L’IA au service de la prévention des difficultés des entreprises




Le 21 Février 2019, par Maître Guillaume Bret

La prévention des difficultés des entreprises n’échappera plus sous peu à l’ère de l’Intelligence artificielle.


Chacun comprend que l’anticipation et le traitement, le plus en amont possible, des difficultés d’une entreprise accroissent les chances pour celle-ci d’éviter l’ouverture d’une procédure collective ou de favoriser son redressement.
S’agissant du traitement des difficultés, c’est dans cet esprit que le législateur, par la loi du 25 juillet 2005, avait remanié le Livre VI du code de commerce pour y introduire les procédures de conciliation et de sauvegarde.

Avant l’intervention d’un Tribunal de commerce, c’est dans cet esprit toujours que les politiques publiques ont instauré, au travers d’organismes nationaux ou régionaux — CIRI, BPI-France, CODEFIs, CCSF, médiateurs du crédit, et désormais des Commissaires aux Restructurations et à la Prévention des difficultés des entreprises (CRP) placés auprès des Préfets de Région par une circulaire du 29 juin 2018 — des mécanismes d’aides et de soutiens aux entreprises en difficultés.

Aujourd’hui, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) entend promouvoir l’anticipation, la détection précoce des difficultés auxquelles les entreprises pourraient être confrontées, en somme, l’évaluation des risques de se trouver en redressement ou en liquidation judiciaire.
Soyons rassurants, il ne s’agira pas d’initier quiconque à l’analyse discriminante linéaire ou d’obliger à se plonger dans l’étude de Gudmundsson sur la prévision de la faillite.
C’est vers le Big Data et les techniques empruntées à l’Intelligence artificielle que la DGFiP s’est tournée.

Elle a en effet annoncé, par un communiqué de presse (n° 582) du 30 janvier 2019, avoir élaboré un algorithme prédictif visant à évaluer le risque d’entrée en procédure collective d’une entreprise.
Ce modèle prédictif, qui repose sur une base de données fiscales, économiques et financières relatives aux entreprises en difficultés, collectées auprès des différentes administrations concernées, notamment les CCSF, DIRECCTEs, URSSAF, Banque de France, devrait être déployé en début de cette année après avoir été testé depuis plus d’un an.

Le communiqué de presse indique que cet outil prédictif, validé par la CNIL et dont les résultats, soumis à une stricte confidentialité, n’auront d’autre fin que celle de soutien interministériel des entreprises, permettra à tous les acteurs publics — Préfets, CRP, CODEFIs, tribunaux — d’optimiser leurs missions et d’orienter le plus tôt possible les entreprises et leurs interlocuteurs habituels (notamment les DIRECCTEs) vers les solutions préventives adaptées, bien en amont de l’ouverture d’une procédure collective.

Dès lors que la confidentialité est assurée, notamment à l’égard des partenaires privés de l’entreprise, on peut se réjouir de la mise au point d’un tel outil, tant il est avéré que l’anticipation en la matière est primordiale pour assurer l’accompagnement de ladite entreprise, et les chances de son redressement.

Ce qui est plus troublant, c’est qu’un modèle de prédiction du risque ne devrait constituer qu’une aide à la décision, en l’occurrence, celle du dirigeant, qu’il enrichira par d’autres formes d’informations dont lui seul dispose.
Mis à la disposition de tiers à l’entreprise, fussent-ils à n’en pas douter animés d’intentions bienveillantes, un modèle prédictif ne risque-t-il pas de se transformer en modèle prescriptif ?
 
Maître Guillaume Bret
Avocat au Barreau de Paris