Aux Émirats arabes unis, le savoir comme nouveau pilier de l’économie




Le 2 Janvier 2020, par Laurène Gris

Pour préparer l’après-pétrole, les Émirats arabes unis investissent massivement dans la culture et l’enseignement, à coups de projets toujours plus ambitieux.


Sortes d’allégories, matérialisées, de la connaissance, les îles d’Al Reem et de Saadiyat, à Abu Dhabi, semblent tout entières dédiées à l’art et à la culture. On y aperçoit la réplique du dôme de la Sorbonne, on y visite le Louvre, mais aussi le gigantesque campus de la New York University. On pourra, bientôt, flâner au Guggenheim.

Ces objets muséal et universitaire ne sauraient être perçus comme de seuls symboles d’ouverture. Depuis plus de dix ans, ils sont de véritables piliers de la diplomatie et de l’économie émiriennes. Les instruments concrets, taillés dans la pierre, d’un nouveau modèle de développement fondé sur l’économie de la connaissance.

Né aux États-Unis dans les années 1960, le concept d’économie de la connaissance, ou knowledge-based-economy, s’appliquait initialement aux sociétés industrielles et désignait la part croissante de la main-d’œuvre qualifiée parmi les travailleurs. Dans un ouvrage paru en 1969, l’économiste autrichien Peter Drucker met ainsi en évidence l’émergence d’une société du savoir, dans laquelle l’enjeu n’est plus la production, mais la qualification et la manipulation de l’information*. Il s’agit désormais « d’apprendre à apprendre ».

Répondre au défi de la diversification

Cinquante ans après sa naissance, le concept d’économie de la connaissance apparaît aux Émirats arabes unis comme le stade ultime de la diversification économique. Pour assurer la durabilité du développement, les revenus tirés du pétrole doivent être réalloués dans des secteurs plus durables. En investissant dans la culture, l’enseignement, la recherche et le numérique, les autorités émiriennes cherchent ainsi à transformer leur économie, jusqu’alors rentière, en une économie postindustrielle, plus durable et moins volatile.
 
Véritable outil de « marketing politique », l’économie de la connaissance sert aussi l’image et la réputation des Émirats arabes unis, critiqués pour leur opulence. Une stratégie de plus en plus suivie par les autres États du Golfe, en proie aux mêmes défis économiques et politiques. En Arabie saoudite, cette politique porte un nom : « Vision 2030 ». Mis en place en 2016 par le gouvernement saoudien, ce plan de développement s’inspire directement de la réussite économique des Émirats arabes unis, en particulier de Dubaï. Fin octobre, Riyad a ainsi annoncé son intention d’autoriser les universités étrangères à ouvrir des antennes dans le royaume. La course à l’attractivité est lancée.
 
* Peter F. Drucker, The Age of Discontinuity. Guidelines to Our Changing Society, New York, Harper & Row, 1969.

Dans "Les Émirats arabes unis et la France. Les mirages de l’universalisme", Laurène Gris dissèque les relations franco-émiriennes. En convoquant à la fois l’histoire, la géopolitique et sa propre expérience, l’auteure revient sur la naissance et le développement de ce pays de moins de dix millions d’habitants, devenu en moins de cinquante ans l’une des vitrines du capitalisme mondial et de l’ultralibéralisme.