Philippe Giry-Deloison, Neuilly Nouveaux Medias : "Notre pépinière de start-ups en mode distribué est un système unique en France"




Le 17 Juillet 2014, par

Lancée il y a quatre ans, Neuilly Nouveaux Médias est une initiative pour l'instant locale visant à aider des start-ups à se lancer, en leur faisant bénéficier de l'appui matériel et relationnel de grandes entreprises partenaires. Compte tenu de son succès, il est très probable que cette idée originale et efficiente fasse des émules en dehors de Neuilly. Explications par Philippe Giry-Deloison, Conseiller municipal délégué au Développement économique et aux Entreprises de Neuilly-sur-Seine.


Pouvez-vous nous expliquer dans ses grandes lignes le principe de l’initiative Neuilly Nouveaux Medias ?

Philippe Giry-Deloison : Neuilly Nouveaux Médias est une association loi 1901, créée en septembre 2010. L’idée est d’aider les start-ups œuvrant dans le domaine des nouveaux médias, et d’Internet en particulier, à trouver des locaux à Neuilly. L’originalité de cette idée tient dans la réponse trouvée, qui n’a pas pris la forme des traditionnelles pépinières ou incubateurs, telles que nous en disposons déjà à travers NeuillyLab. Nous avons proposé à ces start-up d’être intégrées physiquement au sein de grandes sociétés.
 
Nous sommes persuadés que le fait d’être en contact avec les cadres de grandes sociétés leur donne non seulement un avantage en termes matériels (comme le fait de disposer d’un bureau), mais cela leur permet aussi de développer des interactions avec la population d’encadrement de l’entreprise hôte. Ces contacts leur permettent bien souvent de s’approprier des domaines avec lesquels ces start-ups sont peu familiarisées : finance, droit…

Quant à l’entreprise-hôte, qu’a-t-elle à y gagner ?

L’autre originalité de cette initiative est qu’il n’y a pas nécessairement de liens d’activité entre l’hôte et la start-up qu’il héberge. Il s’agit vraiment d’une démarche civique de la part des grandes entreprises partenaires, sans lien avec une stratégie de positionnement vis-à-vis de la start-up. Il s’agit avant tout d’aider les jeunes entreprises innovantes d’Ile-de-France, en les allégeant d’une part de certaines contingences matérielles, et en leur donnant la possibilité de se constituer très en amont de leur activité un réseau de contacts de haut niveau.

L’association Neuilly Nouveaux Médias est née sous l’impulsion de Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly et député des Hauts de Seine. Au-delà du « coup de pouce », doit-on y voir une opération de développement territorial destinée à prendre de l’ampleur ?

Tout l’intérêt de cette initiative est de faire communiquer et se rencontrer des acteurs du territoire qui n’ont pas l’habitude d’évoluer ensemble : la commune, des grandes entreprises et des start-ups. Nous constatons que cette opportunité est véritablement source de richesse, au sens noble du terme. Les retours que nous en avons sont excellents, aussi bien de la part des start-ups que de grandes entreprises.
 
Nous constatons que cette initiative prend de l’ampleur d’elle-même compte tenu de son succès : les dossiers de demandes qui nous parviennent dépassent largement le seul cadre de Neuilly, puisqu’il en arrive de toute l’Ile-de-France désormais. Mais à côté de ce succès d’estime déjà très important, nous avons une double ambition. Nous souhaitons tout d’abord étendre Neuilly Nouveaux Médias à d’autres sociétés installées à la Défense ou à Paris. Nous avons déjà avancé en ce sens puisque GDF nous a rejoints. Mais nous attendons d’autres réponses de cet extraordinaire vivier d’entreprises qu’est la Défense, car nous manquons toujours d’entreprises susceptibles d’héberger nos candidats.
 
D’autre part, nous souhaitons faire partager les bénéfices de cette expérience, pour qu’elle puisse être attendue à toutes les communes qui le souhaiteront. C’est pour cette raison que nous nous sommes attelés à la rédaction d’un « Livre Blanc ». Prévu pour servir de guide à tous ceux et celles qui souhaiteront reproduire l’expérience, il référencera les meilleures pratiques que nous avons pu noter à notre niveau, pour que d’autres villes puissent adopter ce système dans les meilleures conditions possibles.

Qu’est-ce qu’une pépinière en « mode distribué », pour reprendre les termes employés par Jean-Christophe Fromantin ?

Dans le cas d’une pépinière en mode distribué, les entreprises ne sont pas rassemblées et « cloisonnées » au même endroit. Au contraire, elles sont réparties de manière autonome au sein de grandes entreprises, qui vont les héberger, leur fournir un soutien matériel et leur permettre de s’acculturer avec une autre facette du monde entrepreneurial. C’est là toute l’originalité de notre système, unique en France, d’une part, mais a priori unique également en Europe.

Comment cela fonctionne-t-il concrètement, et qui en sont les bénéficiaires ? Avez-vous des critères de préférence sectorielle ?

Nous accueillons des dossiers de candidatures de start-ups à différents niveaux de maturité : certaines ont déjà plusieurs années d’existence, d’autres sont de toutes jeunes créations. Mais elles appartiennent toutes au vaste secteur des « nouveaux médias ». Elles sont toutes liées de près ou de loin à l’usage d’Internet et de ses services : paiement en ligne, communication entre places de marchés… Les champs d’expertise sont très variés.
 
