Journal de l'économie

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Les régularisables





Le 18 Novembre 2023, par Rym BOUKHARI

Sans papiers, clandestin, en situation irrégulière…, depuis l’apparition au XIXe siècle des premières mesures définissant les conditions du « droit au séjour », les termes désignant les personnes en situation irrégulière en France sont de plus en plus nombreux.


La France est donc passée de la terre de passage à la terre d’asile. Constituée de mouvements d’être humain venant du monde entier, dont la quantification est impossible compte-tenue de la méthode retenue par le gouvernent [i] ; ce dernier peine aujourd’hui à maitriser ce phénomène certes très ancien, mais qui a pris une forme comme une extension différente et une dimension politique certaine.
 
Parce que l’expulsion, si d’aventure elle était envisagée, de tout le monde est un exercice compliqué, voire impossible, la solution de l’admission exceptionnelle au séjour s’est finalement imposée pour solutionner certaines situations, remplissant certaines conditions.
 
Est-ce pour autant une complaisance française incitant les immigrés à tenter de réaliser « le rêve d'Europe » ? Non, ce ne sont pas les lois qui « incitent » les immigrés à faire la traversée de la méditerranée, mais des facteurs géopolitiques connus et extérieurs au pays d’accueil.
 
Cependant, mis à part le contrôle éventuel d’un juge, la régularisation « exceptionnelle » est, par la généralité des lois qui l’autorisent, une faculté qui jusqu’à présent était laissée au pouvoir discrétionnaire de l’administration et donc peu encadrée.
 
Le besoin de légiférer sur la question s’est donc naturellement imposé à la vie politique de notre pays mettant sur la table une discussion très animée visant à trouver un équilibre entre : quotas, admission et expulsion.
 
Les points discutés en ce moment sont donc, pour l’essentiel, le durcissement : du quota migratoire, la régularisation par le travail, le regroupement familial, le refus de délivrance et/ou de retrait de titre de séjour et enfin le rétablissement du "délit de séjour irrégulier".
 
« C'est après-demain la grande immigration . L'écliptique deviendra une petite spirale violette. La terre aura deux chignons de verdure et une ceinture de chasteté en glace » (La Liberté ou l'Amour (1927) de Robert Desnos)
 
Selon Elisabeth Borne, ce projet de loi permettra d’« être plus efficace, d'éloigner plus vite ceux qui n'ont pas à être sur notre sol et en même temps de mieux intégrer ceux qui ont vocation à y rester ».
 
Le ton est donné, le projet de loi traitera de deux axes : l’intégration de ceux qui peuvent être assimilés et l’expulsion des autres. Mais c’est difficile de parler d’intégration quand l’on doit expulser !
 
Am Stram Gram, l’administration va donc choisir ceux qui « ont vocation à rester » et ceux « qui doivent être éloignés » ;
 
Kafkaïen, diallèle, ou impasse ? Si le but du projet de loi était d’encadrer la situation des sans-papiers, c’est encore vers le pouvoir discrétionnaire du préfet qu’elle se dirige de nouveau.
 
En effet, si l’on considère que les questions relatives à l’instruction des questions liées à la nationalité, l’entrepreneuriat des étrangers ou l’ordre public sont de la compétence de l’administration, les nouvelles mesures envisagées telles que le rétablissant de l’interdiction d'accès au statut d'entrepreneur individuel, la déchéance de nationalité ou encore la restriction des conditions d’accès à la nationalité française, le seront aussi ;
 
Par ailleurs, si l’on se réfère aux discussions en cours au Sénat, la régularisation par le travail sera soumise à la justification d’une ancienneté de séjour en France d’au moins trois ans et de la détention de 8 fiches de paie.
 
En parallèle, le Sénat a pour mission de débattre sur la question du rétablissement du "délit de séjour irrégulier" !
 
N’est-ce pas en contradiction avec l’ancienneté de séjour ?  Ou, est-ce que pour mériter la « régularisation », l’étranger devra prouver qu’il est capable de trouver un emploi déclaré et de se maintenir durant 3 ans en toute clandestinité, l’administration appréciera !!
 
Nous sommes donc encore très loin de la maturation politique qui permettrait à la fois de régulariser « ceux qui ont vocation à rester » tout en réduisant sa reconstitution, et être plus efficace dans l’expulsion de ceux « qui doivent être éloignés » dans le respect des libertés fondamentales.
 
Ce qui est certain c’est que le « pouvoir discrétionnaire d’une administration » ne peut être équitable sans encadrement légal.
 
« Ce qui n'est pas clair n'est pas français ;ce qui n'est pas clair est encore anglais,italien, grec ou latin »(Antoine de Rivarol)
 
Le principe de clarté des lois reconnu par le Conseil constitutionnel recommande donc de limiter le pouvoir discrétionnaire de l’administration de sorte qu’elle aura pour seule mission de procéder à une régularisation sur la base d'un examen individuel dans un cadre défini par la loi.
 
L’idée, serait donc que les débats se concentrent sur un « cadre précis et déterminé » permettant la communication et la compréhension des textes législatifs, un texte qui ne laisserait pas place à une « interprétation » afin de permettre aux étrangers désireux s’établir en France et d’adopter ses valeurs, d’être régularisés.
Cela signifie qu’il ne peut être question de rétablir « le délit du séjour irrégulier », mais par contre, on peut imaginer que la régularisation ne soit pas soumise à la seule ancienneté de séjour, et que l’étranger devra justifier soit d’un travail, du suivi d’un cursus universitaire, ou d’un engagement militaire pour la France.
 
Par ce que « Déclarer son amour dans une langue qu'on maîtrise mal c'est comme jouer de la guitare avec des moufles » (Grégoire Lacroix), l’étranger désireux s’établir en France devra justifier d’une connaissance suffisante du français.
 
Pour que cette réforme soit porteuse de solutions.
 
Rym BOUKHARI
 
[i] Le gouvernement publie des chiffres sur la base des demandes de l’aide médicale d’état, couverture médicale dédiée aux étrangers en situation irrégulière.



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