Journal de l'économie

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Le gouvernement abat ses cartes





Le 5 Décembre 2018, par François-Bernard Huyghe


François-Bernard Huyghe
François-Bernard Huyghe
Au moment où nous écrivons, le gouvernement abat la carte du moratoire dans le conflit avec les gilets jaunes : un peu céder en attendant les européennes, jouer la lassitude ou la division. Créer un comité... C’est un changement de stratégie après la rhétorique de la fermeté (maintenir), de la peur (le danger des désordres) et de la stigmatisation (manipulations extrémistes), sans oublier l’exaspérante pédagogie (vous allez comprendre). Cela peut marcher ou pas et la situation peut aussi devenir dramatique à l’occasion d’une violence dans une manifestation. Mais, dans tous les cas, on voit bien qu’une revendication initiale (la taxe sur le fuel), satisfaite partiellement et tardivement, dissimulait en réalité bien d’autres enjeux : la révolte des gilets jaunes se joue sur plusieurs plans.
Symbolique d’abord. C’est une lutte pour le statut. Chacun a manifesté pour être reconnu individuellement (je suis celui qui paie toujours, que l’on méprise et que l’on n’écoute jamais) et collectivement (nous sommes le peuple). Mais c’est aussi une exaspération contre le chef, qui, de son côté, a multiplié les signes de son statut jupitérien, de sa « verticalité » méprisante : jouer l’olympien, c’est offrir à la plèbe consciente de son statut une occasion de projeter sa fureur sur un objet commun ; c’est incarner l’archétype du mauvais Prince.
 

Ensuite, cette crise est devenue une crise de la représentation politique. La mise en cause par les manifestants de leurs élus, n’est pas une simple variante du vieux « tous pourris, ils ne s’occupent pas de nos intérêts). Elle touche le principe même de la démocratie représentative, de l’élection non révocable et au refus du mandat impératif. La demande de démocratie directe aboutit certes à des revendications peu réalistes, mélangeant thématiques de droite ou de gauche ou trahissant des pulsions pas très nobles (rétablir l’ISF pour punir les profiteurs). Mais derrière cette confusion, se manifeste une gigantesque méfiance envers la technostructure qui nous gouverne, envers les élites, envers les médias présumés complices, envers les “sachants” qui répètent qu’il n’y a pas d’alternative, voire envers les “riches”. Ce sont toutes les légitimités à la fois, électorale, technique, hiérarchique, légale, qui sont dénoncées comme les masques de l’oligarchie (les gens pas comme nous, coupés des réalités).
La crise est donc profondément idéologique au sens où elle porte sur les fondements mêmes du faire croire, sur la représentation du réel, du possible, du souhaitable. Or qui dit idéologie dit passions communes (dieu sait si elles sont fortes), hostilité (l’affrontement de ceux d’en haut et de ceux d’en bas), mais aussi système d’idées partagées servant à analyser la situation et se fixer des objectifs. Plus la capacité de l’imposer aux autres comme des évidences (l’hégémonie). Un système de croyances s’effondre, un autre n’est pas encore né ou est dans les limbes. C’est la caractéristique d’un interrègne.



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