Le gouvernement appelé en renfort sur le dossier Casino




Le 30 Aout 2019, par La Rédaction

En dépit des plans de désendettement successifs et de la mise sous sauvegarde de la holding de tête, le groupe Casino reste une cible pour les vendeurs à découvert rôdant sur les marchés financiers. Mobilisés derrière la direction pour passer ce cap difficile, les syndicats ont sollicité un rendez-vous avec le Premier ministre pour inciter le gouvernement à s’emparer du dossier et prendre enfin en considération le sort des 75 000 salariés du groupe.


Des fonds activistes sur la défensive

Carson Block, le patron de Muddy Waters, n’est pas satisfait, lui qui avait parié sur une baisse drastique et rapide du cours de l’action Casino sur les marchés. Certes, depuis 2015, date des premières attaques par le chef de file des vendeurs à découvert (VAD), les coups ont porté, et le titre a chuté, lourdement parfois. Mais pas suffisamment encore pour tous ceux qui espéraient se rémunérer grassement sur le dos du distributeur stéphanois. Pire encore, le groupe français a osé riposter et placer plusieurs des holdings de tête en procédure de sauvegarde en mai 2019, prenant ainsi de court la dernière offensive en date sur les marchés financiers.

Sans équivalent dans le droit des sociétés anglo-saxon, la procédure de sauvegarde a mis le groupe à l’abri plusieurs mois, le temps de rééchelonner la dette restante ou de renégocier son règlement avec les créanciers. Cette spécificité française, confondue outre-Atlantique avec le Chapter-11 ou la mise en faillite, devrait permettre au groupe de poursuivre son activité et de franchir l’obstacle, sans conséquence sociale d’ampleur. Cette décision avait d’ailleurs alors été saluée par les syndicats du groupe comme la meilleure chose à faire à ce moment-là, en parallèle des plans de cessions destinés à alléger la dette du groupe.

Mobilisation syndicale

Mais une fois passée la sidération, les hostilités ont repris dans les salles de cotation, contraignant le groupe à accélérer son plan de désendettement et à annoncer un nouveau plan de cessions de 2 milliards d’euros le 20 aout 2019. C’est dans ce contexte que les syndicats du groupe, FO en tête ont souhaité d’une part rencontré la direction, mais aussi les ministres de l’économie et du travail, ainsi que le premier ministre. « Nous souhaitons déjà faire entendre au gouvernement les inquiétudes des salariés que nous représentons. […] Peut-être est-il temps que le gouvernement et le parlement s’emparent du sujet des ventes à découvert et durcissent la législation pour prévenir une casse sociale sans précédent et la destruction d’un fleuron national. C’est maintenant au gouvernement de s’engager sur le dossier Casino », explique Laurence Gilardo, déléguée syndicale SNTA/FO du groupe Casino, sur Economie Matin.

Dénonçant la « finance sans visage », la déléguée syndicale du premier syndicat du groupe Casino souhaite aussi alerter les pouvoirs publics sur les conséquences économiques et sociales qu’aurait l’absorption de Casino par un concurrent, « une casse sociale sans équivalent de mémoire de syndicalistes ». Cette inquiétude n’est pas dénuée de fondements, et bien que le nom de Carrefour ne soit jamais prononcé, l’intérêt du numéro un français de la grande distribution pour Casino, n’est un secret pour personne. Or, la fusion un temps évoqué entre Carrefour et Casino s’accompagnerait inévitablement de fermetures massives de magasins dans les zones où les enseignes sont aujourd’hui en concurrence. « Tous les salariés du secteur de la grande distribution ont encore en tête l’épisode Dia : 250 magasins fermés et plusieurs milliers de salariés sur le carreau », rappelle ainsi à dessein Laurence Gilardo. Ce que demandent aujourd’hui les syndicats, c’est l’implication du gouvernement sur ce dossier, pour protéger un fleuron national, notamment propriétaire de Cdiscount, seul concurrent crédible d’Amazon en France, et les 75 000 emplois qu’il représente.

Un groupe solide

Le groupe Casino n’est pas cette entreprise moribonde telle qu’elle nous est présentée sur les marchés financiers, loin de là ; en atteste d’ailleurs la remontée actuelle de la valeur du titre. En cours de désendettement, diversifié, présent sur les créneaux porteurs, comme le e-commerce et les formats de proximité, le groupe Casino est probablement le groupe français de grande distribution le mieux préparé à affronter les mutations actuelles du secteur et la crise du modèle de l’hypermarché.

Obnubilés par l’endettement, pourtant en constante diminution depuis deux ans, les fonds d’investissement qui « shortent » des titres Casino ont au moins négligé deux choses : les fondamentaux opérationnels du groupe sont sains, comme l’attestent les résultats publiés tout au long de l’année, et à la tête du groupe se trouve un homme, Jean-Charles Naouri, qui n’a pas l’intention de se laisser faire et de voir démanteler le groupe qu’il a porté sur les fonds baptismaux.

Renfort inattendu, l’AMF a également fait part de ses doutes sur la légalité des pratiques de certains short-sellers, apportant de l’eau au moulin de ceux qui militent pour un encadrement bien plus strict des VADeurs, dans le jargon boursier. Comme le résume sur Forbes   Caroline Ruellan, présidente de SONJ Conseil, « En achetant à découvert un titre dont l’entreprise est sous haute tension financière, Muddy Waters Research non seulement ne crée pas de valeur, mais contribue à l’affaissement de l’entreprise, affaissement préjudiciable pour tous les actionnaires. Car si l’achat à découvert enrichi le fonds, il aggrave la fragilité de l’émetteur et contribue à appauvrir les actionnaires. » La pratique est bien encore légale, mais clairement de plus en plus discutable et discutée. Surtout, elle menace directement une entreprise française et les dizaines de milliers d’emplois qu’elle génère. Qu’attend donc le gouvernement pour se pencher sérieusement sur la question ?