Comprendre pour décristalliser le débat public





Pour comprendre la société il nous faut un nouveau point de vue. A travers plus de quarante concepts clés, auteurs et argumentations, Olivier Meier cherche à « redonner [du] sens et de la force à l’action publique, à la légitimité du débat et à la pertinence des discours même contradictoires ». Professeur de stratégie et management à Sciences Po Paris et aux Universités Paris Est et Dauphine, il vient de publier « Comprendre la société par les sciences sociales » chez VA Éditions.


Le débat politique se cristallise actuellement sur les questions de pouvoir d'achat, de sécurité et ce qui peut encore faire sens pour créer une communauté de destin, au-delà de nos différences. Dans ce domaine, deux questions semblent aujourd'hui s'imposer : celle du déclassement et ce qu'elle engendre en termes de marginalisation, de pauvreté et d’exclusion ; et celle concernant l'insécurité sociale et culturelle autour des questions d'identification et d'appartenance à une même nation. Ces différents aspects font ici référence à plusieurs dimensions : la faiblesse relative des revenus, les privations en termes de consommation (produits de première nécessité, logement, éducation), la nécessité de recourir aux aides sociales, mais aussi le sentiment de vulnérabilité (délitement du lien social). Cette réalité qui s'impose aujourd'hui à nous inviter à relire les travaux de Robert Castel sur la notion de désaffiliation sociale. En effet, ce dernier met en avant dans nos sociétés un risque de fragilisation progressive de deux types de liens : les uns liés au travail rémunéré (activité économique), les autres à l'insertion relationnelle dans différents cercles de sociabilité (sphère familiale, relations amicales, relations socio-professionnelles), dans un contexte persistant de précarisation du travail et d'affaiblissement des protections qui y sont associées. Ce qui se joue aujourd'hui, c'est donc bien l'avènement d'une société fragilisée et en mal de repères, avec une rupture des liens sociaux et une individualisation à marche forcée des comportements.

Nous regrettons par certains côtés que l'ensemble de ces dimensions ne soient suffisamment évoquées par les acteurs politiques, économiques et sociaux, tant elles fragilisent le lien social, l'identité individuelle et collective des citoyens, ouvrant la voie aux règnes des minorités actives, de la violence physique et sociale et à l'absence de réactions communes, admises et acceptées par tous. Ceci a comme conséquence de transformer le débat public, où devraient s'opérer des modes de régulation et de gestion d'intérêts divers et parfois contradictoires au service in fine de tous, en un champ de rivalités destructrices de sens (remise en cause de toute forme d'autorité).

Cette question interroge par son actualité et sa brutalité et demande de retrouver un minimum de repères sémantiques et d'analyses pour comprendre le réel, l'accepter, l'analyser, afin de mieux le changer en accord avec ses valeurs et ses aspirations. Encore faut-il le pouvoir et en avoir les moyens.

Dans "comprendre la société par les sciences sociales", nous chercherons à redonner sens et de la force à l'action publique, à la légitimité du débat et à la pertinence des discours même contradictoires. Nous avons en effet des logiques d'actions et des fondements solides sur lesquels on peut penser et agir en contexte d'incertitude, encore faut-il les connaitre ou les redécouvrir. Tel est le souhait et l'objet de cet ouvrage.

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Note sur l'auteur (CV OM)


 


Olivier Meier est Professeur des Universités, HDR (Classe exceptionnelle), directeur de… En savoir plus sur cet auteur