Marc Villand, Interconstruction: « nos projets sont un dialogue entre l’art et l’architecture »




Le 15 Juin 2017, par La Rédaction

En misant résolument sur la qualité de ses programmes immobiliers et sur la conduite responsable de ses opérations, situées pour la plupart en zones urbaines denses, Interconstruction a doublé ses effectifs et multiplié son volume d’activité par plus de cinq en moins de quinze ans. Entretien avec Marc Villand, PDG du groupe et artisan de cette stratégie, qui accorde également une large place à l’esthétique, à l’art et à la différence…


Interconstruction vient de recevoir le « Prix de la conduite responsable des opérations », attribué par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Ile de France, pour son programme "Regards en Seine", à Saint-Cloud (92). Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce qui vous a valu cette récompense ?

Marc Villand, président d'Interconstruction
Marc Villand : D’abord, nous avons acheté ce terrain à L’ADAPT, L’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées. Présente à Saint-Cloud depuis plus de cinquante ans, l’association avait dû déménager en 2008 à la demande de l’Agence régionale de santé (ARS), car le terrain qu’elle occupait était en pente et n’était plus adapté à la réadaptation fonctionnelle du XXIe siècle… Mais L’ADAPT n’a pu vendre son terrain à Interconstruction qu’en 2015, après avoir sollicité plusieurs promoteurs qui ont tous échoué à obtenir un permis de construire. Seul Interconstruction a été capable d’aller au bout du projet, ce qui a permis à l’association de disposer des fonds propres pour améliorer son financement.

Deuxième côté vertueux de l’opération : nous construisons à flanc de colline… Et pour conforter la colline, il a fallu réaliser un ouvrage de génie civil assez important : une paroi tirantée de 60 mètres de long et de plus de 20 mètres de haut, elle-même fondée sur pieux. Nous avons dû nous entourer de précautions particulières et monter des comités de pilotage de ces travaux non seulement avec la ville, mais aussi avec les riverains, qui pouvaient être inquiets de l’arrivée des engins mobilisés pour ce chantier.

Par ailleurs, ce projet intégrait également la déconstruction - reconstruction, pierre à pierre, d’un pavillon offert par l’empereur Napoléon III à l’une de ses maîtresses. Ce pavillon, qui n’était pas fondé, glissait lentement vers la Seine et se fissurait. Nous avons sollicité sur ce projet les conseils d’une architecte en chef des monuments historiques. Nous avons également passé un contrat avec une entreprise spécialisée pour démonter et stocker les pierres, une par une, après avoir réalisé un relevé photogrammétrique, pour ensuite les remonter à l’identique, sous le contrôle de l’architecte des monuments historiques et des associations de défense de l’environnement. Ces dernières sont d’ailleurs associées au contrôle de cette reconstruction, à travers un troisième comité de pilotage que nous avons mis en place.

A toutes ces raisons, s’ajoute le fait que ce programme comportait également 30 % de logements sociaux, avec une certification environnementale H&E Profil A, ainsi que deux vrais murs végétaux, à l’image de ceux que nous avons réalisés pour l’écocampus Gardens du groupe Orange à Châtillon (92).

Depuis que vous êtes à la tête du groupe en 2003, Interconstruction a doublé ses effectifs et multiplié son volume d’activité par cinq ou six. Sur quoi votre modèle de croissance repose-t-il ?

M. V. : Notre modèle est celui d’une croissance organique raisonnée. Cela veut dire que nous ne voulons pas grandir au détriment de la qualité des opérations. Nous voulons nous développer en préservant notre exigence de qualité, qui repose en grande partie sur le recrutement et la formation de collaborateurs qui portent les valeurs du groupe. Nous n’envisageons pas de croissance externe. Nous avons créé ex nihilo notre filiale Ouest et notre filiale tertiaire REM, et nous envisageons de le faire pour notre filiale Nord.

Quels sont les types de programmes sur lesquels vous intervenez principalement ?

M. V. : En tant que spécialistes des zones urbaines denses et des cœurs de ville, notre principale zone d’intervention est la première couronne. Nous intervenons également en deuxième et en troisième couronne, où nous privilégions la centralité et la proximité de la gare, comme par exemple à Montigny-lès-Cormeilles (95), à Cergy (95), Bezons (95) et prochainement à Andrésy (78). 

