Le parcours de chaque candidat à l’élection présidentielle étant scruté à la loupe, Benoit Hamon n’a pas échappé à ce qui est devenu un exercice obligatoire de fact-checking de la part des médias. Concernant le candidat PS, des questions ont été soulevées sur ses compétences et qualifications pour exercer la fonction de professeur-associé à l’université Paris 8, entre 2009 et 2011. Sauf que certains se sont (un peu) emmêlés dans les accusations. Du coup, nombre de médias se sont dressés pour dénoncer une cabale politique contre Benoit Hamon. S’il n’est pas question ici d’emploi fictif, ce poste est tout de même intriguant pour plusieurs raisons, et les problématiques soulevées ne sont pas aussi dénuées de fondements que certains médias ont bien voulu le (faire) croire.
Circulez, il n’y a rien à dire
L’information est connue depuis 2009 : elle figure même dans sa biographie officielle. C’est d’ailleurs ce que relève très justement le Monde, avec un argument-massue pour le moins inhabituel : « S’il était dans l’illégalité, peut-être que Benoît Hamon n’aurait pas pris la peine de mentionner cette expérience dans la biographie de son site Web. » Si c’est publiquement assumé, c’est donc légal, pour Le Monde. On aimerait pourtant voir les investigations des journalistes pousser un peu plus loin.
Car dans le cas de l’affaire Hamon, les investigations des journalistes sont en effet restées sur la grille de départ. Concernant les diplômes et qualifications, comme l’indiquent tous les médias, il est bien possible pour des personnes sans diplôme de l’enseignement supérieur d’être « enseignant-associé » au sein des universités. C’est d’ailleurs précisément pour cela que le statut existe : apporter aux cours d’université du « sang neuf », hors sérail académique.
Mais ce poste ne s’obtient pas à n’importe quelles conditions. Et c’est précisément sur ce point qu’il y a à redire, et où la plupart des médias se sont arrêtés net. Certains journalistes sentent bien malgré tout que quelque chose ne va pas. Ainsi, les décodeurs du Monde ne se privent pas de décrire une situation « curieuse » : « Certains se sont toutefois étonnés qu’il ait pu diriger un cours sur les organisations internationales sans y avoir travaillé auparavant, pointant du doigt le fait qu’il avait intégré peu de temps avant le conseil d’administration de l’université en tant que personnalité extérieure. » Si, pour une raison obscure, les investigations en restent là, rien n’interdit de reprendre les choses à ce stade, car les points soulevés par les Décodeurs méritent d’être approfondis.
Compétences, expériences, emploi… tout fait défaut
Il y a déjà les us et coutumes au sein des universités et grandes écoles françaises : le titre de professeur associé n’est d’ordinaire donné qu’aux titulaires de doctorat(s). Avec une simple licence d’histoire, toute brillante soit-elle, l’intéressé est un peu loin du compte, et n’aurait même pas dû être maitre de conférences associé. L’université ne demande certes pas les mêmes diplômes que pour un véritable professeur d’université, mais, sauf cas très exceptionnels, il y a tout de même un minimum requis. Celui qui sera par la suite un éphémère ministre de l’Education Nationale, n’est alors qu’un ex-député européen, porte-parole (bénévole) du parti socialiste.
C’est d’ailleurs son CV qui aurait dû interpeller les journalistes, qui, comme ceux de Libération, sortent du site du Ministère les statuts en vigueur pour un tel recrutement. On peut citer : « Peuvent être recrutées en qualité de professeur des universités ou de maître de conférences associé à mi-temps, des personnalités françaises ou étrangères justifiant depuis au moins trois ans d'une activité professionnelle principale, autre que d'enseignement, et d'une expérience professionnelle directement en rapport avec la spécialité enseignée. » Il est utile ici de préciser l’intitulé du cours de Benoit Hamon : il intervient bien sur « les grandes organisations internationales ». Cet intitulé est repris de 2009 à 2017 sur la totalité des sources, sauf une : l’intitulé en question a aujourd’hui changé dans la biographie officielle de l’intéressé, où il devient un enseignement sur le « fonctionnement des organisations multilatérales et les processus décisionnels dans l’Union Européenne ».
Il est vrai que cela colle un peu plus avec une expérience de député européen, car sans cet « artifice rhétorique », il n’y a rien dans le CV de Benoit Hamon qui atteste de « l’exercice réel et confirmé d’une activité professionnelle (autre qu’une activité d’enseignement), en rapport direct avec la discipline concernée. » Même en considérant le Parlement européen comme une organisation internationale, les mêmes textes généreusement fournis par Libération indique que l’enseignant-associé peut enseigner à la seule condition d’exercer en même temps une activité principale depuis au moins trois ans. Or, le mandat de Benoit Hamon s’est terminé en 2009. Et quand bien même il aurait été réélu, l’université Paris 8 précise de façon lapidaire : « Un mandat public électif ne constitue pas une activité professionnelle principale. » Fermez le ban.
