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Madagascar : de nombreuses avancées contre la lutte contre la corruption





Le 21 Décembre 2022, par La Rédaction

Alors que Madagascar était l’un des pays les plus touchés par la corruption d’après les différents classements internationaux de références, le Président Andry Rajoelina tente depuis son élection en 2019 de mettre fin à un mal ayant contaminé l’ensemble des strates de l’écosystème malgache depuis de nombreuses années. En 2022, et pour la deuxième année consécutive la note et le classement du pays s’améliorent, résultats des engagements et de la politique de lutte contre la corruption du nouveau Président.


En 2019, lors de l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina, la corruption atteint des records. Cette année-là, Madagascar se voit reléguer à la 158ème place du classement Transparency International (1) de la perception de la corruption dans le monde, sur les 180 pays évalués. Selon Transparency International, le pays « est en proie à une corruption systémique, avec un Etat de droit faible et des frontières peu étanches, alors que ses ressources naturelles sont abondantes. Cette situation a favorisé l’essor de différents réseaux de crime organisé s’adonnant à divers trafics ».

Malgré ces résultats, la même année (2019), Freedom House place Madagascar dans la catégorie des pays « partiellement libres » avec une note de 56/100 (en 2022, la note est de 61/100 illustrant l’amélioration portée par la présidence d’Andry Rajoelina).

Cette place au classement Transparency, la pire que le pays n’ait jamais occupé, met en lumière la détérioration de la situation face aux renoncements de la classe politique malgache de l’époque.

Alors que celle-ci ne s’alarme pas de cette situation, et ne semble pas s’engager pleinement dans le chemin de la conformité, de l’éthique des affaires et du respect des conventions internationales, le nouveau Président Andry Rajoelina décide quant à lui de faire de la lutte contre la corruption l’un des piliers de sa présidence (2019-2024) face à une corruption politique à la fois trop fréquente et trop peu sanctionnée. Cette corruption concernant principalement une partie du secteur privé qui entretenait des liens très étroits avec les détenteurs du pouvoir politique brouillant ainsi la frontière entre dépenses privées et publiques, et réduisant de fait la responsabilité du politique face au pouvoir croissant des intérêts privés.

Ainsi, dès son discours d’investiture, le 19 janvier 2019, Andry Rajoelina s’adresse aux Malgaches et prend des engagements politiques forts. Il déclare alors « soyez assurés que je mettrais en place des corps de contrôle indépendants pour combattre la corruption et veiller à l’orthodoxie financière dans tous les services de l’administration et les sociétés d’État » (1).

Un mois à peine après son investiture, un communiqué de la Présidence est publié faisant état de la vision de la lutte contre la corruption du président pour ce nouveau mandat.

Le Président ne mâche pas ses mots, et dénonce une corruption qui « accentue les inégalités et injustices sociales, et entrave de manière significative la croissance et le développement économique » de Madagascar, ajoutant même qu’« elle est la source de la méfiance du citoyen à l’égard des gouvernants et des Institutions de l’État » et qu’il est important d’instaurer une politique de « zéro tolérance » et d’exemplarité de la sanction en la matière. Comme dans tout État de Droit, cette politique s’applique à tous sans exception » (3).

De nombreuses annonces sont alors faites concernant la nouvelle feuille de route de la lutte contre la corruption. Dans son communiqué, le Président annonce notamment ; la nomination d’un nouveau responsable pour diriger le Comité de Sauvegarde de l’intégrité (CSI) ; le renforcement de la transparence des concours administratifs en accélérant la publication des résultats, en renforçant la sécurisation des notes des candidats et la mise en place d’un mécanisme efficace pour dénoncer les cas de corruption dans ce domaine ; le renforcement des contrôles à priori, mais surtout à postériori pour lutter contre les marchés fictifs et la priorisation de la lutte contre la corruption en ciblant en premier lieu les collectivités territoriales décentralisées, les services fonciers, la justice, la gendarmerie nationale, l’éducation et l’environnement.

Le Président souhaite également ; l’affichage et l’application d’une charte de service public dans tous les bureaux de l’administration publique ; la fixation des contributions des usagers aux éventuels frais d’un service public devant être égale pour tous et surtout limitée aux prestations réelles et aux coûts des documents administratifs (la fixation de ces frais devant désormais prendre en compte la capacité contributive de l’usager et obéir à un barème public, transparent et précis), ou encore la fin des « allers-retours » inutiles des citoyens pour obtenir un document administratif.

Enfin, est annoncée la mise en marche de cellules anti-corruption au niveau de tous les ministères, et l’encouragement à l’alerte ou dénonciation de faits de corruption par la mise en place d’un meilleur encadrement des lanceurs d’alertes.

Les mois suivants, ces engagements et annonces seront traduites par des décisions du gouvernement ou de l’Assemblée allant dans ce sens.

