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Achille Laugé (1861-1944), le néo-impressionnisme dans la lumière du sud





Le 17 Octobre 2022, par Christine de Langle

Connaissez-vous Achille Laugé ?
A Lausanne, la Fondation de l’Hermitage présente jusqu’au 30 octobre 2022 une passionnante rétrospective consacrée au peintre néo-impressionniste Achille Laugé. Ce n’est pas la première fois que cette fondation suisse s’intéresse au néo-impressionnisme, mouvement qui cherche à renouveler l’impressionnisme par l’expression scientifique d’une lumière éclatante et ordonnée. Après les expositions consacrées à Seurat l’initiateur et à Signac le diffuseur, les organisateurs ont choisi un chemin plus escarpé, remettre à l’honneur un peintre connu des seuls avertis. Si aujourd’hui vous ne connaissez pas Achille Laugé, c’est qu’il choisit de délaisser la vie parisienne et sa notoriété pour se fixer dans sa province natale, l’Occitanie.


Fenêtre ouverte à Toulouse, vers 1920-1925, Huile sur toile, 73,5 x 73,5 cm Coll. part. Toulouse, Photo Daniel Martin
Fenêtre ouverte à Toulouse, vers 1920-1925, Huile sur toile, 73,5 x 73,5 cm Coll. part. Toulouse, Photo Daniel Martin
 
La lumière du Midi

Né en 1861 à Arzens, près de Carcassonne, dans un environnement rural, sa famille le destine à être pharmacien. Mais c’est à l’École des Beaux-Arts de Toulouse qu’il rencontre Antoine Bourdelle et Henri Martin. Il poursuit son apprentissage à Paris en 1881 vite déçu par l’enseignement académique, tout comme son ami Aristide Maillol.

Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, tableau-manifeste de Seurat présenté au Salon des indépendants de 1886 stupéfie cette jeune génération d’artistes par cette nouvelle expression scientifique de la couleur. Les couleurs primaires et complémentaires posées rationnellement sur la toile en une multitude de petits points donnent naissance au pointillisme et au néo-impressionnisme. L’avenir est là !

En 1888, Laugé décide de quitter Paris pour retrouver une solitude créatrice au sein de ses paysages de l’Aude. La méthode Seurat de division des tons pour obtenir une lumière plus intense s’accorde à la lumière du Midi, « J’ai dit m… à Barbizon, vive le Midi. Là est la couleur et la lumière », déclare Bourdelle en écho.

Si on reprochait à l’impressionnisme de détruire la forme par le changement incessant de la lumière, la génération d’après croit dans le pouvoir structurant de la forme. Comme le rappelle Nicole Tamburini, spécialiste reconnue de notre peintre et commissaire de l’exposition, « la lumière ne signifie pas pour lui évanescence de la matière, mais au contraire structures de lignes de composition ».

L’arbre en fleur, 1893 Huile sur toile, 59,4 x 49,2 cm Coll. part. Photo Peter Schälchli
L’arbre en fleur, 1893 Huile sur toile, 59,4 x 49,2 cm Coll. part. Photo Peter Schälchli

Rendre le quotidien intemporel

C’est en se fixant dans son pays natal près de Carcassonne que « l’ermite de Cailhau » trouve son écriture originale. Loin des sujets héroïques de la peinture officielle, loin des rêves du symbolisme que la jeune peinture européenne privilégie, Laugé peint la réalité quotidienne et apporte une attention chaleureuse à son environnement, paysages, amis et famille, objets. Tout l’éblouit et l’enchante. Tout est prétexte à dire l’essence des choses.
Les sujets d’une grande simplicité forcent l’œil à s’arrêter, pour comprendre d’où vient l’étrange magnétisme qui se dégage du moindre chemin ou route. Une composition réduite à l’essentiel, des couleurs d’une subtilité exquise, quel peintre aurait osé privilégier ainsi le rose, sans tomber dans la mièvrerie sucrée ? Un visage féminin qui dit une beauté concentrée et intemporelle, à la limite de l’abstraction. Des vases de fleurs ou des branches d’amandier qui avouent la connaissance des compositions des estampes japonaises et leur étrangeté pour un œil occidental. Loin de céder à un effet de mode, il aimait l’accord des lignes essentielles, la subtilité et la sérénité qui émanait de ces compositions au cadrage audacieux.

Félix Fénéon, le célèbre critique d’art (1889-1903), rappelle que « la méthode néo-impressionniste exige une exceptionnelle délicatesse d’œil (…) cette peinture n’est accessible qu’aux peintres ».  Méthode et délicatesse, deux termes qui résument l’art de Laugé.

Mme Astre Huile sur toile, 198 x 133 cm, Musée des Beaux-Arts de Carcassonne Photo Musée des Beaux-Arts de Carcassonne
Mme Astre Huile sur toile, 198 x 133 cm, Musée des Beaux-Arts de Carcassonne Photo Musée des Beaux-Arts de Carcassonne
Redécouvrir le rôle des expositions

Au  milieu de tant d’expositions qui n’ont d’autre but que de faire un bon chiffre d’affaires en réunissant des œuvres mondialement connues, la fondation de l’Hermitage nous fait retrouver le véritable but d’une exposition « scientifique » : faire avancer la connaissance pour les spécialistes et en assurer la diffusion auprès du grand public. Cela est fait magistralement dans cette belle demeure qui surplombe le lac Léman. Les murs des salles se colorent de teintes qui mettent en valeur les peintures. Ne manquez pas la salle de pastels qui dévoilent la maîtrise et la subtilité de cet admirateur de Seurat.


Voilà pourquoi ne tardez pas, ce sont les derniers jours, et venez vous enchanter de cette peinture méridionale, vibrante de couleur, de gaité, mais aussi pleine de douceur et de souvenirs.
 
Christine de Langle
 
Achille Laugé, le néo-impressionnisme dans la lumière du sud
Lausanne, Fondation de l’Hermitage
Jusqu’au 30 octobre 2022
Portrait-de-Mlle-JeanJean Huile sur toile,120 x 84 cm Coll. part. Photo Studio Sébert, Paris
Portrait-de-Mlle-JeanJean Huile sur toile,120 x 84 cm Coll. part. Photo Studio Sébert, Paris


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