Circulez, il n’y a rien à dire
L’information est connue depuis 2009 : elle figure même dans sa biographie officielle. C’est d’ailleurs ce que relève très justement le Monde, avec un argument-massue pour le moins inhabituel : « S’il était dans l’illégalité, peut-être que Benoît Hamon n’aurait pas pris la peine de mentionner cette expérience dans la biographie de son site Web. » Si c’est publiquement assumé, c’est donc légal, pour Le Monde. On aimerait pourtant voir les investigations des journalistes pousser un peu plus loin.
Car dans le cas de l’affaire Hamon, les investigations des journalistes sont en effet restées sur la grille de départ. Concernant les diplômes et qualifications, comme l’indiquent tous les médias, il est bien possible pour des personnes sans diplôme de l’enseignement supérieur d’être « enseignant-associé » au sein des universités. C’est d’ailleurs précisément pour cela que le statut existe : apporter aux cours d’université du « sang neuf », hors sérail académique.
Mais ce poste ne s’obtient pas à n’importe quelles conditions. Et c’est précisément sur ce point qu’il y a à redire, et où la plupart des médias se sont arrêtés net. Certains journalistes sentent bien malgré tout que quelque chose ne va pas. Ainsi, les décodeurs du Monde ne se privent pas de décrire une situation « curieuse » : « Certains se sont toutefois étonnés qu’il ait pu diriger un cours sur les organisations internationales sans y avoir travaillé auparavant, pointant du doigt le fait qu’il avait intégré peu de temps avant le conseil d’administration de l’université en tant que personnalité extérieure. » Si, pour une raison obscure, les investigations en restent là, rien n’interdit de reprendre les choses à ce stade, car les points soulevés par les Décodeurs méritent d’être approfondis.
Compétences, expériences, emploi… tout fait défaut
Il y a déjà les us et coutumes au sein des universités et grandes écoles françaises : le titre de professeur associé n’est d’ordinaire donné qu’aux titulaires de doctorat(s). Avec une simple licence d’histoire, toute brillante soit-elle, l’intéressé est un peu loin du compte, et n’aurait même pas dû être maitre de conférences associé. L’université ne demande certes pas les mêmes diplômes que pour un véritable professeur d’université, mais, sauf cas très exceptionnels, il y a tout de même un minimum requis. Celui qui sera par la suite un éphémère ministre de l’Education Nationale, n’est alors qu’un ex-député européen, porte-parole (bénévole) du parti socialiste.
C’est d’ailleurs son CV qui aurait dû interpeller les journalistes, qui, comme ceux de Libération, sortent du site du Ministère les statuts en vigueur pour un tel recrutement. On peut citer : « Peuvent être recrutées en qualité de professeur des universités ou de maître de conférences associé à mi-temps, des personnalités françaises ou étrangères justifiant depuis au moins trois ans d'une activité professionnelle principale, autre que d'enseignement, et d'une expérience professionnelle directement en rapport avec la spécialité enseignée. » Il est utile ici de préciser l’intitulé du cours de Benoit Hamon : il intervient bien sur « les grandes organisations internationales ». Cet intitulé est repris de 2009 à 2017 sur la totalité des sources, sauf une : l’intitulé en question a aujourd’hui changé dans la biographie officielle de l’intéressé, où il devient un enseignement sur le « fonctionnement des organisations multilatérales et les processus décisionnels dans l’Union Européenne ».
Il est vrai que cela colle un peu plus avec une expérience de député européen, car sans cet « artifice rhétorique », il n’y a rien dans le CV de Benoit Hamon qui atteste de « l’exercice réel et confirmé d’une activité professionnelle (autre qu’une activité d’enseignement), en rapport direct avec la discipline concernée. » Même en considérant le Parlement européen comme une organisation internationale, les mêmes textes généreusement fournis par Libération indique que l’enseignant-associé peut enseigner à la seule condition d’exercer en même temps une activité principale depuis au moins trois ans. Or, le mandat de Benoit Hamon s’est terminé en 2009. Et quand bien même il aurait été réélu, l’université Paris 8 précise de façon lapidaire : « Un mandat public électif ne constitue pas une activité professionnelle principale. » Fermez le ban.
