Journal de l'économie

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Thomas Peaucelle, Cofely Ineo : les défis urbains du XXIème siècle





Le 26 Janvier 2015, par La Rédaction


L’autre grand chantier du développement durable, c’est la mobilité urbaine. Nos villes, avec leurs centres historiques, sont-elles « configurées » pour faciliter le développement des modes de déplacement « propres » ?

Le patrimoine architectural et historique de nos villes est une richesse incommensurable. Il y a une tendance de fond en France pour la mise en valeur de ce patrimoine via la restauration, l’aménagement en services publics, la mise à disposition du public… Notre pays, que l’on pense parfois malade de son passé, peut pourtant se glorifier à raison de cet enracinement des villes dans l’histoire. Préserver ce capital historique fait partie de nos priorités, ce qui ne signifie pas forcément le conserver en l’état, mais permettre sa préservation et son utilisation dans un cadre moderne et respectueux des occupants et de l’environnement.

Par contre, nombre de centres-villes historiques ne se prêtent pas à la circulation automobile, même « verte ». Il est en revanche tout à fait possible, autour de ces centres-villes exempts de circulation, de développer une offre de transport durable : bus électriques, tramway, métro… Pour autant, les moyens de transport individuels ne disparaîtront pas de si tôt, car la mobilité doit être synonyme de liberté, à l’inverse de certains réseaux « fermés » de transport collectifs. La France est encore sous-équipée en infrastructures de recharges pour les véhicules électriques, mais cela va se corriger avec le temps. L’installation de ces bornes de recharge dans les centres-villes les plus exigus n’a rien d’insurmontable, mais le déploiement d’un réseau suffisant pour assister à un véritable décollage de la mobilité durable et électrique prend du temps.

Les villes de la partie nord de la France sont souvent très différentes, en termes de maillage urbain ou d’architecture, des villes méditerranéennes. Cela impacte-t-il votre façon de travailler sur le terrain ?

Les différences architecturales et organisationnelles des villes de France sont une richesse bien plus qu’une contrainte. Les seules difficultés notables que nous rencontrons concernent la vétusté de certaines infrastructures, mais ce n’est pas spécifique à une région plus qu’à une autre.

Notre principe de fonctionnement repose sur la délégation de responsabilités aux échelons les plus à même de décider, au plus près du « terrain » et du client, de manière efficace et réactive. Nous comptons sur la compétence d’équipes agissant de manière décentralisée. Chacune de ses équipes s’adapte aux spécificités locales de son environnement de travail. Peu importe qu’elle évolue dans le sud ou le nord de la France. L’essentiel tient à la maitrise des savoir-faire et aux capacités d’adaptation de nos collaborateurs. Parce que nous cultivons l’esprit d’initiative chez des collaborateurs intensément formés, nous sommes à même de les faire intervenir partout, dans toutes les conditions. Cela suppose en amont un travail permanent de formation et d’actualisation des connaissances, et une remise en question continue des acquis. 

On a le sentiment, au fond, que moderniser une ville européenne, avec son héritage historique, est bien plus compliqué que de faire évoluer les villes nouvelles, ou au moins « modernes », bâties entre les XVIIIème et le XIXème siècles. Modernité et patrimoine sont-ils compatibles ?

Sans aucun doute, même si cela peut paraître parfois complexe. La difficulté à faire évoluer le patrimoine vient de la superposition de normes, voire d’absence de normes, entre des époques très différentes. C’est contraignant mais cela n’a rien de rédhibitoire, et nous n’allons pas raser notre patrimoine sous prétexte qu’il faut refaire tous les réseaux !

Lorsque vous partez d’une page blanche, par exemple pour la conception d’un nouvel ensemble urbain, les choses sont évidemment plus simples, même si nous devons déjà intégrer dans nos plans les évolutions possibles. Prévoir ce que seront les normes et les besoins dans 30 ou 50 ans tourne souvent à l’exercice de style ! Mais cela fait partie de notre métier. Très concrètement nous nous attachons à respecter des principes de modularité et de souplesse, visant en particulier à conserver de la place et des marges de manœuvres pour toutes les évolutions à venir. Nous savons déjà  que bien des bâtiments à l’avenir intègreront des solutions de production et de stockage autonomes d’énergie. Dans la mesure du possible nous concevons des systèmes intégrant cette possibilité. Cela nous astreint naturellement à une veille active des évolutions technologiques et sociétales. Il nous faut « anticiper le vent » d’une certaine manière, plus que simplement le « sentir ».

N’est-il pas paradoxale de vouloir faciliter à la fois les déplacements et l’environnement ? Pourra-t-on réconcilier mobilité urbaine et écologie ?

L’urbanisme tel que nous le concevons aujourd’hui est intimement lié à la notion de qualité de vie. L’urbanisme doit être durable, respectueux de la vie et de la santé de ses habitants. L’urbanisme a trop longtemps été envisagé sous l’angle réducteur du seul logement, même si nous restons déficitaires en la matière. L’urbanisme est maintenant le résultat d’une approche globale, qui a pour vocation de fournir un cadre de vie complet. Il doit pour cela répondre aux besoins contemporains en termes de commodités, de sécurité, d’accessibilité et de respect de la santé et de l’environnement.

Les épisodes de pollution urbaine rencontrés il y a quelques mois illustrent cette prise en compte croissante des enjeux de santé publique en ville. Mais ces enjeux devront être conciliés avec un autre besoin qui est celui de la mobilité urbaine. Pour l’instant, la piste la plus prometteuse pour réconcilier mobilité active et respect de l’environnement (et donc de la santé) passe par les transports en commun et les véhicules électriques, dans une internodalité rendant les utilisateurs acteurs de leur mobilité. C’est pour cette raison que sont réintroduites en masse des solutions pourtant précédemment abandonnées comme le Tramway. Ce dernier répond à l’ensemble des impératifs de mobilité durable avec un certain esthétisme. Toutes ces considérations vont orienter notre action pour les décennies à venir.

Le développement de grandes métropoles ne va-t-il pas favoriser les phénomènes de ghettoïsation des quartiers « hors-réseaux » et donc le communautarisme ?

L’urbanisme tel que nous le projetons vise justement à ne laisser aucun quartier « hors-réseau ». Mais tous les territoires ne partent pas du même point ; les investissements seront plus ou moins lourds par endroit, et il faudra donc définir des priorités. Mais il ne faut pas négliger le fait que les dérives communautaires vécues par certains quartier sont généralement le fait d’un isolement qui s’est aggravé dans le temps : moyens de transports, commerces, services publics ont quitté ces quartiers, réduits à simplement loger des populations qui attendent bien plus des pouvoirs publics. Le communautarisme peut être vu dans ces circonstances comme une réponse imparfaite, mais une réponse quand même, à l’anonymat qui règne dans des quartiers privés de tous lieux ou occasions de vie sociale, lourd héritage de l’urbanisme en vogue de l’après guerre aux années 70.

Nous sommes convaincus, chez Cofely Ineo, qu’un urbanisme renouvelé peut apporter des réponses à ces problématiques, en rompant l’isolement de ces quartiers et en accompagnant le réinvestissement des lieux par les pouvoirs publics. Cela commence par la sécurité et l’accès aux services publics et se poursuit par les moyens de transport, raison pour laquelle nombre de lignes de Tramways desservent des quartiers dits sensibles. Ces quartiers doivent faire l’objet d’investissement massifs en termes d’infrastructures urbaines, parce qu’ils sont les plus délaissés en la matière, et ceux dans lesquels l’environnement s’est le plus dégradé depuis des années. 

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