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Le langage, un outil de contrôle, par Gaël Chesné





Le 19 Juillet 2021, par Lauria Zenou

Ancien journaliste et professeur au sein de l'Institut Catholique de Rennes, Gaël Chesné est l'auteur de l'Ouvrage "Le Contrôle de la Vérité" paru chez VA Editions. Contrôler, influencer par le langage est une pratique complexe. Elle n'est efficace que lorsqu'elle est utilisée par ceux qui la maitrisent à la perfection. Analyse de cet outil de persuasion par Gaël Chesné...


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Vous évoquez le langage comme élément déterminant dans votre ouvrage « Le contrôle de la vérité ». Pouvez-vous nous expliquer en quoi le langage est un véritable outil de contrôle ?

Notre saisie du réel est partielle et notre façon de le dire partiale. Le langage est le moyen de cette partialité. L’esprit trouve en lui un support : un système de signes oraux, gestuels ou graphiques pour l’expression et la communication. « Tous les moyens de l’esprit sont enfermés dans le langage », disait Alain. Dans un corps de lettres, les mots fixent les idées, leur découvrent une forme, une matière. Ils donnent vie, certaine vie. De sorte que, selon eux, grâce à eux, les idées se consolident, se raffermissent selon la forme qu’ils auront établie. Là commence la « conformation », le contrôle : dans cette première et intime médiation de soi à soi.

Le langage serait-il finalement un moyen d’unifier une Nation autour de mêmes valeurs et donc d’une perception similaire des vérités ?

En effet. François Ier, au XVIe siècle, l’avait bien compris. Persuadé de pouvoir rassembler autour d’une même bannière linguistique une même communauté politique, le monarque signa, en 1539, dans son château de Villers-Cotterêts, l’ordonnance stipulant que le français devenait la langue officielle du royaume. François Ier voulait que tous ses sujets pussent comprendre les actes de loi, jusqu’alors rédigés dans un latin judiciaire sibyllin ; que tous ses sujets devinssent égaux devant la langue, devant la même langue ; que l’égalité formât l’unité. Ce qu’il accomplit, avec succès. La langue relia les hommes, les attacha les uns aux autres. Les Français se connurent et se reconnurent par ce biais. Une certaine grammaire les unifia – la grammaire française les unifia, et produisit une certaine communauté, un certain partage, une certaine géologie d’idées. L’unité linguistique de la France couronna, comme pressenti, l’unité politique du pays.

Sans langage travaillé, pas de politique ?

Disons que le langage n’est jamais neutre. Il n’est pas de forme innocente, ni d’agencement immaculé. Les mots ne sont pas des territoires vierges de sens ou de personnalité. Ils signent au contraire un esprit, un engagement ; ils sont « de l’action », disait Arendt et Hugo d’affirmer : « De quelque mot profond, tout homme est le disciple ; Toute force ici-bas a le mot pour multiple ». Dans les mots se fondent les mystiques, les idéologies, les modes de pensée, les dispositions mentales et les orthodoxies dont les individus, conscients ou non, se font les porteurs et les relais. Le langage est politique ; la langue est politique. Leur maîtrise est essentielle pour mener des engagements, pour avancer ses réflexions, ses idées.

Sommes-nous en réalité, condamnés à délivrer une perception subjective du réel ?

Oui. Tout simplement parce que l’objectivité est une illusion. « Est-ce qu’il existe aucun fait qui soit indépendant de l’opinion et de l’interprétation ? » disait Hannah Arendt. La captation du monde, des vérités du monde, passe par le corps, élément singulier et subjectif. Nous exprimons ensuite ces vérités par le moyen du langage, lui aussi singulier et subjectif. Notre saisie du réel est partielle et notre façon de le dire partiale. Il n’y a donc pas d’information neutre ou incolore.



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