou responsable politique, on est avant tout responsable, on ne peut pas dire à n’importe quelle seconde de la journée tout ce qu’on pense » a ainsi commenté Emmanuel Macron. Ajoutant « en l’espèce, pour ce qui relève de Pierre Gattaz, ce n’est pas la première fois qu’il a cette lubie ».
Le gouvernement et la majorité tirent donc à boulets rouges sur le patron des patrons. Le Parti socialiste, à travers sa porte-parole, Corrine Narassiguin, avait également critiqué Pierre Gattaz sur ce sujet, un peu plus tôt dans la journée du lundi. « Il aime les provocations. Sa nouvelle trouvaille ? Supprimer l’ISF, qui à lui seul expliquerait le manque d’investissement en France » avait-elle alors déclaré.
Toujours est-il que ce n’est pas la première fois que le patron du Medef propose un tel sujet. Le précédent remonte à août 2013. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement n’a pas l’intention de s’asseoir sur 4,4 milliards d’euros de recettes, en supprimant l’ISF, et cela même si les rentrées d’argent dues à cet impôt sont en baisse.
Pourtant Bercy persiste et signe dans le fait que l'impact de la censure prononcée par le Conseil constitutionnel sera "minime" sur le budget 2014. Ce n'est en revanche pas l'avis de Gilles Carrez, le président UMP de la commission des finances à l'Assemblée, qui, dans une interview donnée au Figaro, estime la perte entre 500 millions et un milliard d'euros.
Pour lui, rien que la censure sur le plafonnement de l'ISF devrait coûter entre 200 et 300 millions d'euros de manque à gagner. Ce que le ministère du Budget dément fermement en affirmant que "la disposition censurée n'aurait concerné que quelques personnes. Elle n'avait même pas été chiffrée dans le projet de budget".
L'autre point de censure concerne la suppression des abattements sur les terrains à bâtir. Ce tour de vis fiscal, à l'heure pourtant de la pause fiscale, devait rapporter plus de 400 millions d'euros à l'Etat. Cette autre censure de la part du Conseil constitutionnel devrait également laisser un trou béant dans le budget de l'Etat. On se situe bien là entre 500 millions et un milliard d'euros de perte, d'après Gilles Carrez.
Bercy récuse pourtant cette analyse, affirmant qu'il est difficile d'évaluer l'impact budgétaire d'une telle censure, tant ces mesures auraient pu provoquer une modification des comportements des acteurs de tel ou tel marché. Finalement, cette censure du budget 2014 devrait coûter plus cher au gouvernement que celle du budget 2013, qui malgré la censure de la taxe à 75 % dans sa première mouture, n'avait pas dépassé les 500 millions de manque à gagner.