La responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise : entretien avec Alain Bollé, avocat pénaliste




Le 27 Janvier 2016, par La Rédaction

Le risque pénal doit être une véritable préoccupation du dirigeant d’entreprise. Confronté à une réglementation toujours plus complexe, sa responsabilité, dans tous les domaines, peut facilement être engagée.


A quel moment un dirigeant, au titre de sa société, peut-il engager sa responsabilité pénale ?

Alain Bollé, avocat pénaliste
Il peut engager sa responsabilité pénale dans le cadre de toutes les activités de son entreprise, même s’il n’a pas personnellement participé à l’infraction. Il est constant que toutes les activités humaines sont génératrices d’infraction pénale qu’elle soit commise intentionnellement ou non.

Le dirigeant peut commettre personnellement des faits qualifiés d’infraction sans en mesurer la portée, par exemple lorsqu’il utilise les biens de son entreprise à des fins personnels ou encore lorsqu’il verse une commission à un client pour obtenir un marché. Sa responsabilité pénale peut, par ailleurs, être recherchée à travers la diffusion de ses directives.

Mais, il peut également être responsable pénalement, sans être ni l’auteur ni le complice d’une infraction. C’est notamment le cas lorsque son préposé, dans le cadre de son travail, commet une imprudence ou une négligence. Le dirigeant est présumé avoir commis une faute relative à son devoir de contrôle. Il appartient au chef d’entreprise de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des prescriptions réglementaires. 

Qui peut mettre en cause la responsabilité pénale du dirigeant ?

L’action pénale est toujours engagée par le procureur de la République. Mais, le salarié, victime d’un accident de travail, peut se constituer partie civile, c’est-à-dire qu’il peut demander un dédommagement à l’entreprise (dommages et intérêts parfois très importants) pour le préjudice qu’il a subi. Le dirigeant devra alors prouver que le fait générateur ne lui est pas imputable personnellement, ni à son entreprise.

En outre, d’autres  personnes peuvent dénoncer certains faits au procureur de la République. Il peut s’agit d’un fournisseur, d’un client, d’un collaborateur ou même d’un associé. Le dirigeant doit être en capacité d’apporter la preuve que les allégations sont fausses. Cette dénonciation va l’entraîner dans un processus judiciaire, compliqué, éprouvant sans aucune certitude de faire entendre sa cause.

Pour quelles raisons le dirigeant peut-il engager sa responsabilité pénale ?

Pour des faits propres à l’activité de son entreprise, accident du travail, risques spécifiques (préjudice d’amiante…). En sa qualité de dirigeant, il est responsable de la sécurité de ses collaborateurs.

La règlementation générale, notamment en droit du travail, recèle de nombreuses obligations dont les manquements peuvent entrainer la responsabilité du dirigeant. D’autres infractions, commises par des cadres, sont susceptibles d’entraîner sa mise en cause pour complicité, notamment en matière de harcèlement moral ou sexuel, de discrimination…

Sa responsabilité peut encore être engagée, lorsque la société est utilisée par les organisations criminelles. L’argent généré par la criminalité doit, nécessairement, intégrer le tissu économique et l’entreprise est une cible privilégiée. Les exemples sont nombreux d’entreprises qui ont été pénétrées par des capitaux illicites, notamment par des prises de participation mais pas seulement. La fourniture de prestations de conseil (informatique…) ou de matériels, l’acquisition de biens auprès de l’entreprise constituent d’excellents moyens de justifier l’argent de la criminalité. 

Est-ce que le dirigeant peut s’exonérer de sa responsabilité pénale ?

Le dirigeant peut s’exonérer de sa responsabilité par la mise en place d’une organisation de vigilance, il doit prouver sa bonne foi. Certaines décisions judiciaires ont considéré que l’entreprise, pourtant victime, avait fait preuve de négligence. La mise en œuvre de formation spécifique pour sensibiliser aux risques pénaux doit  permettre aux collaborateurs de réagir.

Par ailleurs, il peut être initié la procédure dite « des lanceurs d’alerte ». Elle offre la possibilité de savoir ce qu’il se passe dans l’entreprise, l’information remonte jusqu’en haut. Le dirigeant est souvent le dernier informé des dérives susceptibles d’entrainer sa responsabilité pénale.
 
Un moyen complémentaire, pour le dirigeant de s’exonérer est la mise en place d’une délégation de pouvoirs. La responsabilité est déléguée à des collaborateurs, celui qui reçoit cette délégation dispose de compétences lui permettant d’agir et de prendre les bonnes décisions. Il est impossible matériellement, sauf dans les petites structures, pour le dirigeant de suivre toutes les activités et d’apporter une réponse adéquate.