Cumul de… salaires
A ce moment de sa carrière, Benoit Hamon expérimente en effet le dur retour à la réalité des parlementaires non reconduits : en 2009, porte-parole bénévole du PS, il n’est alors rémunéré ni par le parti, ni par un mandat. « Après les Européennes, il était toutefois urgent de faire bouillir la marmite », glisse ainsi Mediapart. Alors Benoit Hamon devient consultant pour une « structure d'analyse de l'opinion, Le Fil, créée en 2003 par deux ex-Ipsos, Samuel Jequier, ancien conseiller de Martine Aubry et de Bertrand Delanoë, et Philippe Hubert, spécialiste des études quanti. » Avec cette activité principale, entamée un mois avant son entrée à Paris 8, Benoit Hamon peut enfin postuler, pense-t-il. Cela n’a aucun rapport avec son intitulé de cours futur, et ça ne fait pas trois ans qu’il l’occupe, comme demandé par les statuts de l’université, mais tant pis. Si par ailleurs la rémunération exacte ou la qualité des conseils de M. Hamon pour la société Le Fil n’est pas connue, on notera que cette société revendique un CA de 500 000 euros en 2008, puis de 97 700 euros en 2011. Une chute de 80% en quatre ans mériterait déjà des explications, mais on peut en outre se demander comment les deux fondateurs et Benoit Hamon ont pu se rémunérer sur un CA (et non un bénéfice) de moins de 100 000 euros. Dans ce cas de figure le petit supplément de rémunération de l’université prend une autre envergure.
On pourrait considérer que le prestige de la fonction l’emporte sur une rémunération somme toute assez faible : 1400 euros nets par mois environ pour 96 heures de TD ou 64 heures de cours magistraux à l’année. Toutefois, considérant que Benoit Hamon a très vraisemblablement donné surtout des cours magistraux (soit 64 heures par an), il a donc été payé 260 euros de l’heure environ pour parler d’un sujet sans rapport avec ses compétences, ses diplômes ou son parcours. Rapporté à une journée de huit heures, ce salaire équivaut en gros à deux petits SMIC par jour travaillé. Un salaire très correct pour quelqu’un de peu ou pas qualifié pour le poste. En tout cas, il n’est pas étonnant, dans ces circonstances, que l’intéressé se présente aujourd’hui comme « le candidat de la fiche de paie ». Mais si, comme suggéré par certains, il y a eu « piston », il est peut-être à chercher du côté de ceux qui décident des attributions de postes.
Des relations bien placées
Si Benoit Hamon n’a ni l’expérience requise, ni les diplômes, ni même simplement le droit d’être professeur associé, ce n’est pourtant pas forcément rédhibitoire dans son cas. En effet, il siège alors au Conseil d’A dministration de l’université depuis quelques mois, pour une raison inconnue, en tant que personnalité extérieure. Or, c’est ce conseil qui est chargé de la nomination des professeurs-associés. Porte-parole du PS depuis 2008, il y a en effet des amis et non des moindres : Pascal Binczak, Président de l’Université de Paris VIII, fait notamment partie des « personnalités connues pour leur engagement » à l’université d’été de la Rochelle de 2009. On y trouve aussi nombre de personnalités d’ATTAC, des personnes avec qui Benoit Hamon entretient de bonnes relations. Il n’est pas déraisonnable de penser qu’une certaine « bienveillance », à l’égard de Benoit Hamon et de sa situation, ait amené le conseil d’administration de Paris 8 à enfreindre aussi explicitement ses règlements.
En résumé, Benoit Hamon a bénéficié pendant trois ans d’un emploi de professeur-associé, en violation flagrante des règlements du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (les mêmes qui sont invoqués pour le défendre !). Le montant des rémunérations n’est pas exorbitant, certes, mais rapporté au nombre d’heures de travail exigées, cela commence à compter. La question des modalités d’obtention d’un tel poste est également posée, connaissant le réseau de l’intéressé au sein d’un conseil d’administration où lui-même siégeait de toute façon.
Il serait possible de prolonger cette analyse en interrogeant la confusion des genres de Benoit Hamon, alors professeur-associé en université, porte-parole d’un parti politique et consultant pour une société « d’analyse de l’opinion ». Comme dans plusieurs autres affaires, le plus regrettable n’est pas tant ici la réalité des petits arrangements entre amis du même bord politique, que le traitement médiatique de cette anecdote. On voudrait faire croire à une volonté de dissimulation qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Et si le nom de Hamon avait été remplacé par un autre, gageons que cette histoire n’aurait pas été enterrée aussi vite.