Au-delà de ces annonces et à la suite des engagements du Président, depuis plus de deux ans un grand nombre de décisions structurantes la lutte contre la corruption ont vu le jour telles que ; l’ordonnance prise par le Président portant recouvrement des avoirs illicites ; la nomination d'Aimé Rasoloharimanana comme directrice générale de l’Agence de recouvrement des avoirs illicites (ARAI) rendant la structure enfin opérationnelle (4) ; l’adoption d’une nouvelle doctrine de lutte contre la corruption : MOOF (Mode Opératoire Faire-Faire) ; la signature par le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) des documents cadres de la lutte contre la corruption (5) annonçant les engagements des directions du MEF tels que la vulgarisation du Budget des citoyens, les différentes formations et coaching pour des agents de l’État et l’effort de digitalisation des services, le déploiement d’une plateforme pour la passation des marchés publics a été mise en ligne, permettant à la fois de renforcer la transparence sur l’usage des fonds publics et de réduire les opportunités de corruption
 
A noter que le Bureau Indépendant Anti-Corruption (BIANCO) créé en 2004 et ayant comme principale mission de conduire la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de la Lutte contre la Corruption (SNLCC), a fait l’objet, en 2020 après la crise du Covid, d’une restructuration via le remodelage de ses organes constitutifs, la révision de ses procédures de travail et la refonte de son mode opératoire. De plus, à cette période, le traitement de dossiers impliquant de hauts dignitaires a offert au BIANCO l’opportunité de marteler clairement sa traditionnelle position : ne pas entrer dans de la manipulation juridico-politique en dénonçant la propension des uns à politiser les affaires judiciaires et l’habitude des autres à judiciariser les joutes politiques (6).

De plus, l’ouverture du pôle anticorruption (PAC) et le renforcement des contrôles anti-corruption décrété par le ministre de la Justice (7) ainsi que les arrestations d’auteurs présumés et les condamnations prononcées par le PAC constituent un ensemble de nouveaux outils concrets mobilisés dans la lutte contre la corruption.

Le Président souhaite également associer de nouveaux acteurs et partenaires aux côtés de l’État dans ce long et fastidieux processus. Pour se faire, de multiples projets coconstruits entre l’État malgache et différents partenaires ont vu le jour afin de promouvoir ou améliorer la lutte contre la corruption tel que ; le guide de lutte contre la corruption pour les jeunes à Madagascar, mis en place dans le cadre du projet d’Appui à la Gouvernance Démocratique à Madagascar et financé par le Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (PBF) (8) ; le lancement d’un projet de lutte contre la corruption et le trafic d’espèces avec l’Ambassade américaine (9) en 2021 ; ou encore l’établissement d’une convention entre le syndicat des industries malgaches et le Bureau indépendant anti-corruption (10) (BIANCO) afin de promouvoir l’intégrité, l’éthique et la transparence dans l’activité entrepreneuriale industrielle à Madagascar via la signature d’un « Engagement d’intégrité ». Cet engagement implique pour l’ensemble des signataires la mise en place d’un système anti-corruption au sein de leurs entreprises.

Si le BIANCO affirme que les signalements sont en baisse (de 7% entre 2020 et 2021), la part des signalements transmis à la justice ont quant à eux augmenté, illustrant l’amélioration des capacités d’enquête du BIANCO (11). Le traitement de ces dossiers aura ainsi permis d’ouvrir quelques 1 463 enquêtes sur des personnes soupçonnées de corruption (contre 624 en 2020) soit une augmentation de 135%. Parmi elles, 740 ont été déférée contre 291 pour 2020 représentant ici une augmentation d’environ 155%.

Alors que le nombre de signalements baissent, résultant d’une diminution des actes de corruption, les services de l’État malgache sont quant à eux de plus en plus efficients dans la lutte contre la corruption : l’État enquête mieux, la justice poursuit davantage et condamne plus fermement ces actes.

Tous ces efforts entrepris depuis plus de deux ans par l’État malgache sous la présidence d’Andry Rajoelina auront donc permis au pays de sortir du statu quo, inversant ainsi la tendance de fond de détérioration du niveau de corruption dans le pays depuis plus de 10 ans, permettant à Madagascar de se classer à la 147ème place du classement Transparency International de 2021 (158 en 2019).

Bien sûr, d’autres décisions seront nécessaires dans les années à venir pour que le niveau de la corruption soit encore plus faible dans le pays.

Enfin de nombreux observateurs identifient la digitalisation de l’administration et des services publics comme le prochain vecteur d’accélération de la lutte contre la corruption à Madagascar car permettant aux citoyens un meilleur accès à l’information, renforçant in fine ainsi la transparence de la vie publique.

Par ailleurs, il est important de noter que malgré le classement de Transparency International, Madagascar n’a été visé qu’une seule fois par une sanction du Département de la Justice américaine, en vertu de l’extraterritorialité du FCPA (Foreign Corrupt Practices Act) visant à lutter contre la corruption d'agents publics à l'étranger là où certains pays du continent africain bien mieux classés en termes de perception de la corruption cumulent plusieurs sanctions au cours des dernières années. Alors que les pays les moins bien notés ont tendance à être visé par plusieurs sanctions, Madagascar fait figure d’exception. Une note de 26/100 pour une seule condamnation alors que le Niger par exemple obtient une note de 31/100 mais est visé par 4 sanctions américaine.