Qu’est-ce qui caractérise les opérations complexes réalisées en zones urbaines denses ? Et quelles sont les réponses apportées par Interconstruction à ces enjeux ?

M. V. : Ces programmes intègrent une mixité de produits : commerces, activités, logements sociaux, logements en accession, logements à prix maîtrisé, bureaux... Il faut donc concilier différentes façons d’habiter et différents parcours résidentiels. La réponse du groupe Interconstruction est une réponse de haute couture. Nous faisons du « sur-mesure » pratiquement au prix du prêt-à-porter. Pour cela, nous mettons toujours nos meilleurs éléments sur les projets, tandis que les grands groupes fonctionnent selon des chaînes hiérarchiques. Nous construisons nos projets comme les Suédois construisaient leurs voitures dans les années 1970, avec le recouvrement de deux équipes au minimum, de telle sorte à combiner l’absence de rupture de charge et la compréhension du projet global.

Quelle est votre approche du renouvellement urbain et de la mixité sociale ?

M. V. : Chaque bâtiment neuf est créateur de valeur. D’abord parce qu’il existe une forte attente de logements, ensuite parce que chaque nouveau bâtiment est généralement plus esthétique que celui qu’il remplace, et enfin parce qu’il est désormais construit selon des contraintes de durabilité et d’économie d’énergie. Quant à la mixité sociale, elle doit se concevoir à l’échelle du quartier. Elle doit être globale et ne pas reposer, en termes d’équilibre économique, uniquement sur le privé, comme c’est trop souvent le cas en France. En effet, dans notre pays, c’est le logement privé qui paye de manière indirecte le logement social, parce que les promoteurs sont obligés d’en faire et qu’ils le font souvent à perte. 

Quelles sont les principales tendances qui, selon vous, dessinent le logement du XXIe siècle ?

M. V. : Il sera évidemment connecté, mais aussi flexible, avec des possibilités d’extension. Les immeubles intégreront des espaces communs dotés de plus de services, par exemple des locaux à vélos avec des stations d’outillage ou des laveries, mais aussi des espaces extérieurs privés et communs, notamment des potagers… Il s’agira d’un logement à la fois plus numérique et plus authentique. Dans la construction des jardins, par exemple, nous portons de plus en plus d’attention à la biodiversité, aux fruits anciens, aux espaces vernaculaires... 

Vous dites accorder un soin tout particulier, chez Interconstruction, au confort de vie et d’usage des logements. Comment cette « philosophie du métier » se traduit-elle en matière de conception et de réalisation ?

M. V. : Cela se traduit d’abord par des logements plus grands. En termes d’exécution, nos responsables de programmes sont de véritables techniciens ; ce ne sont pas des gestionnaires administratifs et financiers. Nous nous efforçons également de particulariser les logements au maximum. Par exemple, à Rocquencourt (78), nous avons un programme de 72 logements et ces logements sont tous différents les uns des autres.

Interconstruction revendique par ailleurs un penchant particulier pour l’art et l’esthétisme. Comment cet engagement se matérialise-t-il dans la réalisation des projets ?

M. V. : Nous intégrons systématiquement une ou plusieurs œuvres à chaque immeuble, conçue(s) comme un dialogue entre l’art et l’architecture, l’œuvre répondant aux concepts architecturaux. Pour le choix des artistes, nous laissons la place au hasard, aux choix personnels et aux coups de cœur. Et nous ne passons pas par des agents, car nous pensons que certains artistes peu connus ont un talent a qui il faut donner sa chance. 

Comment ces divers engagements influencent-ils la façon dont vous recrutez et formez vos collaborateurs ?

M. V. : Un bon collaborateur, dans l’immobilier, est un collaborateur dynamique, travailleur, et qui se distingue particulièrement par son éthique. Ce dernier critère est important notre métier se situe au confluent de la politique, de la finance, du droit, de l’architecture… Et dans ce contexte, faire surgir des bâtiments du néant peut conduire certains professionnels à manquer d’humilité. Nous recrutons donc des collaborateurs qui savent garder les pieds sur terre tout en restant à leur place. Et puisque nous avons un modèle de croissance organique, nous formons nos collaborateurs, parfois en alternance, nous les intégrons et leur insufflons l’esprit maison.
Enfin, chez Interconstruction, nous encourageons la différence. Au marketing, l’une de nos collaboratrices écrit des poèmes ; notre directeur général est musicien… et moi-même j’ai écrit des romans !