Journal de l'économie

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Le barème Macron





Le 13 Février 2019, par Maître Guillaume Bret

Le barème d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, instauré par l’ordonnance du 22 septembre 2017 afin de donner aux entreprises une visibilité sur le coût maximal que pourrait engendrer une contestation du salarié licencié devant la juridiction prud’homale et favoriser l’emploi, a-t-il à craindre de l’application en droit français des dispositions internationales du travail ?


L’on rappellera que le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’État ont validé ce barème tant au regard du droit français qu’à celui des conventions internationales ratifiées par la France.

Or, plusieurs décisions ont été rendues depuis l’été aux termes desquelles les conseils de prud’hommes ont purement et simplement écarté l’application du barème au motif qu’il violait la Convention n°158 de l’OIT en son article 10, et la Charte Sociale Européenne en son article 24, directement applicables devant eux.

Ces deux conventions prévoient que les juridictions des pays signataires doivent, lorsqu’elles jugent un licenciement injustifié, pouvoir accorder au salarié une indemnisation « adéquate » ou une autre « réparation appropriée ».

Ces juridictions ont estimé, dans les cas qui leur étaient soumis, que le barème introduisait un plafonnement limitatif des indemnités qui ne leur permettait pas d’apprécier les situations individuelles dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice subi.
Elles pointent également de façon sévère l’écueil induit par un tel barème qui sécuriserait davantage l’employeur fautif que le salarié victime des agissements de celui-ci.

En dépit d’une marge de manœuvre fixée par un plancher et un plafond, l’application d’un barème qui ne prend pour seuls critères que l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise pourrait ainsi manquer de souplesse aux yeux des juges pour appréhender des situations particulières, notamment les cas dans lesquels l’employeur a fait preuve de manquements graves à l’encontre du salarié dont le préjudice se trouve insuffisamment réparé par l’indemnisation plafonnée qu’il permet. En effet, les seules exceptions légales prévues à l’application de ce barème sont les cas de nullité du licenciement, de harcèlement, discrimination, et violations des libertés fondamentales.

La question divise. Elle divise les deux collèges - salariés et employeurs - de conseillers prud’homaux et les organisations syndicales dont ils sont issus. Elle stimule les avocats qui, de chaque côté de la barre, fourbissent leurs armes en vue d’un long combat judiciaire, qui s’ensuivra devant les juridictions d’appel, avant que la Cour de cassation ne soit saisie et ne rende une décision de principe.
Cela n’interviendra pas avant 3 ou 4 années. D’ici là, le Comité Européen des Droits sociaux, en charge d’apprécier la conformité des réglementations nationales aux exigences de la Charte sociale européenne, saisie notamment par la CGT et FO, aura sans doute rendu une décision sur cette question. Il a déjà, par une décision de 2016, décidé que le barème qui avait été institué par la loi finlandaise était contraire aux dispositions de la Charte. Mais les décisions du CEDS n’ont pas de portée contraignante à l’égard des juridictions nationales.

En attendant s’ouvre une période d’incertitude, et l’une des mesures phares des ordonnances Macron manque à son objectif.


Maître Guillaume Bret
Avocat au Barreau de Paris


 


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