A ce moment de sa carrière, Benoit Hamon expérimente en effet le dur retour à la réalité des parlementaires non reconduits : en 2009, porte-parole bénévole du PS, il n’est alors rémunéré ni par le parti, ni par un mandat. « Après les Européennes, il était toutefois urgent de faire bouillir la marmite », glisse ainsi Mediapart. Alors Benoit Hamon devient consultant pour une « structure d'analyse de l'opinion, Le Fil, créée en 2003 par deux ex-Ipsos, Samuel Jequier, ancien conseiller de Martine Aubry et de Bertrand Delanoë, et Philippe Hubert, spécialiste des études quanti. » Avec cette activité principale, entamée un mois avant son entrée à Paris 8, Benoit Hamon peut enfin postuler, pense-t-il. Cela n’a aucun rapport avec son intitulé de cours futur, et ça ne fait pas trois ans qu’il l’occupe, comme demandé par les statuts de l’université, mais tant pis. Si par ailleurs la rémunération exacte ou la qualité des conseils de M. Hamon pour la société Le Fil n’est pas connue, on notera que cette société revendique un CA de 500 000 euros en 2008, puis de 97 700 euros en 2011. Une chute de 80% en quatre ans mériterait déjà des explications, mais on peut en outre se demander comment les deux fondateurs et Benoit Hamon ont pu se rémunérer sur un CA (et non un bénéfice) de moins de 100 000 euros. Dans ce cas de figure le petit supplément de rémunération de l’université prend une autre envergure.
On pourrait considérer que le prestige de la fonction l’emporte sur une rémunération somme toute assez faible : 1400 euros nets par mois environ pour 96 heures de TD ou 64 heures de cours magistraux à l’année. Toutefois, considérant que Benoit Hamon a très vraisemblablement donné surtout des cours magistraux (soit 64 heures par an), il a donc été payé 260 euros de l’heure environ pour parler d’un sujet sans rapport avec ses compétences, ses diplômes ou son parcours. Rapporté à une journée de huit heures, ce salaire équivaut en gros à deux petits SMIC par jour travaillé. Un salaire très correct pour quelqu’un de peu ou pas qualifié pour le poste. En tout cas, il n’est pas étonnant, dans ces circonstances, que l’intéressé se présente aujourd’hui comme « le candidat de la fiche de paie ». Mais si, comme suggéré par certains, il y a eu « piston », il est peut-être à chercher du côté de ceux qui décident des attributions de postes.
Des relations bien placées
Si Benoit Hamon n’a ni l’expérience requise, ni les diplômes, ni même simplement le droit d’être professeur associé, ce n’est pourtant pas forcément rédhibitoire dans son cas. En effet, il siège alors au Conseil d’A dministration de l’université depuis quelques mois, pour une raison inconnue, en tant que personnalité extérieure. Or, c’est ce conseil qui est chargé de la nomination des professeurs-associés. Porte-parole du PS depuis 2008, il y a en effet des amis et non des moindres : Pascal Binczak, Président de l’Université de Paris VIII, fait notamment partie des « personnalités connues pour leur engagement » à l’université d’été de la Rochelle de 2009. On y trouve aussi nombre de personnalités d’ATTAC, des personnes avec qui Benoit Hamon entretient de bonnes relations. Il n’est pas déraisonnable de penser qu’une certaine « bienveillance », à l’égard de Benoit Hamon et de sa situation, ait amené le conseil d’administration de Paris 8 à enfreindre aussi explicitement ses règlements.
En résumé, Benoit Hamon a bénéficié pendant trois ans d’un emploi de professeur-associé, en violation flagrante des règlements du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (les mêmes qui sont invoqués pour le défendre !). Le montant des rémunérations n’est pas exorbitant, certes, mais rapporté au nombre d’heures de travail exigées, cela commence à compter. La question des modalités d’obtention d’un tel poste est également posée, connaissant le réseau de l’intéressé au sein d’un conseil d’administration où lui-même siégeait de toute façon.
Il serait possible de prolonger cette analyse en interrogeant la confusion des genres de Benoit Hamon, alors professeur-associé en université, porte-parole d’un parti politique et consultant pour une société « d’analyse de l’opinion ». Comme dans plusieurs autres affaires, le plus regrettable n’est pas tant ici la réalité des petits arrangements entre amis du même bord politique, que le traitement médiatique de cette anecdote. On voudrait faire croire à une volonté de dissimulation qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Et si le nom de Hamon avait été remplacé par un autre, gageons que cette histoire n’aurait pas été enterrée aussi vite.