Une taxe carbone aux frontières européennes ?




Le 8 Juin 2023, par La rédaction

La taxe carbone aux frontières, récemment adoptée par l'Union européenne, vise à protéger les efforts de transition verte des économies européennes. Cependant, selon deux études récentes, elle pourrait rendre ces économies moins compétitives.


Effets collatéraux de la taxe carbone

Selon le Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) adopté par le parlement européen, les importateurs devront acheter des quotas d'émission, tout comme les fabricants européens, afin de garantir une concurrence équitable. Cette mesure est nécessaire face à la disparition programmée des quotas gratuits en Europe. Par exemple, un importateur d'acier chinois ou de ciment turc devra déclarer les émissions liées à la production et, si elles dépassent le standard européen, acheter un certificat d'émission au prix du CO2 européen.

Cependant, le rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat remis en mai à Élisabeth Borne par l'économiste Jean Pisani-Ferry soulève des inquiétudes. Le rapport qualifie le MACF de « dispositif imparfait », qui limite les fuites de carbone sans résoudre fondamentalement le problème de compétitivité. Par ailleurs, il met en avant la menace que le plan américain IRA, qui subventionne les produits éco-responsables fabriqués aux États-Unis, représente pour l'industrie européenne.

Un défi pour la réindustrialisation

Le rapport Pisani-Ferry avance que le MACF exacerbe les problèmes de distorsion de concurrence pour les exportateurs. Les produits fabriqués en Europe seront plus chers et donc moins compétitifs. De plus, ce système pourrait être mal compris du grand public ou des décideurs, qui pourraient penser que ce sont les pays importateurs qui paieront la taxe, alors que ce seront les utilisateurs finaux. D'après une autre étude de l'institut Rexecode cette fois, la suppression des quotas d'émission gratuits aurait un impact plus vaste, entraînant une dégradation des comptes des entreprises de l'ordre de 45 milliards d'euros par an au niveau européen et de 4 milliards en France. 

Raphaël Trotignon, coauteur de l'étude, note un paradoxe entre l'idée initiale de protection de la compétitivité européenne et le risque potentiel d'aggravation de la désindustrialisation. Malgré ces défis, Aude Pommeret, économiste, considère que le MACF « va dans le bon sens » et que « toute initiative européenne pour se coordonner et aller dans la bonne direction est à saluer ». Le mécanisme, qui sera expérimenté dès l'automne 2023, sera d'abord appliqué aux secteurs de l'énergie et aux industries énergivores, avant d'être élargi à d'autres secteurs.


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