Bertrand Da Ros, Mutuelle SMI : « la refonte du contrat responsable aura un effet structurant pour l’évolution du marché »




Le 14 Février 2014, par La Rédaction

L’ANI conclu le 11 janvier 2013 aura un impact notable sur la couverture santé des salariés. Dès le 1er janvier 2016, chaque employeur devra souscrire pour chacun des salariés une assurance complémentaire santé qu’il cofinancera. Ce choix devra s’opérer en priorité au niveau de la branche professionnelle de l’entreprise puis, en cas de carence, au niveau de l’entreprise.
Bertrand Da Ros, directeur général de la mutuelle SMI, balaie avec nous la liste des changements auxquels les entreprises, comme les salariés, doivent s’attendre.


Pouvez-vous nous expliquer ce qui va changer concrètement avec la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés ?

Bertrand Da Ros, Directeur Général de la mutuelle SMI
La loi sur la sécurisation de l’emploi, complétée par certaines dispositions incluses dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2014, affichent une volonté explicite : rendre systématique la souscription des salariés à une assurance santé complémentaire au régime de la Sécurité Sociale.

Pour ce faire, la loi prévoit la généralisation des contrats d’assurance collectifs. C’est-à-dire qu’elle souhaite rendre obligatoire pour les entreprises le fait de souscrire pour l’ensemble de leurs salariés à un contrat d’assurance collective et d’en financer au moins 50 %. Les salariés qui souscrivaient à une garantie complémentaire à titre individuel pourront donc s’en passer demain, tandis que ceux qui ne bénéficiaient pas de telles garanties en seront pourvus par l’intermédiaire de leur employeur.

Le passage au contrat collectif va-t-il concerner tous les types de salariés ? Qu’en sera-t-il des intérimaires, par exemple ?

Nous avons été choisis par le Fond d’Aide Social du Travail Temporaire pour assurer les intérimaires dans le cadre de contrats individuels, donc le montant de la cotisation est pour partie et, selon certaines conditions, financé par le FASTT. Ces salariés sont des souscripteurs à titre individuel. Étant rattachés à des entreprises de travail temporaire, ils bénéficieront demain de la couverture mise en place pour eux par ces entreprises en vertu de la loi sur la sécurisation de l’emploi.

En tant que spécialiste des contrats collectifs, avez-vous déjà perçu des inquiétudes de la part de patrons ou de DRH quant à la mise en œuvre opérationnelle de ces accords de branche ? Grands groupes, ETI, PME et TPE seront-ils logés à la même enseigne ?

Le fait que la réglementation ne soit pas complètement stabilisée introduit un niveau d’incertitude qui inquiète effectivement les chefs d’entreprises et les responsables de Ressources Humaines. Cette instabilité est notamment lié aux récentes aux décisions successives du Conseil Constitutionnel visant à supprimer dans un premier temps les désignations et dans un second temps l’augmentation du forfait social. Afin d’aider ces dirigeants dans la compréhension de la réglementation en vigueur et à venir, nous organisons régulièrement des symposiums qui ont pour vocation de présenter ces dispositifs réglementaires. Nos équipes cultivent une expertise qui nous permet d’accompagner efficacement les professionnels dans le cadre de la mise en place de tels régimes de protection sociale.

Les accords de branche vont-ils vraiment permettre de tenir compte des situations et des risques propres à chaque entreprise ?

Par construction, un accord de branche répond aux caractéristiques majeures d’une branche professionnelle mais ne peut pas tenir compte des spécificités propres à chaque entreprise. Le passage au niveau branche restreint donc la marge d’initiative des entreprises en matière de politique salariale et de protection sociale. Toutefois, la logique qui sous-tend cette généralisation est évidemment de mutualiser le risque entre les entreprises d’une même branche, ce qui représente un enjeu important en prévoyance. L’enjeu est plus discutable en santé puisque les actuaires considèrent que l’objectif de mutualisation peut-être atteint dès que l’effectif couvert dépasse 300 personnes. 

Un récent ouvrage entendait lever le voile sur les pratiques de certaines complémentaires santé en matière de coûts de gestion et d’acquisition. Y’a-t-il un manque de transparence à ce sujet ?

Le voile est désormais levé puisque la règlementation relative aux contrats responsable nous impose dès cette année de communiquer nos coûts de gestion et d’acquisition. SMI, pour sa part, n’a pas attendu cette évolution règlementaire puisque notre mutuelle les restitue depuis fort longtemps à l’occasion de notre Assemblées Générale. Conformément au décret, nos frais ont été communiqués cette année à nos adhérents, et sont raisonnables puisqu’inférieurs à 13%.

Qu’est-ce qui, selon vous, départagera les acteurs du marché au cours des négociations de branche qui seront amorcées en 2014 ?

Le texte prévoit que les recommandations s’opèrent dans le cadre d’appels d’offres, et dans la transparence la plus totale. Chaque branche doit donc encore définir ses critères qui seront certainement  différents d’une branche à l’autre.

En outre, tant que  les décrets ne sont pas parus concernant le contenu du panier de soins et du nouveau contrat responsable, nous ne pouvons qu’échafauder des hypothèses sur les niveaux de garanties attendus, qui seront sans doute faibles pour ne pas alourdir la charge des entreprises en matière de protection sociale.

Parmi les principaux critères pris en compte pour sélectionner le ou les organismes recommandés, on peut noter: le coût du dispositif proposé, leur solidité financière, la qualité de leur gestion, les services intégrés à l’offre, l’expertise en matière d’assurance et de gestion de régime collectif,  et enfin leurs valeurs. 

Cette réforme constitue-t-elle, pour les organismes de prévoyance santé, une nécessité de revoir en profondeur leur façon de travailler ?

Je ne dirais pas cela, étant donné que les frais de gestion en contrat spécifique sont finalement assez proches de ceux observés dans le cadre d’un accord de branche. Pour autant, je m’attends à ce que l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurisation de l’emploi, et la redéfinition du contrat solidaire et responsable en matière d’assurance complémentaire santé - et plus particulièrement le plafonnement des garanties - aient un effet structurant pour l’évolution du marché de l’assurance santé dans les prochaines années.