Eric Vallée, SET Environnement : "la France est en pointe dans le combat contre l'amiante"




Le 28 Juillet 2014, par La Rédaction

Sujet de société et de santé publique, l’amiante est interdite en France depuis 1997. Depuis, les chantiers de désamiantage se multiplient pour en débarrasser des milliers de bâtiments publics et privés. Sujet médiatiquement sensible, la question de l’amiante en France mérite un traitement dépassionné, d’autant plus que la France n’a pas à rougir de ses compétences en la matière. C'est ce que nous explique le président de SET Environnement, l’un des leaders français de la spécialité.


L’amiante alimente bien des fantasmes. De quoi s’agit-il précisément ?

Eric Vallée, président de SET Environnement
L’amiante est une roche avec une particularité physico-chimique, qui est de se déliter en fibres, petites particules de l’ordre de quelques microns. Ces fibres d’amiante, qui peuvent facilement être travaillées, au point de pouvoir être tissées, ont été massivement utilisées pour l’ensemble de ses caractéristiques physiques, notamment une grande résistance à la chaleur, à la friction et à la corrosion.
 
La légende veut que Charlemagne ait possédé une nappe en amiante qu’il jetait au feu pour la nettoyer, mais surtout pour impressionner ses invités. C’est donc un matériau connu et utilisé de longue date. Les maladies qui accompagnent cet usage sont également connues depuis longtemps : « dépistées » depuis 1906 par Denis Auribault, alors inspecteur du travail, elles n’ont par contre été inscrites au tableau des maladies professionnelles que le 03 août 1945.
 
En raison de la taille des particules d’amiante, et de leurs propriétés physiques, l’organisme humain ne peut pas assimiler l’amiante. Ses fibres, du fait de leurs dimensions réduites, parviennent à passer outre la plupart des barrières naturelles du corps humain. Elles peuvent ainsi atteindre les poumons, au sein desquels elles peuvent perdurer très longtemps après une exposition, et potentiellement dégénérer en cancer.

La dangerosité de l’amiante est-elle avérée ? Comment expliquer que l’interdiction ne soit intervenue qu’en 1997 ?

En raison de la taille des particules d’amiante, et des propriétés physiques énoncées précédemment, l’organisme humain ne peut pas assimiler l’amiante. Les fibres d’amiante, du fait de leurs dimensions réduites, parviennent à passer outre la plupart des barrières naturelles du corps humain. Elles sont ainsi susceptibles d’atteindre les poumons, au sein desquels elles peuvent perdurer très longtemps après une exposition, et potentiellement dégénérer en cancer.
 
Jusqu’à une date récente, les autorités politiques et sanitaires estimaient que les maladies de l’amiante ne concernaient que les travailleurs de l’amiante, mineurs ou « transformateurs » de l’amiante, exposés pendant des décennies à des concentrations très élevées de fibres. Une des causes de cet aveuglement des pouvoirs publics est à rechercher du côté des intérêts économiques autour de l’amiante.
 
Jusque dans les années 1980, l’amiante était considérée comme le « Magic Mineral », en raison de ses propriétés multiples et de son faible coût. Les enjeux économiques et industriels ont longtemps été considérés comme plus importants que ceux de santé publique, raison pour laquelle la question de l’amiante a fait l’objet d’un lobbying intense pour retarder les échéances visant à son interdiction. Le principal acteur de ce remarquable mouvement de lobbying, remarquable pour son efficacité en France comme à l’international, a été le Comité Permanent de l’Amiante ou CPA, qui réunissait aussi bien des « scientifiques » que des industriels.

Vous avez amorcé votre activité de désamiantage en 1996, sous l’impulsion des pouvoirs publics. Comment avez-vous anticipé la problématique de l’amiante ?

Si l’interdiction totale de l’amiante a été effective en 1997, les premières interdictions sont plus anciennes : les flocages à l’amiante ont par exemple été interdits en France dès 1977. Les premières réglementations visant à donner un statut légal au métier de désamianteur sont sorties en 1996. La création de SET Environnement en tant qu’entreprise de désamiantage est donc concomitante de ces premières règlementations techniques, qui ont également donné naissance  au marché du désamiantage.
 
