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La collection de Georges Bemberg à Lausanne, pour la seule beauté de l’art





Le 19 Mai 2021, par Christine de Langle

Ce sont les derniers jours* pour découvrir cette merveilleuse collection avant son retour à Toulouse dans un musée rénové en 2022.


Andrea Previtali, Portrait de jeune homme au bonnet noir, début du XVIe s. Photo © RMN-Grand Palais | Fondation Bemberg | Mathieu Rabeau
Andrea Previtali, Portrait de jeune homme au bonnet noir, début du XVIe s. Photo © RMN-Grand Palais | Fondation Bemberg | Mathieu Rabeau
De Toulouse à Lausanne

Les chefs-d’œuvre de la collection Bemberg ont quitté Toulouse, la « ville rose », pour prendre leurs quartiers de printemps à Lausanne et profiter de l’accueil chaleureux de la fondation de l’Hermitage.

Au-delà des prêts habituels aux musées français ou étrangers, cette migration est une première pour l’établissement toulousain. Après Lausanne, deux escales sont prévues aux États-Unis, à San Diego, Californie et Houston, Texas. Philippe Cros, directeur de la collection, compare ce prêt exceptionnel à « partir en famille au bout du monde » ! Après une rénovation complète du bâtiment, de la muséographie et un nouvel accrochage des œuvres, c’est au printemps 2022 qu’on pourra redécouvrir en majesté l’hôtel d’Assézat, cette magnifique demeure du XVIe siècle, considéré comme le plus bel hôtel particulier de la ville, et les joyaux qu’elle abrite.

Faire connaître les trésors des collectionneurs et des fondations privées est une des caractéristiques du musée vaudois et c’est très naturellement que la collection Bemberg a élu domicile dans cette belle maison construite pour le banquier suisse Charles Bugnion au milieu du XIXe siècle. Son parc planté d’essences rares domine Lausanne et le lac Léman, une vue magnifique qui avait déjà inspiré le peintre Camille Corot en 1825. 
 
Qui est Georges Bemberg (1915-2011), collectionneur et mécène ?

Issu d’une famille de Cologne dont une branche s’installe en Argentine au XIXe siècle et fait fortune dans la bière puis dans la banque, notre mécène peut vivre de ses rentes et partage sa vie entre Buenos-Aires, New-York, l’Italie et la France. Passionné de musique, il est élève de Nadia Boulanger, pianiste et compositeur, mais incapable de se consacrer à un seul art, avec toute l’abnégation que cela requiert, il préfère en merveilleux dilettante donner vie à ses multiples talents.

La littérature est son autre passion, ses pièces seront jouées Off-Broadway et ses inclinations vont de l’austère abbé de Saint Cyran, grande figure du jansénisme à Port-Royal, à Saint-Simon chroniqueur de la Cour du Roi Soleil. Son amour pour la peinture reflète également cet étrange mélange d’austérité et de légèreté.

A l’ouverture du musée en 1994, la collection s’articule en effet autour de deux pôles, les portraits de la Renaissance (La fascinante Princesse Sibylle de Clèves peinte en 1531 par Cranach l’Ancien) et la peinture de l’Ecole française moderne autour de Bonnard (avec 31 tableaux, la plus grande collection privée consacrée à cet artiste). Comme un double portrait de cet homme, fruit de l’austérité luthérienne familiale et de la joie de vivre sud-américaine.  Sans oublier un certain goût XIXe pour les cabinets de curiosité et pour les meubles XVIIIe hérités de sa famille, car, quand on a du mobilier, il est bien sûr XVIIIe ! Vous l’avez compris, nous avons affaire à un homme passionné de beauté qui fonctionne au coup de cœur. « Il demandait conseil, mais décidait selon son goût » confirme Philippe Cros.

Pierre Bonnard, Marine, vers 1910  Photo © RMN-Grand Palais | Fondation Bemberg | Mathieu Rabeau
Pierre Bonnard, Marine, vers 1910 Photo © RMN-Grand Palais | Fondation Bemberg | Mathieu Rabeau
La Fondation Bemberg à Toulouse

Sans héritier direct, cet homme généreux souhaitait préserver sa collection dans son intégrité et l’ouvrir au public le plus large. Francophile, il choisit la France où il a grandi pour accueillir sa collection. Une fondation privée est créée et la Ville de Toulouse lui offre l’écrin de l’hôtel d’Assézat.

La fondation Bemberg déclarée d’utilité publique vit avec les revenus de la dotation et peut recevoir dons et legs, ce qui a nécessité déjà un agrandissement des locaux en 2000. Philippe Cros, recruté dès l’ouverture du musée, l’a bien connu et l’évoque  avec reconnaissance et humour. « J’ai vécu un véritable compagnonnage avec cet homme d’une immense culture, mais qui, faute de diplôme en histoire de l’art, ne se sentait pas légitime, et pourtant cet homme était plus cultivé que nombre de professionnels ».

A Lausanne, le conservateur réapprend à regarder « ses » œuvres dans ce lieu « beau, humain, intimiste » et s’enthousiasme d’un magnifique accrochage dans des salles subtilement colorées. Chaque couleur de salle met en valeur les œuvres et contribue au bonheur du visiteur.

Après les mois de fermeture, certains n’hésitent pas à parler d’un « bol d’air » devant ces peintures sensuelles et heureuses, et de salle en salle, c’est le dévoilement du goût d’un « honnête homme », une histoire résumée de la peinture européenne où se côtoient les coloris chatoyants de la peinture impressionniste et fauve et le face-à-face discret et intense des portraits Renaissance et deux autoportraits exceptionnels de Bonnard. L’exposition est un superbe hommage à ce collectionneur discret et généreux qui se dessine derrière ses collections.
 
Christine de Langle
 
* Exposition ouverte jusqu’au 30 mai 2021
 https://www.fondation-hermitage.ch/actualite/
 


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