Le chômage américain baisse… si vous excluez les CDD




Le 6 Juillet 2020, par Jean-Luc Baslé

Jean-Luc Baslé est ancien directeur de Citigroup New York. Diplômé de Columbia University et de Princeton University. Publications : "The international monetary system : challenges and perspectives" (1982), “L’euro survivra-t-il?” (2016).


Le chômage américain baisse… La nouvelle a fait le tour de l’Amérique en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire. Hélas, l’annonce était fausse, ou plus précisément inexacte. Oui, le chômage baisse si vous ne prenez en compte que les contrats à durée indéterminée, à l’instar du Bureau of Labor Statistics. Mais, il augmente si vous incluez les « gig », ces travailleurs qui cumulent les petits boulots, comme le fait le Department of Labor. Le mot « gig » n’a pas d’équivalent en français. Aussi, le traduisons-nous par contrats à durée déterminée, bien que cela donne une idée inexacte de la chose puisque les « gig » ne bénéficient d’aucune protection sociale.

Le graphique ci-joint montre l’évolution de ces deux types d’emploi. En bleu, la courbe du chômage des emplois à durée indéterminée qui baisse de 700.000 en juin. En jaune, le chômage des « gig » qui croît de 1.700.000 le même mois, soit un solde négatif d’un million d’emplois. Le nombre de chômeurs atteint 31,5 millions le 30 juin, contre 30.5 millions à fin mai. Il n’y a donc aucune raison de se réjouir. Mais en se concentrant sur les emplois en CDI tout en négligeant les CDD, les médias ont pu annoncer une baisse de 2,2% du chômage de 13.3% à 11,1%. (*)

Donald Trump a claironné cette bonne nouvelle pour inverser la tendance dans les sondages d’opinion qui lui sont défavorables ces dernières semaines. Sa réaction intempestive, bien en ligne avec le personnage, pourrait lui coûter cher. En effet, le coronavirus fait son retour aux Etats-Unis, en particulier dans les Etats du sud, dont certains ont dû imposer à nouveau le confinement. Les entreprises vont licencier ce qui poussera le chômage à la hausse. Le président pourrait donc aborder l’élection de novembre dans une situation économique médiocre, voire mauvaise, alors que l’économie est son cheval de bataille.
 
De leur côté, les Démocrates s’affairent. Le 27 mars, en réponse à la montée du chômage due au coronavirus, le Congrès a approuvé en catastrophe le CARES Act – une loi qui, sous couvert d’aider les Américains et leurs familles, fait la part belle aux entreprises et aux investisseurs (avec l’aide de la Réserve fédérale). Conscients d’avoir été floués par les Républicains qui sont à l’origine de cette loi, les Démocrates ont décidés de réparer leur erreur par le vote d’une nouvelle loi qui prolongera la durée des aides accordées aux chômeurs par le CARES Act. Mais, en diffusant largement la nouvelle d’un chômage en baisse, les Républicains qui considèrent l’allocation chômage comme une invitation à la paresse, leur coupent l’herbe sous le pied. La bataille s’annonce rude…
 
(*) Cette analyse s’appuie sur les travaux de Wolf Richter, l’un des rares « no-nonsense Wall Street » analyste, que nous saluons et remercions.