Mais c’est en particulier grâce au dirigeant et fondateur de SET Environnement de l’époque, Roland Sonnet, que nous nous sommes positionnés très tôt sur ce marché. Sa philosophie du métier, son management et sa préoccupation constante pour les questions de sécurité sur les chantiers ont attiré l’attention des pouvoirs publics.
 
A l’époque, la réglementation allait de façon quasi-évidente vers une interdiction totale à brève échéance : il allait donc être indispensable de pouvoir compter très vite sur des professionnels, susceptibles de prendre en charge le nouveau métier de « désamianteur » dans des conditions de sécurité maximales. SET Environnement a été l’une des réponses des pouvoirs publics à cette interrogation.

Que représente le marché du désamiantage aujourd’hui en France ?

C’est un marché très difficile à quantifier car il n’existe que peu de données, que ce soit en valeur ou en volume. Mais compte tenu de l’obligation de certification pour exercer, quel que soit le type de matériaux retirés, nous savons par contre que ce marché se partage entre 500 ou 600 entreprises certifiées. Cette certification est une indispensable forme de sélection à l’entrée, qui évite que certains acteurs peu scrupuleux ne puissent proposer leurs services.
 
Lorsque de l’amiante est détectée dans un bâtiment, nous intervenons généralement en prévention des risques, pour le compte de gestionnaires de bâtiment qui souhaitent mettre un terme à l’exposition des occupants. La réglementation nous oblige également à intervenir avant tous travaux de démolition partielle ou totale, qu’il s’agisse respectivement de rénovations ou de destruction. Or, les bâtiments construits durant les Trente Glorieuses, qui ont massivement fait appel à l’amiante, n’ont pour la plupart pas achevé leur cycle de vie. Lorsque ces bâtiments commenceront à être démolis en masse, le marché du désamiantage prendra certainement une autre dimension ; sachant que restent majoritairement les chantiers les plus techniques et les plus complexes !

La règlementation en France est-elle adaptée ?

L’interdiction totale de 1997 peut être vue comme le résultat d’un effet de balancier : alors que la France n’avait que très partiellement règlementé la question jusque 1997, nous sommes passés à une réglementation très forte et très stricte. Et la réglementation me paraît aujourd’hui à la hauteur de l’enjeu de santé publique qui en découle.
 
Depuis 20 ans, la réglementation s’est précisée et s’est adaptée, même si elle reste complexe à mettre en œuvre. Au cours de cette période, nous avons aussi eu à cœur de bien marquer la différence entre les métiers du bâtiment, relevant encore pour certains de l’artisanat, et les métiers du désamiantage, fondés sur des normes, des techniques et des matériels nettement plus pointus.

Pourquoi des pays comme la Chine ou la Russie continuent-ils à utiliser massivement l’amiante ?

Cela pose la question de l’équilibre des normes environnementales et sanitaires entre pays différents, à l’heure de la mondialisation. Les pays cités sont vraisemblablement des pays en retard sur la prise en compte des enjeux environnementaux et de santé publique. Il est clair que les considérations économiques l’emportent par endroit.

Après avoir été salarié de l’entreprise, vous en êtes aujourd’hui le président. Qu’est-ce qui vous a décidé à vous investir autant, dans tous les sens du terme, dans la dépollution ?

Je suis convaincu de l’utilité du métier que nous exerçons : nous réparons un passif environnemental, à l’échelle de la société, après qu’elle ait toléré l’usage de ce produit pendant des décennies. Nous voyons dans le désamiantage un réel progrès sociétal et un investissement pour l’avenir, sachant que le France est en pointe dans le combat contre l’amiante.
 
Sur un plan plus personnel, mon engagement est aussi le fruit d’une rencontre avec une figure d’entrepreneur, Roland Sonnet. Sa vision éthique et sociale du monde du travail m’a beaucoup inspiré. Ma présence au sein de l’entreprise a constitué un véritable parcours de vie, avec une véritable équipe, dont certains membres sont toujours mes collaborateurs, voire mes coactionnaires. L’utilité de ce projet entrepreneurial est ce qui continue de nous motiver tous, au quotidien, à exiger toujours plus de nous-mêmes.