Et pour cause, l’Agence américaine MCC - Millennium Challenge Corporation (MCC) – classe cette année Madagascar parmi les pays conduisant une politique efficace de lutte contre la corruption sur la base d’une méthodologie s’appuyant sur des indicateurs externes et indépendants : il s’agit d’une agrégation d’indicateurs de sources fiables et variées (la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, des classements produits par des universités, etc.).

MCC est une agence d'aide innovante et indépendante qui aide à mener la lutte contre la pauvreté dans le monde, la MCC attribue un score de 52% à Madagascar sur le critère du contrôle de la corruption. Ce score reflète le classement de Madagascar dans son groupe de pays sur cet indicateur (Madagascar est dans le groupe des pays dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 2 045$, soit la catégorie des pays « low income » et « lower middle income » de la Banque Mondiale). Autrement dit, Madagascar se situe dans le « top 48% » des pays de son groupe sur cet indicateur. Cela permet à Madagascar de faire aujourd’hui mieux que la médiane des pays de son groupe sur ce critère et de rejoindre le groupe des pays reconnus dans le monde comme proactifs et efficaces dans leurs programmes de lutte contre la corruption.

Ainsi, les réalisations en termes de lutte contre la corruption ont été saluées par les partenaires internationaux du pays. Dans son rapport d’avril 2021, le FMI écrit ainsi que « la mise en place d’un cadre juridique anticorruption conforme aux normes internationales a été une réalisation majeure au cours du précédent programme ».
 
En bref, à Madagascar la lutte contre la corruption est bel et bien engagée. Les efforts déjà entrepris devront être maintenus et renforcés tout en continuant d’être soutenus au plus haut niveau de l’État. L’engagement politique ferme et l’appui constant du Président Andry Rajoelina seront, sans aucun doute, des atouts et des facteurs clés de la réussite dans ce combat contre la corruption dans les années à venir.
 
[1] Transparency International France. (2021, 7 mai). Indice de la perception de la corruption 2019 de Transparency International : Il y a urgence pour la France à relancer la lutte contre la corruption ! Consulté le 18 octobre 2022, à l’adresse https://transparency-france.org/actu/indice-de-la-perception-de-la-corruption-2019-de-transparency-international-il-y-a-urgence-pour-la-france-a-relancer-la-lutte-contre-la-corruption/
[2] Investiture du nouveau Président de la République Andry Nirina Rajoelina. (2019, 19 janvier). Consulté le 18 octobre 2022, à l’adresse https://www.presidence.gov.mg/actualites/17-investiture-du-nouveau-president-de-la-republique-andry-nirina-rajoelina.html
[3] La lutte contre la corruption. (2019, février). Consulté le 18 octobre 2022, à l’adresse https://www.presidence.gov.mg/actualites/informations/politiques/72-la-lutte-contre-la-corruption.html
[4] Madagascar : l’Agence de recouvrement des avoirs illicites désormais opérationnelle dans le pays. (2022b, mai 13). French.china.org.cn. Consulté à l’adresse http://french.china.org.cn/foreign/txt/2022-05/13/content_78215375.htm
[5] Le ministère de l’Economie et des Finances engagé dans la lutte contre la corruption. (2022b, septembre 27) Orange actu Madagascar. Consulté à l’adresse https://actu.orange.mg/le-ministere-de-leconomie-et-des-finances-engage-dans-la-lutte-contre-la-corruption/
[6] Rapport Annuel 2020 – Bureau Indépendant Anti-Corruption
[7] Ranaivoson, G. F. (2022b, janvier 26). Indice de perception de la corruption – Madagascar gagne un point. L’Express de Madagascar. Consulté à l’adresse https://lexpress.mg/26/01/2022/indice-de-perception-de-la-corruption-madagascar-gagne-un-point/
[8] Guide de lutte contre la corruption pour les jeunes à Madagascar | Programme De Développement Des Nations Unies. (s. d.). Consulté le 18 octobre 2022, à l’adresse https://www.undp.org/fr/madagascar/publications/guide-de-lutte-contre-la-corruption-pour-les-jeunes-madagascar
[9] Antananarivo, E. U. S. (2022, 26 février). Un nouveau projet de lutte contre la corruption et le trafic d’espèces à Madagascar. Consulté le 18 octobre 2022, à l’adresse https://mg.usembassy.gov/fr/le-gouvernement-americain-lance-un-nouveau-projet-de-lutte-contre-la-corruption-et-le-trafic-despeces-a-madagascar/
[10] R., M. (2022b, avril 26). Le Syndicat des Industries signe une convention avec le Bianco –. Madagascar-Tribune.com. Consulté à l’adresse https://www.madagascar-tribune.com/Le-Syndicat-des-Industries-signe-une-convention-avec-le-Bianco.html
[11] Cette augmentation de 15% des PV transmis par rapport aux cas investigables pourrait s’expliquer par le renforcement des missions d’encadrement managérial effectuées par la Direction Générale au profit des 06 Directions Territoriales.



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