Journal de l'économie

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Team Jorge et autres Percepto





Le 22 Février 2023, par Nicolas Lerègle

Depuis quelques jours nos yeux se sont ouverts sur l’existence d’officines israéliennes pratiquant la désinformation et plus via les réseaux sociaux. Pour quelques milliers ou millions d’€ selon sa cible on peut, aujourd’hui, inverser une élection, nuire à une ONG ou détruire une réputation. C’est à la fois plus qu’inquiétant et très rassurant.


Inquiétant, car on s’aperçoit assez rapidement que nos comportements sur Internet ne sont pas à la hauteur des dangers que ce cyberespace recèle pour ceux qui s’y aventurent sans un minimum de précautions. Mettre ses coordonnées bancaires, ne pas être soucieux de ses mots de passe, n’avoir aucune prudence quant aux sites consultés, autant de comportements qui sont des portes ouvertes en entrée libre sur les aspects les plus intimes de votre vie privée.

Les exemples abondent de personnes soumises à un chantage ou voyant leur vie détruite par la résurgence et la publication de consultations passées ou de messages, photos et vidéos un peu trop librement partagés. On peut bien entendu recourir à des sociétés telles que celles mentionnées qui sauront, au sens propre et informatique, fouiller dans vos poubelles pour en extraire ceux que vous aviez voulu effacer. Encore faut-il que nuire à votre réputation justifie d’y consacrer les moyens qui sont demandés par les officines exerçant cette activité.

Paradoxalement il est aussi rassurant de constater que ces sociétés mentionnées en titre ont été découvertes et, mieux encore, se sont découvertes quant à leurs pratiques et réalisations, avec une relative facilité. On a beau vouloir se cacher et être le plus discret possible, la volonté très humaine de se mettre en avant prime souvent sur les règles de prudence les plus élémentaires. Le travail mené en ce sens, par les équipes de journalistes et d’enquêteurs du consortium « forbidden stories », est des plus remarquable.

Bel exemple de l’arroseur arrosé et, un peu comme pour le logiciel Pegasus, on peut penser que les deux entreprises citées auront, dans un premier temps, un peu plus de mal à trouver des clients. Elles changeront certainement de noms et adopteront des règles de prudence renforcées, mais cela n’empêchera pas que, dorénavant, le doute sur certaines informations et leur manipulation sera présent.

On notera que l’État d’Israël est devenu le point de fixation de toutes ces entreprises sachant avec talent utiliser les réseaux sociaux à rebours de leur vocation initiale. Cela sans aucun contrôle de l’État voire même, comme cela fut le cas pour le logiciel Pegasus, avec la complicité assumée de l’État hébreu. Plus personne n’ignore que ce pays est devenu une « tech nation » à la pointe des évolutions et progrès dans ces domaines. Au-delà de l’innovation et de l’objet social de l’entreprise, il ne serait pas mauvais que les administrations israéliennes s’intéressent aux comportements clairement illégaux de certaines de leurs entreprises.

Tout le monde trouve normal d’évoquer des narco-états pour certains pays, dont l’économie tourne autour des trafics de drogue avec une forte infiltration dans les administrations, et ce vocable tend à s’appliquer aujourd’hui à la Belgique et aux Pays-Bas. Il serait dommage qu’Israël qui sert souvent de base de refuge à des hackeurs et autres prenne un chemin de traverse. Dans ce domaine comme dans tant d’autres Rabelais ne professait-il pas que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Maintenant ces arbres Team Jorge ou Percepto ne doivent pas cacher la forêt de la multiplication des officines visant à modifier notre perception du réel pour y substituer une histoire falsifiée en accord avec les intérêts d’une entreprise, d’un pays, d’une personne. La « découverte » de ces deux sociétés va certainement concourir à placer ce sujet sous le microscope des médias et nous faire découvrir, au gré des révélations, que ces entités d’influence ont prospéré dans de nombreux autres pays.

Influence, le mot est écrit. Il serait bon de rappeler à cette occasion que l’Influence est une des composantes essentielles de ce qu’on appelle « l’Intelligence Économique », anglicisme qui se voulait pertinent, mais qui, hélas, a plus nui à la compréhension de son but qu’a son acceptation. Cette Intelligence Économique qui est la quête des informations et renseignements qui vont permettre d’avoir une longueur d’avance sur ses concurrents et adversaires se nourrit de cette capacité d’influence qui permet de connaitre et analyser une situation pour mieux la retourner en sa faveur.

La France a souvent été à la traine en ce domaine alors même que la technicité et la performance de son tissu industriel et de sa recherche auraient dû en faire une actrice à l’égale des États-Unis d’Amérique ou de la Grande-Bretagne. Elle rattrape son retard actuellement c’est tant mieux et merci au « Bureau des Légendes » d’y avoir contribué. Avoir une capacité d’Influence et ce quels que soient les moyens utilisés est nécessaire pour un pays qui veut soutenir ses intérêts ou ses entreprises. C’est la condition sine qua non pour ne pas être dépassé dans une guerre économique – mais qui peut aussi aller au-delà – pour laquelle tous les moyens sont bons pour s’imposer.

En somme la question n’est pas de savoir si Team Jorge ou Percepto relèvent du bien ou du mal, elles répondent à une demande. Elles ont simplement oublié que la règle essentielle du « pas vu pas pris » n’a pas été respectée ce qui les voue aux gémonies. Cette leçon ne doit pas être oubliée.
 


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