Pour postuler au sein de notre projet, chaque start-ups d’Ile-de-France intéressée constitue un dossier. Deux fois par an, ces dossiers font l’objet d’une présélection par les cabinets de conseil PWC et Deloitte, et sont ensuite proposés à un comité qui regroupe l’ensemble des sociétés partenaires. Ce comité désigne les lauréats qui seront alloués aux différents partenaires.
 
Les grandes sociétés partenaires appartiennent, elles, à tous les secteurs d’activité, du luxe au BTP, en passant par l’énergie ou les médias. Elles doivent simplement être volontaires et, pour l’instant, avoir leur siège social à Neuilly, même si nous commençons à « ratisser » plus large que notre seul agglomération.

Avez-vous mis en place une stratégie de « fidélisation territoriale » pour retenir ces jeunes entreprises, au terme de ces 23 mois d’hébergement en pépinière ?

Nous souhaitons naturellement voir les entreprises que nous aidons rester sur Neuilly et participer au développement économique de la ville et de son environnement. Mais nous ne pouvons en aucun cas en faire un critère ou une condition de sélection des dossiers. Sachant que nous accueillons des start-ups d’horizons extrêmement divers, elles peuvent avoir des velléités très différentes sur la suite à donner à leur activité. Elles peuvent tout à fait faire le choix de se développer à l’étranger, et cela a d’ailleurs été le cas pour l’une de nos start-ups qui s’est envolée vers les Etats-Unis.
 
En revanche, dans la mesure de ce que nous pouvons faire, nous continuons d’aider les entreprises qui souhaitent rester sur Neuilly, une fois terminés les 23 mois de présence au sein d’une société parraine. Compte tenu d’un taux de vacances des immeubles très faible, il n’est pas toujours simple de trouver des solutions de logement à Neuilly,. Mais nous aidons autant que faire se peut les entreprises qui souhaitent s’installer.
 
Sachant que ces entreprises ont passé 23 mois dans l’environnement économique de Neuilly, elles parviennent dans bien des cas à trouver seules des solutions d’hébergement de leur société, via le réseau de relations nouvellement créé.

A-t-il été difficile de réunir des partenaires privés autour du projet, et comptez-vous fédérer d’autres grandes entreprises autour de cette initiative ?

Pour l’instant, nous n’avons pas contacté l’ensemble des partenaires économiques présents au sein de notre aire d’influence, mais ceux avec qui cela a été fait ont accueilli très positivement la démarche. En revanche, nous ne sommes vraisemblablement pas très loin d’avoir épuisé le réservoir de parrains potentiels. Mais il y a la Défense à proximité et nous avons commencé à étendre notre initiative jusque-là. Il pourrait y avoir un très fort intérêt pour tous les acteurs de ce projet à le voir s’étendre à d’autres villes et à d’autres sociétés, y compris de taille intermédiaire.
 
Nous avons une démarche proactive permanente pour accueillir de nouvelles sociétés parraines. Cela nous prend du temps, parce qu’il faut à chaque fois réexpliquer la teneur du projet et ce que cela implique pour les parrains. Mais comme nous nous adressons à de grandes sociétés, il y a rarement de problèmes lorsqu’il est simplement question de mettre à disposition un local et quelques facilités au sein d’ensembles de bureaux souvent très vastes. L’avantage de notre projet, c’est qu’il est relativement simple à mettre en œuvre, pour un investissement faible de la part des entreprises concernées.
 
Fait satisfaisant pour nous : la notoriété grandissante de notre initiative aidant, nous commençons à recevoir directement des candidatures d’entreprises désireuses de se joindre au projet. L’écho médiatique, en particulier de la part des start-ups bénéficiaires, joue beaucoup en notre faveur.

La ville de Neuilly a-t-elle instauré d’autres mécanismes de soutien aux jeunes entreprises ?

En plus de l’association Neuilly Nouveaux Médias et de l’incubateur NeuillyLab, nous avons entamé des réflexions sur plusieurs axes. A destination de grandes entreprises désireuses de nous rejoindre sur la commune, nous avons mis en place des outils pour aider celles qui souhaiteraient par exemple disposer d’infrastructures particulières. Nous avons parfois la possibilité de simplifier et fluidifier en amont certaines démarches d’installation, tout en fournissant des services spécifiques. 
 
Nous réfléchissons également à la façon dont nous pourrions aider les PME de Neuilly, en facilitant par exemple des démarches de mutualisation pour certains services. On peut imaginer par exemple qu’une entreprise de 50 personnes n’a pas les moyens d’assurer seule un service de restauration. En revanche en réunissant, à notre niveau, plusieurs entreprises de taille équivalente autour de ce projet, nous pouvons lui donner corps et aider à la mutualisation des coûts. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais notre intervention peut permettre ce genre d’opportunités pour les PME de Neuilly.




Philippe Giry-Deloison
Philippe Giry-Deloison est le Président-fondateur de GDIS et Senior Advisor de la banque Edmond de Rothschild. M. Giry-Deloison est un ancien partner de McKinsey et Accenture. Il est par ailleurs Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine et expert économique auprès de la Fondation Concorde. Il est membre du groupe de travail PLF Entrepreneurs à l’Assemblée nationale et est co-auteur de plusieurs amendements sur la fiscalité des entreprises.

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Journaliste et blogueur, je me suis fait avec le temps une spécialité des questions techniques et… En savoir plus sur cet auteur